gauche au tropique du capricorne; que le ciel eft un.
corps folid e , formé d’air & condenfë en cryftal par
le feu ; que fa nature eft aerienne & ignée dans l’un
& l’autre hémifphere ; que les a lires font de ce feu
•qui fe fépara originairement de la maffe ; que les
«toiles fixes font attachées au firmament; que les planètes
font errantes ; que le foleil eft un globe de feu
plus grand que la lune; qu’il y a deux foleils, le feu
primitif & l’aftre du jour qui nous éclaire ; que la
lune n’eft qu’un difque deux fois plus éloigné du
foleil que delà terre ; que l’homme-a deux âmes, l’une
immortelle, divine, particule de l’ame univerfelle,
renfermée dans la prifon du corps pour l’expiation
de quelque faute ; l’-autrefenlitive, périffable , com-
pofee d’elémens unis & féparables ; qu’un homme
n’eft qu’un génie châtié.
F ata jubent , f l tint hac décréta an tiqua, deorum ;
S i quid pcccando longavi doemones errant ;
Quifque luit panas , colloque extorris ab alto
Tngenta horarum per terras millia oberrat,
Sic & ego nunc ipfe vagor, divinitus exul.
Que tous les animaux, toutes les plantes ont des
âmes ; que ces âmes font dans des tranfmigrations
perpétuelles ; qu’elles errent & erreront julqu’à ce
que , reftituées dans leur pureté originelle & première
, elles rentreront dans le fein de la divinité ,
divines elles-mêmes.
Nam memini, fueram quandam puer atquepuella,
Plantaque , & ignitus pifeis, pernixque volucris.
Qu’il avoit été, & qu’il s’en fouvenoit bien, jeune
garçon, jeune fille , plante immobile, poiffon pho-
fphorique , oifeau léger , puis philofophe Empé-
docle.
Que les animaux n’ont pas toujours eu l’unité de
conformation qu’on y remarque ; qu’ils ont eu les
deux fexes ; qu’ils étoient un affemblage informe de
membres & d’organes d’efpeces différentes, & qu’il
refte encore dans quelques-uns des veftiges de ce
defordre premier, dont les monftres font apparemment
des individus plus cara&érifés.
Multa gémis duplex referunt animalia membres
Pectore , vel capite , aut alis tJîc ut videatur ,
Ante viri retroque boris forma aut vice verfâ ,
In pecore humanoe quondam vejligia forma.
Le monftre eft l’homme d’autrefois.
Que la mer eft une fueur que l’ardeur du foleil exprime
fans ceffe de la terre ; qu’il émane des corps
des efpeces vifibles par la lumière du foleil qui les
éclaire en s’y unifiant ; que le fon n’eft qu’un ébranlement
de l’air porté dans l’oreille où il y a un battant
, & où le refte s’ exécute comme dans une cloche
; que la femence du mâle contient certaines par-
tiçs du corps organique à former, la femence de la
femelle d’autres, & que de-lâ naît la pente des deux
fe x e s, effet dans l’un & l’autre des molécules qui
tendent à réformer un tout épars & féparé ; que
l’aélion de la refpiration commence dans la matrice
l’air s’y portant à mefure que l’humidité difparoît,
la chaleur le repouffant à fon tour, & l’air y retournant
; que la chair eft un égal compofé des quatre
élémens ; qu’il en eft des graines comme de la femence
des animaux ; que la terre eft une matrice où
elles tombent, font reçues & éclofent ; que la loi de
nature eft une loi éternelle, à laquelle il faut toujours
obéir, &c. . . .
