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bords de la Durance, font très-rares dans la Crad. Enfin ces porphy-
res à cryftaux de feldfpath, dont j’ai trouvé tant de variétés dans le
lit de la Durance, font fi rares à la Crau, que je n’y en ai pas apperçu
un feul. Et en revanche , j’ai trouvé dans la Crau des efpeees que je
n’ai point vues fur les bords de la Durance. En fomme, je ne crois
pas que les cailloux analogues à çeux de la Durance faffent la feizieme
partie de ceux .de la Crau.
C e n’eft point lk l’unique objection que j’aie contre cette opinion.
Je dirai de plus qu’il me paroît impoflible qu’un courant auffi peu
confidérable que celui de la Durance ait pu, non-feulement charrier,
mais encore niveler ces cailloux fur toute la furfaee d’une plaine qui
à 20 lieues quarrées d’éteçdue, Les fleuves & les torrents, peuvent
jufqu’à un certain point, niveler les tgrreins qu’ils inondent, en y
répandant du limon ou du fable, parce que ce limon & ce fable
demeurent fufpendus dans leurs eaux , mais les groffes pierres ne
s’accumulent point .avec cette uniformité par l’impulfion d’un cou.
rant d’un? auffi petite étendue,
J ’a jo u t e r a i enfin, que les cailloux de la Crau font généralement
plus gros que ceux de la Durance. La plupart de ceux que l’on voit
à la furfaee de cette plaine, font gros comme la tête d’un homme,
& on en voit même de la grofleur d’une tète de cheval, M. de Lama-
n o n avoit d.épofé dans fon cabinet un caillou de quartz de cette taille
& à-peu-près de cette forme, comme un .exemple du volume que les
cailloux de la Ç rp peuvent atteindre.
L es mêmes arguments, quoique bien moins forts contre le Rhône
que contre la Durance, m’empêchent auffi de regarder ce fleuve comme
le véhicule des cailloux de la Crau,
Caufe i I c i donc encore, je reviens à la débâcle qui fe fit au
Sable,1110* moment e “ les eaux de la mer abandonnèrent nos continents & fe
■ ' portèrent avec une extrême violence vers les lieux les plus bas où"
s’étoient
D E L A C R A U , Chap. XXXIV. 401
^étoient ouverts les gouffres qui les engloutirent. Ce courant, refferré
d’abord entre les montagnes du Vivarais d’un cote, & celles du Dau-
phiné & de la Provence de l’autre , fe dilata aux approches de la
Méditerranée , où ces montagnes s’abaiflent & s’écartent; alors il
dépota les cailloux qu’il entraînoit, & ces cailloux furent niveles,
foit par le courant même qui les dépofoit, foit par la mer dans laquelle
ce courant venoit fe dégorger. Et comme ce torrent defeendoit dans
le même tems par les gorges de toutes les montagnes, il n’eft pas
étonnant, de trouver dans les cailloux qu’il rouloit, un mélange de
toutes les pierres dont ces montagnes font compofées.
§• ' 59 7- Q u a n t à la mer, ce qui paroît prouver qu’elle a concouru Poudin-
à la formation de ce dépôt, ou que du moins elle a long-tems féjourné 8“*^
fur ces cailloux , c’eft le poudingue arenaceo-calcaire qui forme la bafe
de toute la plaine de la Crau. Ce poudingue commence tout près de
la furfaee, & il a en quelques endroits, fuivant M. D a r l u c , jufques .
à fo pieds de profondeur. Je l’ai examiné avec foin ; fa pâte eft en
général compofée d’argille, de fable & de petits graviers liés par un
gluten fpathique calcaire. Il y a même beaucoup d endroits ou le fpath
calcaire remplit feul les interitices des cailloux. Le fable qui refte après
la diffblution des parties calcaires & la lotion du fédiment argilleux,
paroît compote de grains de quartz anguleux, les uns jaunes, les
autres blancs. Parmi les jaunes on en voit quelques-uns parfaitement
tranfparents & d’une belle couleur d’hyacinthe.
Si ce poudingue ne commençoit qu’à une certaine profondeur aù-
defibus de la furfaee, mais fur-tout fi l’on voyoit au-defliisde lui des
bancs de pierre calcaire, on pouroit croire que les eaux pluviales, en
traverfant les bancs fupérieurs ,fe font chargées de parties calcaires, &
les ont enfuite''dépolées dans les inférieurs. Mais comme ici le poudingue
fe trouve abiolument au jour, que même plufieurs des cailloux
roulés à la furfaee de la plaine font encore chargés de parties de ce
poudingue qui les lioit autrefois entr’eux, il eft évident,que les eaux