donner à Dieu l’être qui eft parvenu à ce terme.
Il y a de l’ordre dans l’univers : Dieu y pré-
fide : le fage ne fera donc aucune chofe, il croira
eue ce qui lui arrive eft bien.
Cet ordre eft néceflaire : s’il a deftiné à l’ empire
un homme , & que cet homme périflè, il reflufci-
lera pour regner.
Celui qui a étudié cette chaîne des deftinées, prédira
l’avenir.
Ce qui eft ne périt point, ou parce qu’il eft par
lui-même , 6c qu’il doit durer fans fin, ou il faut remonter
à quelque chofe qui fe faffe de rien ; mais
rien n’aboutit jamais qu’à rien.
Tant que nous v ivons,, nous, fommes châtiés.
Il faut réunir l’art de guérir l’ame à celui de guérir
le corps, pour pofléder la médecine par excellence.
L’animal fera-t-il fain, tant que fa portion la
plus eftimable fera malade. (
Les dieux n’ont pas befoin de vittimes. Avoir l’ame
pure, faire le bien à ceux qui le méritent ; Voilà
ce qui rend agréable aux yeux de l’Eternel. Il n’y a
que cela que l’athée ne puifl'e pas préfenter au ciel.
Vous avez de l ’affinité avec les animaux, n’enfa-
crifiez donc point.
Tous les êtres ont leur jeunefle 6c leur caducité ,
leurs périodes 6c leur confommation.
La richefl'e eft une fource d’inquiétudes ; pourquoi
les hommes veulent-ils être riches ?
Il faut dans l’indigence fe montrer ferme, humain
dans l’opulence.
L ’iridifcrétion a bien des inconvéniens : il eft plus
fur de fe taire.
Le fage fe contente de peu : ce n’ eft pas qu’il ne
fâche diftinguer une chofe v ile d’une chofe précieu-
fe , mais fon étude eft d’apprendre à fe paffier de
celle-ci.
La colere eft le germe de la folie ; fi on ne prévient
fa maturité, il n’y aura plus de remede.
N’être plus , ce n’eft rien: être, c’eft fpuffrir.
Il eft doux d’avoir évalué les évenemens fâcheux*
avant que d’avoir à les fûpporter.
Confolons-nous par la vue des miferes d’autrui.
Si nous commettons le crime, du moins n’accu-
fons perfonne.
La vie eft courte pour l’homme héureux ; l’infortune
prolonge fa durée.
Il eft impoffible qu’Apollonius ait eu les maximes
d’un fage 6c la vie d’un impofteur. Concluons donc
qn’on l’a trop bien fait parler ou trop mal agir.
Secondus l’athénien, furnommé Epiurus ou la
cheville de bois, de l’état de fon pere, garda le filen-
ce du jour que fa mere trompée dans les defl'eins in-
cefteux qu’elle avoit formés fur lu i, mourut de trif-
leffe 6c de honte. Il eut poiir difciple Herodes Atticus.
Le monde, difoit-il, eft un affemblage incomprehen-
fible , un édifice à contempler de l’efprit, une hauteur
inacceffible à l’oe il, un fpe&acle formé de lui-
même , une configuration variée fous une infinité de
formes, une terreur éternelle, un oether fécond, un
efprit multiplié, un dédale infini, un foleil, une lumière
, un joiir , une nuit, des ténèbres, des étoiles
, une terre, un feu, une eau, de l’air : D ieu , un
bien originel, une image multiforme, une hauteur
invifible , une effigie variée, une queftion difficile,
un efprit immortel, un être préfent à tous , un oeil
toujours ouvert, l’effence propre des chofes, une
puiflance diftinguée fous une multitude de dénominations
, un bras tout-puiffant, une lumière in te lligente
, une puiflance îumineufe : l’homme , un efprit
revêtu de chair, un vafe fpirituel, un domicile
fenfible , un être d’un moment, une ame née pour la
peine, un jouet du fo rt, une machine d’o s, le jouet
du tems , l’obfèrvateur de la vie , le transfuge de la
lumière, le dépôt de la terre : là terre, la bafe du
ciel, une perfpeâive fans fond, une racine aérienne,'
le gymnafe de la v ie , la veillée de la lune , un fpec-
tacle incompréhenfible à la v u e , le réfervoir des
pluies, la mere des fruits, le couvercle de l’enfer,
la prifon éternelle, l’efpace de plufieurs fouverai-
netés, la génération 6c le réfervoir de toutes chofes:
la m ort, un fommeil éternel,la diffolution du corps,
le fouhait du malheureux, la retraite de l’efprit, la
fuite 6c l’abdication de la v ie , la terreur du riche, le
foulagement du pauvre , la réfolution des membres,
le pere du fommeil, le vrai terme fix e , la confommation
de tout, & ainfide plufieurs autres objets fur
lefquels Secondus s’interroge S i fe répond. Nicomaque
vécut dans l’intervalle des régnés d’Augufte
6c des Antonins. Il écrivit de l’Arithmétique 6c de
l’Harmonie. Ses ouvrages ne font pas parvenus juf-
qu’à nous : il ferma la leconde ere de la philofophie
pythagoriqut.
