mens delà
terre végétale.
D E T U R I N
regarder la quantité de cette terre, comme une mefure du tems qui s’eft
écoulé depuis que le pays a commencé à produire des végétaux ; car
dans cet efpace de 10 lieues, entre Turin & St. Germano, je ne lui vis
nulle part, même dans les pays les mieux cultivés, une épaiffeur qui
allât à un pied : or , la petiteffe de cette quantité prouve à mon gré
que cette terre eft fujette à une décompoiition qui met une limite à
l'on accroiffement : car fans cela, comment un pays plat, fertile, cul.
tivé fûrement depuis plus de trois mille ans, n’en poflféderoit-il pas
une couche plus épailfe.
L a nature même de cette terre prouve qu’elle doit être fujette à
une décompofition fpontanée. En effet, fon analyfe démontre quelle
eft compofée de fibres & de racines végétales à demi putréfiées, & d’un
mélange de fer & de différentes terres imbibées des fucs à demi dé-
compofés des plantes qui y ont végété : or, ces reftes de plantes
doivent à la longue achever de fe décompofer ; leurs élémens volatils
doivent s’évaporer, & fervir à des produirions nouvelles, conjointé-
ment avec une partie des principes fixes qui font pompés par les racines ;
d’un autre côté, les eaux des pluies qui lavent la furface de ces terres,
& qui les pénétrent dans toutes leur épaiffeur, doiventauffi entraîner,
foit dans les rivieres, foit dans le fein même de la terre, les fels, les
terres atténuées & le fer, qui font les feuls réfidus fixes qui puiffent
furvivre à la décompofition des végétaux. Cette deftruétibilité de la
terre végétale eft un fait au-deflus de toute exception ; & les agricoles
qui ont voulu fuppléer aux engrais par des labours trop fréquemment
répétés en ont fait la trifte expérience ; ils ont vu leur terre s’appauvrir
graduellement, & leurs champs devenus ftériles par la deftruc-
tion de la terre végétale.
Puis donc que cette terre eft deftruftible , la quantité qui s’en
détruit doit être jufqu’à un certain point proportionnelle à fa quantité
abfolue ; & comme d’un autre côté la quantité qui s’en prQduit annuellement
eft néceffairement limitée , fon accroiffement doit auffi’ avoir
dés limites déterminées.
A M I L A N , Chap. X I I I . t t j
L es limites de cet accroiffement doivent varier fuivant le climat ,
fuivant la nature & la fituation du fond qui fert de bafe à la terre
végétale, fuivant les plantes qui y croiffent, fuivant les'genres de cultures
qu’on leur donne; enfin fuivant la fertilité du pays, ( i) Mais
lors même que toutes les caufes qui tendent à augmenter l’épaifteur de
cette couche de terre fe trouveraient réunies , on ne fauroit douter
qu’elle n’atteignît enfin un certain maximum au-delà duquel les caufes
deftrudives devenues égales aux caufes productives ne leur permet-
troient pas de s’élever.
Je ne crois donc pas, comme M. de Luc, que le peu d’épaîfTeur
de la terre végétale puiffe fervir d’argument pour prouver le peu d’antiquité
de notre globe. Ce n’eft pas que je ne pente au fond comme
lui fur cette grande queftion , je l’ai déjà déclaré plufieurs fois ; mais
je penfe que c’eft par d’autres argumens qu'il faut la décider.
5. 1320. J e viens à la nature même des cailloux roulés que l’on
rencontre fur cette route; ceux des environs de Turin qui fe montrent
à découvert fur les bords du Pô & de la Doire, préfentent une
grande variété de ferpentines, de fchiftes cornés, de roches mélangées
de hornblende en lames, quelques pierres calcaires, quelques
granits & quelques variolites.
C es variolites reffemblent beaucoup à celles de la Durance; mais
celles qu’on trouve dans les environs de Turin , ne font pas d’un beau
verd connue celle des bords de la Durance, & la nature même de
Ce feroit une grande erreur que de croire
que la fertilité d’ un pays dépende uniquement
de la nature du fol ; la chaleur &
l’humidité de l’air , la quantité & la nature
des exhalaifons dont il eft chargé y
influent beaucoup plus encore. J’ai vu
en Sicile & en Calabre, des rochers & des
graviers incultes & arides , qui dans notre
pays auroient été tout-à-fait ftériles , &
qui là , produifoient des plantes beaucoup
plus vigoureufes que ne les donnent chez
nous les terreins les plus gras & les mieux
cultivés.
Cailloux
roulés des
environs
de Turin.
Variolites
de Turin.
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