Celui qui méditera avec attention cet abrégé de la
:vie-& de la doârine d’Empédocle , ne le regardera
pas comme un homme ordinaire : il y remarquera des
connoiffancfcs phyfiques, anatomiques, des vues, de
l’imagination, de la Subtilité , de l’efprit, & une deftiriation
bien cara&érifée à accélerèr les progrès de
l’efprit humain. Pour éclairer les hommes , il ne s’agit
pas toujours de rencontrer la vérité , mais bien
de les mettre en train de méditer par une tentative
héureufe ou malheureufe. L’homme de génie eft celui
que la nature porte A s’occuper d’un fujet fur lequel
le refte de l’efpece eft affoupi & aveugle.
Epicarme de Cos fut porté dans là première enfance
en Sicile c il y étudioit le Pythagorifme ; mais le
peuple fo t , comme en tout tems 6c par-tout, y étoit
déchaîné contre la Philofophie, Ôc la tyrannie toujours
ennemie de la liberté de penfer, parce qu’elle
s’avoue fecrettementà elle-même, qu’elle n’a pas de
moyen plus fur de maîtrifer les hommes qu’en les ré-
duilant à la condition des brutes, y fomentoit la haine
du peuple, il fe livra donc au genre théâtral. Il écrivit
des comédies où quelques principes de fageffe
pythagorique échappés par haiard, achevèrent de
rendre cette philofophie odieufe ; il fut verfé dans
la Morale, l’Hiftoire naturelle 6c la Médecine : il atteignit
l’âge de 99 ans, 6c les brigands qui l’avoient
perfécuté lui éleverent une ftatue après fia mort. Son
ombre ne fiit-elle pas bien vaine de cet hommage ?
Ces hommes étoient-ils meilleurs quand ils l’hono-
roient par un monument, que quand ils égorgèrent
fon maître , 6c qu’ ils brûlèrent tous fes difciples.
Epicarme difoit :
Il eft impoffible que quelque chofe fe foit fait de
rien.
Donc il n’y a rien qui foit un premier être, rien
qui foit un fécond être.
Les dieux ont toujours é té , 6c n’ont jamais ceffé
d’êfrév
Le chào's a été le premier des dieux engendré : il
fe fait donc un changement dans la matière.
Ce changement s’exécute inceffâmment. La matière
eft à chaque inftant diverfe d’elle-même. Nous
ne fommes point aujourd’hui ce que nous étions hier;
& demain, nous ne ferons pas ce que nous fommes
aujourd’hui.
La mort nous eft étrangère : elle ne nous touche
en rien ; pourquoi la craindre ?
Chaque homme a fon cara&ere : c’eft fon génie
bon ou mauvais.
L'homme de bien eft noble, fa mere fût-elle étio-
pienne.
Ocellus ftit-il péripatéticien ou pythagoricien?
L ’ouvrage de univerfo qu’on nous a tranfmis fous
fon nom eft-il ou n’eft-il pas de lui ? C’eft ce dont
on jugera par les principes de fa doftrine. Selon
Ocellus,
L ’inftinft de la nature nous inftruit de plufieurs
chofes, dont la raifon ne nous fournit que des preuves
légères. Il y a donc la certitude du fentiment, &
la conjecture de la raifon.
L’univers a toujours été, 6c fera toujours.
C’eft l’ordre qu’on y remarque qui l’a fait nommer
univers.
Il y a une colleftion de toutes les natures, un enchaînement
qui lie & les chofes qui font 6c celles qui
furviennent : il n’y a rien hors de-là.
Les effences, les principes des chofes ne fe faî-
fiffent point par les fens ; elles font abfolues, éner-,
giques par elles-mêmes, & parfaites.
Rien de ce qui eft n’a été de rien , & ne fe réfout
en rien.
Il n’y a rien hors de l’univers, aucune caufe extérieure
qui puiffe le détruire.
La fucceflion 6c la mort font des chofes accidentelles
, 6c non des parties premières.
Les premiers mobiles fie meuvent d’eux-mêmes
de la même maniéré, & félon ce qu’ils font.
Leur mouvement eft circulaire.
