Vue
Roche-
Melon.
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à l’obfervateur placé fur cette cime, & je rapporterai dans le chapitre
fuivant les expériences que nous y fîmes.
§. 12S}. On remarque d’abord au Sud Sud-Eft, ou plus exaflement
à 140 degrés-du Nord par Eft du méridien magnétique , une cime très-
haute , très-aiguë, & de forme triangulaire, qui iè nomme Roche-Melon :
elle tient du côté de l’Eft à la- chaîne dont Roche-Michel fait partie',
par une arrête de rochers qui n’eit point interrompue, mais qui s’abaille
beaucoup dans l’intervalle. La matière de tous ces rochers , de même que
celle de Roche-Melon , paraît être en général un fchifte micacé plus ou
moins mélangé de parties calcaires, de quartz, de taie ou de ferpen-
tine. La fituation des couches de ce fchiite la plus générale approche
de l’horizontale. La cime de Roche-Melon paroît élevée de 38 minutes
au-deffus de l’horizon de Roche-Michel.
I l y a eu pendant long-teins fur cette cime, une petite chapelle
avec une image de Notre-Dame qui étoit en grande vénération dans
le pays, & où Un grand nombre de gens allpient au mois d’août en
proceffion , de Suze & des environs ; mais le fentier qui conduit à
cette chapelle eft fi étroit & fi fcabreux, qu’il n’y avoit prefque pas
d’années qu’il n’y périt du monde ; la fatigue & la rareté de l’air fai-
fiffoient ceux qui avoient plutôt confulté leur dévotion que leurs
forces; ils tomboient en défaillance, & de là dans le précipice : or
ce précipice, vu du haut de Roche-Michel, paroît vraiment d’une profondeur
effrayante.
L ’a b b é Reéteur du Mont-Cenis, nous faifoientcependant rire, en
nous affurant férieufement que ceux qui tomboient là, étaient tellement
brifés, que l’oreille étoit la plus grande piece de leurs corps qui
demeurât dans ion entier.
M ais il y a quelques années, que pour prévenir les accidens caufés'
par ce dangereux pélérinage, on a fait transférer à Suze l ’image révérée
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qui en étoit l’objet ; cette fage nie lune n’a eu d’inconvénient que pour
les naturaliftes, parce qu’autrefois les prêtres qui dciiervoient cette
chapelle, & qui retiraient quelques aqmônes des pèlerins, avoient
foin de faire réparer le fentier. M. de St. R e a l qui monta fur' cette
cime au mois d’août 1787, trouva ce fentier dans un très-mauvais
état ; on verra avec bien du plaifir dans fon ouvrage fur le Mont-
Cenis, le récit de fon intéreflànte expédition ; j’y ferois aufli monté,
fi les neiges nouvelles ne rendoient pas ce voyage abfolument impraticable
à la fin de feptembre.
Q u e lq u e plaifir que nous euflions à voir cette montagne célébré,
elle nous déplaifoit un peu dans ce moment, en nous dérobant la vue
de Turin & de la plaine du Piémont, que nous aurions parfaitement
découvert fans elle.
§. 1264. En effet, malgré l’élévation de la cime fur laquelle nous Vuedela
étions, nous ne pouvions découvrir que des montagnes & le fond de Novaleze.
quelques vallées voifines ; nous voyions par exemple très - bien celle
de la Novaleze, qui étoit fous nos pieds au Midi, & dont la belle verdure
récréoit agréablement nos yeux attriités par les neiges & les
rochers qu’ils rencontraient fur tout le iefte de l’horizon ; mais le
village même de la Novaleze ne paroiffoit qu’une pierre grife, & la
rue même qui le traverfe, fembloit être une fente au milieu de cette
pierre.
. §. 1265. Au couchant de Roche-Michel, au-deffus du village de Vue du
la Grand-Croix , on voit un grand glacier, qui de la pofte du Mont- S1®” “ de
Cenis paroît le difputer en hauteur au rocher de la Fraife, vis-à-vis Roufle.
duquel il paroît fitué, niais je le crois moins élevé. De la Roche-Michel
nous le voyons abaiffe de 68 minutes au-deffous de notre horizon;
ce glacier fe nomme Corne-Rouffe ; la montagne fur laquelle repofe
ce glacier paroît être encore de fchifte micacé calcaire.