Montée
à la Fourche.
-, Change,
»ent gra-
J22 P A S S A G E D E L A F ü R C A
glaciers ; mais en revanche elle, a quelque choie de plus doux, de
plus paftoral ; les rochers de fes montagnes, entrecoupés de prairies &
de forêts, n’ont rien de rude ni de fauvage. La vallée eft parfemée de
petits hameaux, dont les maifons blanches & propres, font un effet
charmant fur la belle verdure qui tapiffe tous leurs alentours; & de
place en place de petits rochers élevés en forme de tertres & couverts
de méleZes extrêmement touffus, femblent être des bois facrés au milieu
defquels on imagine un autel ou une ftatue. ( i )
§■ 1777- A 20 minutes de Fundavalle, on paffe auprès d’une petite
cafeade, qui gliffe fur des granits veinés en couches horizontales.; on
y voit des filons blancs, minces, femblables à ceux de St. Roch, %.
, 71I j & parallèles aux couches.
. A trois quarts de lieue de la , ou après une heure de cette rapide
montée, j arrivai aux chalets de Stoppai, où la pente plus douce permit
aux porteurs de remettre leur charge fur le dos du mulet ; mais ce
repos ne fut que de trois quarts d’heure, au bout defquels ils furent
obliges de la reprendre pendant demi-heure jufqu’à d’autres chalets
nommés Ober Stawol ou Carte di fopra.
Un peu au-deflùs de ces chalets , j obfervai des bancs très-réguliers de
granit veiné, dont le grain eft un peu plus fin que dans ceux du fond de
la vallée, mais qui méritent pourtant toujours le nom de granit. Leurs
couches montentde 20 degres du côte de l’Oueft. De ces chalets nous
mîmes encore une heure & demie à monter au pied de la croix qui
défigne le point le plus élevé du paffage ou de la Furca del Bofco.
§• ' 1778. Tous les rochers que je rencontrai depuis les chalets juf-
( 1 ) Ces bouquets d’arbres, irréguiié-
Vement femés par la nature , fur des rochers
<pars dans la vallee , n’ont pas la pefanteur
4c la monotonie de ces mallifs des jardins
Anglois ( dumps) que M. U rd a le P r ic e
a ridiculifé avec tant d’efprit & d’originalité
dans fon charmant ouvrage: An ejjau
en the pitturejque. London , 179.4.
qu’au haut de ce c o l, font des roches feuilletées, d’abord comme je d ué de !»
l’ai dit, des granits veinés à petits grains , & enfuite des roches dont ™ftul^ de
le grain diminue graduellement, & dont le feldfpath difparoit peu à chers,
peu en fe changeant premièrement en glandes quartzeufes, comme
celles de la pierre du Buet, §. ^90, & enfuite en hornblende, ou dif-
tincle, ou tirant fur la pierre de corne. Enfin , la pierre perd entièrement
les caraéteres de granit veiné, & ce font des roches micacées,
mêlées de hornblende; ici lamelleufe , là fibreufe, ou d’une rayonnante
(firalhjlein ) rhomboïdale dont on verra la defeription au §. 19*0.
D ans quelques endroits la hornblende feuilletée paroît pure..Dans
d’autres, c’eft la rayonnante qui domine, mêlée avec une efpece de
talc jaunâtre. Enfin, entre ces couches font interpofées des roches micacées
quartzeufes, mêlées de gros grenats dodécaèdres impurs ; celles- '
ci même dominent vers le haut ; & la cime la plus elevée qui eft au-
deffus de la croix, à gauche , ou au Nord au-deffus du paffage,.en
eft entièrement compofée. !■
§.1779. J e trouvai là le baromètre à 21 p. 5 1. {¡3, le thermomètre Hauteur
à 10, 6, ce qui donne une élévation de I202 toifes; L’hygrometre .
ctoit à 84-, 9 degrés, & la vapeur bleue prefqu’invifible. On a du haut de
Ce col une belle vue du glacier du Griès, de la chùte que fait la Toccia
à Underfruth-, & du Val-Formazza, mais il n’y a rien à voir d’agréable
que dans cet alignement ; tout le refte de l’horizon eft couvert de
rocs fourcilleux, efearpés, qui ne préfentent aucun tableau qui flatte
les yeux ou l’imagination. Mais ce qui intéreffe l’efprit de l’obferva-
teur, & qui feul m’aùcoit dédommagé des fatigues de ce voyage ,
C’eft la vue diftinde des cimes dont j’avois obfervé les bafes ; je vis
que toutes ces montagnes, dont le bas eft de granit veiné, à gros grains
& en couches, extrêmement épaiffes, fe changent peu-à-peu.en sé-
levant, comme celles que je venois de monter, en pierres à grains
plus fins, moins dure6, en couches plus minces, & qui cependant
confier vent toujours leur fituation horizontale. Ces gradations , ces
paffages font de grands traits pour la théorie.
V v v 2