Condenfez le feu, 6c vovts aurez de l’air ; l’air, &
vous aurez l’ eau ; l ’e au, 6c vous aurez la terre ; '& la
terre fe réfout en feu. L ’homme fe diflour, mais il ne
revient pas. C ’eft un être accidentel ; le tout refte,
mais les accidens paffent.
Le monde eft un globe : il fe meut d’un mouvement
analogue à fa figure. La durée eft infinie ; la
fubftance univerfelle ne peut être ni augmentée , ni
■ diminuée , ni amendée , ni détériorée.
Il y a deux chofes dans l’univers , la génération
& fa caufe.
La génération eft le changement d’une chofe en
une autre. Il y a génération de celle-ci. La •caufe de
la génération eft la raifon du changement ou de la ;
production. La caufe eft efficiente 6c aftive. Le fujet
eft récipient 6c paflif
Le deftin a voulu que ce monde fut diviféen deux
.régions que l’orbe de la lune diftinguât ; 6c que la
région qui eft au-deffus de l’orbe lunaire fût celle de ,
l ’immutabilité 6c de l’impaflibilité ; 6c celle qui eft
au-deffous , le fiéjour de la difeorde , de la génération.
Il y a trois chofes, le corps palpable, ou le récipient
, ou le fujet paflif des chofes à v en ir, comme
l ’air qui doit engendrer le fo n , la couleur, les téné- !
bres 6c la lumière ; la contradiction fans laquelle les
mutations ne fe feroient pas. Les fubftanoes contraires
, comme le fe u , l’eau, l’air & la terre.
Il y a quatre qualités générales contraires, le froid
6c le chaud, caufes efficientes ; le fec 6c l’humide ,
caufes paffives ; la matière qui reçoit tout eft un fup-
pôt commun.
Entre les qualités 6c différences des corps, il y en
a de premières & de fecondaires qui émanent des
premières. Les premières font le froid 6c la chaleur,
la féchereffe 6c l’humidité. Les fecondaires font la
pefanteur 6c la légèreté, la rareté 6c la denlité ; la
dureté 6c la molleffe ; l’uni 6c l’inégalité ; la groffeur
6c la ténuité ; l’aigu & l’obtus.
Entre les élémens, le feu 6c la terre font les extrêmes
, l’air & l’ eau les moyens. Le feu eft chaud &
fec ; l’air chaud 6c humide ; l’eau humide & froide ;
la terre froide 6c feche.
Les élémens fe convertiffent fans ceffe les uns dans
les autres ; l’un naît d’un autre. Dans cette décom-
polition, la qualité de l’élément qui paffe, contraire
à celle de l’élément qui naît, eft détruite ; la qualité
commune refte, 6c c’eft ainli que cette forte de génération
s’exécute.
Entre les caufes efficientes, il y en a une placée
dans la région haute du monde, le foleil dont la dif-
tance variable altéré inceffâmment la conftitution de
l’air ; d’où naiffent toutes les viciflitudes qui s’obfer-
vent fur la terre. Cette bande oblique, demeure des
lignes, féjour paflager du foleil, ornement de l’univers
, qu’on appelle ^odiaque, donne au foleil même
la puiflance, ou d’engendrer, ou de fouffrir.
Le monde étant de toute éternité, ce qui fait fa
beauté 6c fon harmonie eft aufli éternel ; le monde
a toujours é té , & chacune de fes parties ; la raifon
des générations & des corruptions, des viciflitudes,
n’a point changé & ne change point.
Chaque partie du monde a toujours eu fon animal
; les dieux ont été au ciel, les démons dans l’air,
les hommes fur la terre. L ’efpece humaine n’a pas
commencé. ■
Les parties de la terre font fujettes à des viciflitu-
des & paffent, mais la terre refte.
C’eft la cOnfervation de l’efpece humaine, & non
la volupté qu’il faut fe propofer dans la production
de l’homme,
A ^?*eil.a vou^u que la fuite des générations diverfes
fut infinie, afin que l’hommé s’approchât néceffaire-
me de la divinité.
