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combien fes eaux jaunes & troubles reffembloient peu au faphir dont
elles ont la couleur en fortant de notre lac! On a profité d’une isle
qui fe trouve au milieu de fon cours, pour faciliter le trajet, & pour
divifer en deux , le pont de bateaux fur lequel on lë paffe. Ce pont
eft étroit, dénué de barrières, on nous blâma de n’avoir pas pris du
monde pour mener nos chevaux.par la bride, & foutenir la voiture.
On dit qu il y a beaucoup d’exemples de voitures renverfées & précipitées
dans le Rhône par le miftral, quand il eft aulfi fort qu’il Rétoit
ce jour-là,
f En arrivant à Beauçaire, nous entendîmes fonner toutes les cloches,
pour des prières publiques, dont l’objet étoit de demander au Qiel
la ceiTation du miftral, qui par fon froid & fa violence, donnoit des
. inquiétudes pour toutes les récoltes,
Miftral. §. 1604. Le vent connu en Provenee, fous le nom de mißrat,
fouffle du Nord-Ougft, ou; de l’Oueft Nord-Oueft. On dit qu’il contribue
à la falubrité de l’air, en écartant les vapeurs des marais &des
eaux ftagnantes qui font au Midi du Languedoc & de la Provence.
Mais auifi il caufe fouvent de grands dommages, & il eft au moins
dfone extrénje incommodité,
Ses eau- Q u a n t à fes caufes, on peut les réduire à trois. La première & la
fes. plus active, c’eft la fituation du golfe de Lyon, dont les bords font
le principal théâtre de fes ravages. En effet, ce golfe eft fitué au fond
d’un entonnoir que forment les. Alpes & les Pyrénées. Tous , les vents
qui foufflent des rhumbs fitués entre l’Oueft & le Nord, font forcés
par ces montagnes à fe réunir dans ce golfe. Ainfi des vents qui n’au-
roient régné qu’à l’une des extrémités de ce golfe, ou même fort au-
delà , réfléchis par ces montagnes, font obligés d’enfiler cette route ;
& fouvent le milieu du golfe, au lieu du calme dont il auroit joui ,
eft expofé aux efforts réunis des deux vents ; engouffrés dans des direc-,
tions différentes. C’eft là ce. qui produit ces tourbillons qui femblent :
D U R H O N E , Chap. X X X V . 407
caràélérifer lé miftral, & à caufe defquelsles anciens l’avoient nommé
Circhis, a turbine ejus ac vertigine, dit Aulu g e lle . L. II, Ch. 22.
• L a fécondé caufe, c’eft la pente générale des terres qui defcendent
de tous côtés vers ce même golfe. Car, comme ce golfe fe trouve
tout à la fois plus bas & plus méridional que les pays fitués fur fes
derrières, ces deux raifons réunies le rendent le point le plus chaud
de tous les pays limitrophes. Or, comme l’air, à la furface de la terre,*
fe porte toujours du froid au chaud, le golfe de Lyon fe trouve
ainii le foyer auquel doit tendre l’air de tous les points plus froids,
renfermés entre l’Eft & l’Oueft. Cette caufe feule produiroit donc des
vents dirigés à ce golfe, lors même que les montagnes ne lui eu
réfléchiroient aucunes.
On fait enfin, que dans tous les golfes, les vents de terre foufflent
avec plus de force, que vis-à-vis des plages droites & des promontoires,
quelle que foit d’ailleurs la fituation de ces golfes. Je crois
bien qu’en derniere analyfe, cette caufe fe fond dans la précédente.
Cependant comme c’eft un fait généralement reconnu, & qui par oit
même quelquefois difficile à rapporter à la caufe de la chaleur, on
peut bien l’annoncer féparément. En effet., il faut bien affigner au
miftral des-uaufes différentes, pour que malgré les variations des faifons
.& des températures, on puiftë expliquer la finguliere confiance de ce
vent dans le bas Languedoc & dans la baffe Provence. Il y a des
exemples très-frappants de cette confiance. M. l’abbé P a p o n , dans fon
vayage de Provence, T. II, p. 81. alfure qu’en 1769 & 177?, le
miiftral régna pendant quatorze mois confécutifs. Mais les trois .caufes
que j’ai affignées, prifes féparément, expliquent fa fréquence ; & réunies
, elles rendent raifon de fa force.
§. 160$. Sur la route de Beauçaire au pont St. Efprit, on voit De Beau-
tout près de la ville paroitre au jour des rochers calcaires. On voyage pont* du
enluite entre des collines qui font auffi calcaires. Mais on en fort pour Gard.