C H A P I T R E VI.
DE L'HOSPICE DU GRIMSEL A OBERGESTELEN
EN VALLAIS.
§. 1711. J e partis de l’Hofpice le 12 de juillet; j’avois penfé à tra-
verfer de là en Vallais, par un fentier qui conduit à la fource du
Rhône, & qui étant nouveau pour moi , me promettoit quelques
obfervations nouvelles mais le mauvais tems me força à renoncer à
ce pairage ; fans être précifément dangereux, il ne feroit cependant
pasjtrop fur par un tems dé pliiie & d’orage. Je fuivis donc la route
battue; cette route, toute battue qu’elle eft, ne briffe pas que d’être
péniblfe pour les mulets chargés, lis ont à traverfer de grands plateaux
de neige, qui ramollis par la pluie chaude qui étoit tombée pendant
la nuit, s’enfonçoit fouvent fous leurs pieds , au point qu’on ne pou-
voit pas les relever fans les décharger, opération pénible & qui fait
perdre beaucoup de tems.
O n met une petite heure de l’Hofpice au fommet du paffàge. Cette
fommité eft le Grimfel proprement d it, quoiqu’on donne communément
ce nom à toute la vallée, depuis Guttannen jufques-là. Comme
lu montée, depuis i’Holpice , n’eft pas rapide & qu’elle eft quelquefois
interrompue par de petites defcentes, un voyageur auroït de la peine à
décider quel eft le point le plus- élevé , fi les limites, entre le canton
de Berne '& le Vallais, ne le décidoient pas. Ces limites fontpofées au
point • où les eaux le féparent en defcendant, les unes au Sud, dans Je
Rhône, & delà dans la Méditerranée; les-autres, au Nord, dans l’Aar,
& de l’Aar dans le Rhin & dans*l’Océan. La moyenne entre::trois obfervations,
me donna pour ce point une élévation de 1118 toifes.
Si je n’avois paifé que cette fois là fur le Grimfel, je n’aurois pas
pu juger de fa fituation, car il régnoit un brouillard fi épais que l’on
ne diftinguoit rien à dix pas de diftance.. Mais en 1777, j’avois eu un
tems fort clair. Au refte, la vue de cette hauteur n’eft pas fort à regretter.
On ne voit que des neiges, des rochers & des vallées aufii nues
que les rochers mêmes. On n’apperçoit rien de verd fi ce neftlafom-
mité de quelques forêts du côté du Vallais, & quelques prairies du
palfage de la .Fourche. L’unique objet fur lequel les yeux s’arrêtent
avec quelqu’intérét, cîeft le glacier du Rhône, dont on découvre au
Nord-Eft le plateau fupérieur & une partie de la pente.
§. 1 7 12 . Le fommet de ce col ,1e plus élevé du Grimfel, eft compofé Nature
d’une roche feuilletée granitoïde, ou d’un gneifs rougeâtre médiocre- laG°^ e
ment dur & à feuillets¡aíTe?’,minces, tous verticaux & tous dirigés de fel.
l’Eft Nprd-Eft à l’OueftSud-Oueft, comme ceux dël’Oberaar, §. 1704.
Leur1 nature & leur direélion font encore les mêmes jufqu’à trois quart-
d’heure au-deffous du fommet. Enfuite ils s’inclinent contre le Vallais,
& puis ils deviennent horizontaux, ou brifés, de maniere qu’on ne
peut plus s’affurer de leur véritable fituation. Mais toujours eft-ii bien
remarquable que ces feuillets, verticaux au fommet, s’inclinent enfuite,
comme à Chamouni, contre le dehors de la montagne, §, 656.
L es couches de gneifs font çà & là interrompues par des fchiftes
micacés, gris & prefque friables, mais toujours fitués de la même maniere.
Vers le bas de la defcente , on trouve des ardoifes ou fchiftes
argilleux appuyés auffi contre le dehors de la montagne. En faifant
cette route, on ne voyage point dans une vallée comme du côté op-
pofé ; il n’y a non plus ni précipices ni dangers ; c’eft un dos ou un
revers prefque uniforme. On a dans cette defcente une vue affez agréable
fur la vallée du Haut Conche arrofée par le Rhône, quiferpente
entre des champs & des prairies , entrecoupés de bouquets de bois, &
parfemés dé maifons & de villages.
L e Haut Conche eft l’un des fept Dixains, ou l’un des fept petits