De la philofophie pythagoreo-platonico-cabaliflique.
Cette fefte parut vers le commencement du feizieme
fiecle.On commençoit à abandonner l’Ariftotélifme;
on s’étoit retourné du côté de Platon ; la réputation
que Pythagore avoit eue , s’étoit confervée ; on
croyoit que cet ancien philofophe devoit aux Hébreux
tout.ee qu’ il avoit enfeigné de bonne do&rine.
On fondit ces trois fyftèmes en un, 6c l’on fit ce
monftre que nous appelions pythagoreo-platonico-ca-
balijh, 6c dont Pic de la Mirandole fut le pere. Pic
eut pour difciple Capnion, 6c pour feftateurs Pierre
Galatin , Paul Riccius 6c François de Georgiis,
fans compter Corneille Agrippa. La pythagoreo-pla-
tonico cabale ne fut pas plutôt défîgnée par ce nom ,
qu’elle fut avilie. Ce fut François Patricius qui la
nomma. Nous allons parcourir rapidement l’hiftoire
de ceux qui lui ont donné le peu de crédit dont elle
a joui pendant fa courte duré. Jean Reuchlinfe préfente
le premier.
Reuchlin naquit à Pforzen en Suiffe, en 1 45 5. La
nature lui ayant donné un bel organe, on l’appliqua
d’abord à la mufique, enfuite a la grammaire.
Il vint à Paris ; il y fréquenta les écoles les plus
connues, 6c les hommes les plus célébrés ; il fe livra
à l’érudition, 6c y fit de grands progrès ; il étudia
la langue grecque, 6c il en peignoitfi parfaitement
les carafteres, que cette occupation lucrative fuffi-
foit à tous fes befoins. De la connoiflance du grec il
paffa à celle du latin ; il méprifa tous ces miférables
commentateurs d’un philofophe qu’ils n’étoient pas
en état de lire ; 6c il puifa la ao&rine d’Ariftote dans
fes propres ouvrages; il ne négligea ni l’art oratoire,
ni la théologie. Il n’avoit pas vingt ans , qu’il y avoit
peu d’hommes dans l’univerfitç de Paris qu’on pût
lui comparer. Ce fut alors qu’il revint dans fa patrie.
Il s’établit à Bâfle ; mais le deflèin de s’inftruire en
la jurifprudence le ramena en France. Il fit quelque
féjour à Orléans ; il revint en Allemagne. Eberard
Barbatus fe l’attacha , 6c le conduifit à fa fuite en
Italie oîi il fit connoiflance avec Démétrius Chalcon-
dile , Chriftophe Landinus , Marfile Ficin , Ange
Politien, Pic de la Mirandole,& Laurent de Médicis
qu’il falloit nommer le premier. Ce fut Hermolaiis
Barbarus qui changea fon nom de Reuchlin en celui
de Capnion; de retour de fon voyage d’Italie, il parut
à la cour de l’empereur Frédéric , oii le juif Je-
hiel Loans lui infpira le goût de la langue hébraïque.
Mais à la mort d’Eberhard, premier duc de Wîr-
temberg , qui l’avoit comblé d’honneurs, fa fortune
changea ; accufé de la mauvaife adminiftration du
fuccefleur d’Eberhard, 6c menacé de la perte de fa
liberté, il échappa à la pourfuite de l’empereur Maximilien
, 6c trouva un afile 6c des amis à la cour palatine.
