Pierres
qui com-
pofent
cette
montagne.
Schifte
de rayonnante.
Rocher
d’une
efpece de
variolité
tendre.
94 D E L A N O V A L E Z E
Comme elle eft la derniere de la chaîne des Alpes qui confine à cette
partie de la plaine du Piémont, j’étois curieux de l’obferver. J’y allai
avec mon fils le 10 d’oétobre 1787.
Nous montâmes par un fentier rapide mais allez bien entretenu, que
l’on prend auprès de l’Eglife de St. Ambroife. Toute cette montagne
eft de pierres magnéfiennes, & l’on y voit différentes efpeces de cette
claffe. Mais vers le haut, ces variétés deviennent plus intéreffantes.
§. 1289. A. O n y trouve une pierre verdâtre brillante, parfemée de
lames noirâtres trs-brillantes, applaties, parallélépipèdes, de 3 à 4 lignes
de longueur fur trois quarts de lignes de largeur au plus. Ces lames
paroiffent noires à la furface de la pierre; mais quand on les en détache,
on voit qu’elles font tranfp'arentes & d’un beau verd foncé. Elles
fe laiffent aifément rayer par l’acier, deviennent grifes & opaques à la
flamme du chalumeau, & ne donnent qu’avec peine des indicés d’un
commencement de fufion. Je les regarde comme uns efpece de rayonnante
(JStrahlftein de Werner.) Le fond de la pierre n’eft qu’un entrelacement
de lames très-billantes de la même forme & de la même nature,
mais qui font plus petites & d’un verd de montagne clair. Leur enfemble
forme un fchifte à feuillets très-minces, fouventondé, tendre, fragile
& rude au toucher.
§. 1289. B. O n trouve auffi vers le haut de St. Michel dés rocsverds,
parfemés de taches blanches. Le fond de ces rocs eft compofé d’un
entrelacement d’aiguilles fines, d’un verd plus foncé & un peu moins
brillantes que celles qui forment le fond du fchifte que je viens de
décrire, mais de la même nature, & les grains font dufeldfpath ; ici
rhomboïdal, là fous une forme arrondie. Ces grains varient par leur
grofieur depuis celle d’un pois jufqu’à celle d’un grain de mil. Cette
pierre n’eft point fchifteufe; elle obéit très-bien au cifeau; on s’en eft
lèrvij pour le haut de l’églife de St. Michel & pour les colonnes dont
elle eft décorée ; dans la plupart deg pierres de cette efpece que l’on a
:rA T U R I N . Chap. IX . 95
employées pour ces conftruélions, les, grains ne font pas blancs, mais
feulement d’un verd plus pâle que le fond de la pierre; & ils font là
compofés .d’un mélange de feldfpath & d’aiguilles de rayonnante.
§. 1290. L ’obfervation la plus intéreCànte que,j’aie faite fur cette Cailloux
montagne, eft celle des cailloux roulés que je trouvai jufqu’à la hauteur trr0°uUv^ ’
de l’Abbaye. Malheureufement je n’avois pas porté mon baromètre; très-haut,
mais je ne m’écarterai pas beaucoup de la vérité en la fuppofant de
230 ou 300 toifes au-deffus de St.Ambroife. Ces cailloux font de dif-
férens genres ; 011 y voit des granits en maffes, & plus fouvent encore
des granits veinés ; des pierres calcaires, des roches de hornblende,
des roches grçnatiques, &c. Plufieurs de ces cailloux font d’un volume
confidérable ; il yen a. même & affez haut, que l’on peut nommer des
blocs; toutes ces pierres arrondies, étrangères, entr’elles & au fol qui
les porte font bien certainement roulées ; elles font même accompagnées
du fable & du gravier qui complettent la preuve de leur origine.
O n ne' fanroit douter que ces cailloux n’ayent été dépofés par un
courant d’eau fur les flancs de cette montagne. Or il faut que ce courant
ait été bien confidérable pour avoir pu s’élever jufqu’à cette hauteur
, & remplir toute la largeur de cette vallée, qui eft déplus d’une
demi-lieue. 11 n’eft pas néceffaire de dire que ce ne font pas les eaux
des pluyes qui produifirent un courant d’un auffi grand volume &
doué d’une impétuofité affez grande pour charier des blocs de pierre
d’un poids aullr confidérable. La nature de ces mêmes blocs, dont la
matrice ne fe trouve que dans des montagnes affez éloignées, attefte la
force de' ce courant.
§■ 1291. Nous mîmes une heure & demie à monter jufqu’au monaf- Relie vue
tere. La vallée que nous venions de parcourir, & la Doire qui l’arrofe du mona£i
dans toute fa longueur, préfentent de là un afpett très-agréable. On a
auffi une vue très-étendue fur les plaines du Piémont ; on fuit le cours
delà Doire prefque jufqu’à Turin j & comme elle s’élargit & ferpent»