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L a grande route de Courthézon à Orange, eft fur un plateau élevé
couvert de cailloux roulés, au point qu’en bien des endroits on eft
forcé de biffer le terrein en friche. Cependant auprès d’Orange, d’in.
duftrieux cultivateurs ont enlevé ces cailloux en les entaffant fous la
forme de bancs élevés de 5- à 6 pieds, & le péu de fable & de terre
qui fe troùvoit dans leurs interftices, raffemblé au fond des tranchées
que forme l’enlevement des cailloux, permet d’y. planter de la vigne.
Je dis que c’eft le fable & la terre contenus dans les interftices de
ces cailloux qui le raffemblent lorfqu’on les enleve ; car dans cette
opération on n’atteint point la bonne terre ; en effet, dans les* coupures
ou naturelles ou artificielles du fo l, 011 voit que le lit de ces
cailloux qui recouvre le pays eft d’une très-grande épaiffeur.
Nature' §• 155°. Ces cailloux font prefque tous d’un quartz dur, fragile,
de.cescail. écailleux, qui reffemble beaucoup à un grès dur tel que celui de Sta.
Croce,- §. 1470. En eftet, il eft difficile de prononcer il c’eft un grès
ou un quartz grenu.
D a n s quelques endroits de ces cailloux, on voit des folutions de
continuité, & les contours arrondis de quelques gros grains ; mais dans
d’autres endroits du même cailloux on croit voir la pierre abfolument
en maffe & fans parties difcernables. Ces vuides remplis d’air peuvent
tromper, & faire croire que certains fragments font effervefcence lorf-
qu on les plonge dans un acide; mais ils font réellement indiffolubles,
& même une longue digeftion dans l’acide nitreux ne diminue point
leur cohérence. Leur couleur la plus ordinaire eft grife, blanchâtre,
fouvent rouillée à l'extérieur ; mais on en yoit auffi de jaunes, d’orangés
& même d’un affez beau rouge.
P a r m i ces cailloux de quartz, on voit quelques fragments de ba-
zalte noir de la même naturè que ceux de Rochemaure en Vivarais,
& qui en viennent très-vraifembiablement. Et ce n’eft pas feulement
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a la furface du terrein que l’on trouve ces fragments debazalte. On en
voit auffi dans les couches les plus profondes de ces amas de cailloux.
Ce n’eft donc pas le Rhône aduel qui les a tranfportés là; ils y font
venus par les révolutions beaucoup plus anciennes qui ont accumulé
ces. cailloux.
On voit aùffi parmi ces cailloux roulés quelques petites pierres
calcaires, & en particulier quelques amas ' de ftrombites, tels que ceux
que fai trouvés fur les bords de la Durance. §. i f 19. Q
§. 15-41, J e me fuis fouvent demandé d’où a pu parvenir cette im-
menfe quantité de cailloux de quartz que l’on trouve accumulés dans
la vallée du Rhône, depuis les plaines qui font entre Lyon & le Jura,
jufqu’à Avignon & plus bas encore ; car ces mêmes quartz font, comme
je le dirai ailleurs, au moins les fept huitièmes des cailloux roulés qui
couvrent la grande plaine de la Crau. L ’origine de ces cailloux de
quartz eft d’autant plus difficile à déterminer, que dans toutes les
montagnes qui bordent le Rhône, & même dans les chaînes attenantes
à ces montagnes, on n’en connoît aucune d’une certaine étendue qui
foit en entier de cette pierre, ni même des grès durs non effervefcents.
On voit bien auprès de la ville d’Orange & ailleurs fur pette route,
des couches & même des collines de grès, mais ces gres font beaucoup
plus tendres, d’un tout autre grain, & liés par un gluten calcaire
qui fe biffe drffoudre par les acides avec une vive effervefcence.
Je demande donc fi ces grès ne feroient point les débris de quelques
montagnes renverfées & brifées par les dernieres révolutions de
notre globe. Ce quidonneroit quelque probabilité à cette conjedure,
ce font les rochers culbutés de grès durs non effervefcents que M.
G u e t t a r d a obfervés en montant de Pierre-Latte à St. Paul trois châteaux.
Minéral, du Dauphiné, pag. 161. Comme ces rochers font dans
un état de deftruclion, il eft bien poffible qu’il en ait exifté d’autres qui
font abfolument détruits.
Doutes
fur l’ori-
gine de ces
quartz.