Reuchlin ou Capnion , comme on voudra
l’appelier , avoit de l’efprit 6c de la gaieté : if
étoit jeune : il ignoroit encore les perfécutions qu’on
fe prépare j en offenfant les gens d’églife : il ne s’ en
tint pas à méprifer leurs moeurs difiolues , leur ignorance
6c leur barbarie, il eut l’imprudence d’en faire
Une peinture très-vive dans une comédie, dont le
ridicule principal tomboit fur les moines. Cet ouvrage
parut, 6c devint la fource des peines qui
Commencèrent à ce moment, 6c qui durèrent autant
que fa vie. Cela ne l’empêcha pas d’être envoyé
à Rome , à l’occafion du mariage du prince Rupert
& d e la fille de G eorge, duc de Bavière. Ce fut dans
ce fécond voyage qu’il acheva de fe cohfommer
dans la connoiflance des lettres grecques 6c latines ;
il parut dans l’école d’Argyropule, qui frappé de
l’élégance 6c de h facilite avec laquelle Capnion
interprétoit, fe tourna vers fes auditeurs, 6c leur
dit : ecce Gracia nojlro exilio tranfvolavit alpes. Il prit
des leçons d’hébreu du juif Obadias ben Jacob Spor-
n o , qu’il n’étoit pas donné à tout le monde d’en-
tendrè, tant il fe faifoit payer chèrement. Le tems
de fa députatation écoulé , il revint en Allemagne ;
il quitta la cour, 6c prefle de jouir du fruit de fes
études, il chercha la retraite. Il fut cependant appelle
dans les tranfaéfions les plus importantes de
fon tems. Or il arriva qu’un juif renegat s’efforçoit
de perfuader aux puiflances féculieres 6c à l’empereur
de brûler les livres des Juifs. Il s’étoit fait écouter:
on avoit ramafle le plus d’ouvrages hébreux que
Pon avoit pu : l’édit de Maximilien étoit p rê t, 6c
l ’exécution alloit fe faire àFrancfort, lorfque les Juifs
fe plaignirent^:l’ empereur les écouta,, 6c leur donna
pour commiflaire Reuchlen. Reuchlen diftingue : il
abandonne au fort qui leur étoit deftiné, tous les
auteurs impies ; mais il infiftefurla cônfervation des
grammairiens, des médecins , des hiftoriens , de
tous ceux qui avoient traité des fciences & des arts,
& qui pouvoient fervir à l’intelligence d’une langue
aufli eflentielle à la religion chrétienne. Pfefferkorn
( c’eft le nom du juif ) entre en fureur : il ameute
les moines : on écrit contre Reuchlin : on s’affem-
ble : on délibère : on le condamne ; il eft appellé à la
cour de l’empereur, 6c à celle du fouverain pontife.
Erafmè& d’autres favans prennent fa défenfe. On revient
fur le projet barbare d’anéantir en un jour les
monumens les plus précieux de l’églife chrétienne.On
abfotit Reuchlin ; 6c l’ignorance 6c la fuperftition
confondues n’en font que plus violemment irritées.
Cependant l’héréfie de Luther s’élève : les peuples
s’arment : le fang fe répand : des villes fe délèrtent,
& Reuchlin perd fon é tat, fa fortune, fes livres ,
tombe dans l’indigence, 6c eft réduit à enfeigner
les langues pour vivre. Le$ troubles de fa vie dérangèrent
fa fanté ; il devint Ianguiflant, & il mourut
à Stutgard, âgé de foixante-fept ans. Il faut écrire
fon nom parmi les premiers reftauràteurs des lettres
dans nos contrées. Les erreurs dont l’Èglife étoit in-
fe&ée, ne lui échappèrent point ; il s’en expliqua
quelquefois aflez librement ; cependant il ne fe fé-
pàfa point de notre communion. Ilprofefla la Philo-
fpphie pythagoreo-platonico-cabalififque , ainfi qu’il
pàroit par l’ouvrage qu’il a intitulé de arte cabalifli-
> & par celui qu’il a publié de verbo mirifico. Il dit
ailleurs : Marfile Ficin « relevé la Jlaiue de Platon en
Italie; Faber celle diAriflot e en France; i l niétoit ré-
ferve de rejlituer celle de Pythagore. Mais ce philofophe
tnflruit par les Chaldéens, ne pouvoit être entendu fans
l etude de la cabale. C’efl la clé de fa doctrine : je l'ai
cherchée, & je Cai trouvée. Qu’avoit-i'1 découvert à
raide de cette metveilleufe c lé , & d’une application
de vingt ans? Que Bamch*renfermoit l’èxplication
j e,tous l^s noms ineffables, qu’ils s’appliquoient à
Jefus-Chrift fans^exception, 6c que ces quatre lettres
J -, E , S , V étoient le grand tetragramme pythago-
rien. Reuchlin n’eft pas le centième d’entre les phi-
ofophes qui fe font livrés à des travaux incroya-
Tome X I I I .
bkspourilluflrerun certain genre de folie. Celui-ci
etüdia la doarine chaldaïque, égyptienne, thrace
hermétique:* orphique & hébraïque ; mais l’école
d Alexandrie avoit tout corrompu. Reuchlin s’én
rapporta au témoignage de Pic, & Pic ne diftinguant
rien, s’etoitconfié indiftin£lement,& aux livres des
anciens auteurs , & à ceux qui leur avoient été fup-r
pofés. Qu’eft-ce qu’il y avoit après celh de furpre-
nant, lorfqu’il decouvroit de tout côté des veftiges
du chriftianifme, que fon imagination excitée mufti-
plia enfuite à l’innni? d’oii il arriva qu’il ne connut
bien, ni le pythagorifmè, ni le platonifme ni la
cabale , ni le chriftianifme.
François George le vénitien vivoit encore en
1 5 3 1 ; ce fut un philofophe très -fubtil , mais dont
I imagination égaroit le jugement. Il a laifle deux ouvrages
: l’un, fur l’harmonie du monde : l’autre, fur
des problèmes relatifs à l’intelligencè de quelques
points de 1 Ecriture. C’eft un mélangé de doélrine
chrétienne 6c d’opinions rabbiniques,qui fiitprofcrit.
Voici quelques-uns dé fes principes.
Les nombres font la caufe de l’ordre univerfel ; ils
s elevent de la terre aux cieux, 6c redescendent des
cieux à la terre , formant une chaîne d’émanations ,
par laquellè des natures diverfes 6c des accidens oppofss
font liés. r .
C’eft aux hommes que Dieu a éclairés de fon efprit,
à nous inftruire lur le monde. Entre çe-s hommes
, il faut s’attacher particulièrement aux hébreux,
à ceux des autres nations qui ont connu lè meffie ,
Paul, Jean, Origene, d’un côté; de l’autre, Platon,
Pythagore, &c.
Il eft un Dieu. La fécondité des êtres nous démontre
la^fécondité de Dieu : un Dieu réfiéchifleur
lur lui-meme, a produit fon fils ; le Saint Efprit ou
1 amour qui unit le pere & le fils, a procédé de l’un
6c de 1 autre ; & le monde eft émané de tous l«s
trois.
Il y avoit fi peu d’hommes purs & faintsdignes
■ B Ia venté toute nue I qu’i l a fallu la Voÿ
1er d emgmes, de fymboles & d’emblèmes.
H H divertfté d’opinions q u i y ait entre les
philoiophes, on peut rapprocher d’un même fyftème
tous ceux qui admettront l’exiftence & la .liberté
d un etre feul créateur,
le s fagês. S’accordent 1 mefiirer le tems de la création!,
& le renfermer dans l’efpace de’ fix jours , auquel
on a ajoute un feptiame jour 'dé repss. En effet H « > " * « fcc eft très-parfait. Six fois un font fix !
trois fois deux font fix , un , ’deux, trois font fix , &c.
J , e ,n ,ai Pai e routage de fuivre cet auteur dans le
detail de les extravagances • c ’eft une arithmétique
corrompue , des propriétés de nombre imaginaires
& mal vu e s, appliques au fyllème dés: émanations.
Ce que j ’y trouve de plus fingufier.,-.c’eil qiie le
méchant eit animé de deu#efprits, fon ame ôc un
mauvais génie qui elt èntré d'ans fon corps au moment
de la dépravation; Voilà de quoi étendre le fy ftème
du Pqfîougeant. Les mauvais anhes ne feront
pas feulement occupés, à animer les animaux mais
encore à doubler, tripler, quadrupler les âmes des
médians. On trouvera même dans l’Ecriture des paf-
fages favorables à cette opinion. Ainfi les Guignards
les Oldecorn , tes l^alagrida, les Damiens , & tous
ceux qui ont été coupables, ou qui font fufpeûs de
■ modarchomachie, font poffédés d’une légion de mauvais
génies qui fe font affctciés à leurs âmes à mefure
que leur dépravation s’acepoiffoit ; enforte qn’on peut
les regarder comme des fortes d’enfers ambulans. L’es
diables font établis dans les corps des-hommes ; ils y
entrent, ils en fortent, félon qu’oit amande ou qu’on
empire'. ;
Agrippa naquit à Nettesheym, .dans le territoire
de Cologne , à-peu-près en 1463 . Il profeffâ toutes
K K k k ij