L ’ h o m m e e f t f u r l a t e r r e , c o m m e u n h ô t e d a n s f a
rnaifon , un citoyen dans fa ville ; c’en eft la partie
la plus importante.
L’homme eft le plus traitable des animaux ; aufli
fes fondions font en viciflitude & variables.
La vie contient les corps ; l’ame eft la caufe de la
v ie ; l’harmonie contient le monde : Dieu eft la caufe
de l’harmonie ; la concorde contient les familles 6c
les cités ; la loi eft la caufe de la concorde.
Ce qui meut toujours, commande ; ce qui fouffre
toujours eft commandé. Ce qui meut eft antérieur à
ce qui fouffre; l’un eft divin, raifonnabie, intelligent;
l’autre engendré, brute & périffable.
Timée le locrien, fe diftingua par la connoiffance
aftronomique & par fes idées générales fur l’univers.'
Il nous refte de lui un ouvrage intitulé : de -üame du.
monde, où il admet deux caufes générales, éternelle
s, Dieu ou i’efprit; la néceflité ou la matière four-
ce des corps. Si l’on compare fon fyftème avec le
dialogue de Platon, on verra que le philofophe Athénien
a fouvent corrompu la phyfiologie du locrien.
Archita's naquit à Tarente ; il fut contemporain
de Platon qu’il initia au Pythagorifme. Celui-ci qu’on
peut appeller le jeune , ne vit point Pythagore ; car
il y a eu un Architas l’ancien qui étudia fous ce maître
commun de tant d’hommes célébrés. Celui de
Tarente eut pour difciples, outre Platon, Philolaiis
& Eudoxe ; il fleurit dans la quatre- vingt-feizieme
olympiade ; ce fut un géomètre de la première force,'
ainfi qu’il paroît par l’analyfe de quelques problèmes
que Laerce & Vitruve nous ont laiffés de lui. Il s’im-
mortalifa dans la méchanique ; il en pofa le premier
les principes rationels qu’il appliqua en même tems
à la pratique par l’invention des moufles, des vis
des leviers & d’autres machines. II fit une colombe
qui voloit. Il eut encore les qualités qui conftituent le
grand homme d’état. Ses concitoyens lui conférèrent
fept fois le gouvernement de leur ville. Il commanda
à l’armée avec des fuccès qui ne fe démentirent
point. L ’envie qui le perfécutoit le détermina à
abdiquer toutes fes dignités ; mais les événemens
malheureux ne tardèrent pas à punir fes concitoyens
de leur injuftice ; le trouble s’éleva dans leur ville ,
& leurs armées furent défaites. A fes talens perfon-
nels, & à fes vertus publiques , ajoutez toutes les
vertus domeftiques, l’humanité, la modeftie, la pudeur
, la bienfaifance, l’hofpitalité, & vous aurez le
cara&ere d’ Architas ; il périt dans un naufrage fur
les rivages de la Calabre ; c’ eft entre ce philofophe
& un matelot, qu’Horace a inftitué ce beau dialogue
qui commence par ces mots:
L e matelot.
Te maris & terra, numeroque carenùs arena
Menforam cohibcnt, Archita ,
Pulveris exigui, prope littus, parva, matinunt
Munera ; nec quicquam tibi prodefl
A trias tentajfe domos, animoque rotundum
Percurriffe polum, morituro.
Voyez le refte de l’ode ; rien n’eft plus beau que
la réponfe d’Architas ; lifez-la, & apprenez à mourir
& à honorer la cendre de ceux qui ne font plus.
Architas penfoit que le tems étoit un nombre, un
mouvement, oîi l’ordre de la nature entière, que le
mouvement univerfel fe diftribuoit en tou t, félon
une certaine mefure ; que le bonheur n’étoit pas toujours
la récompenfe immédiate de la vertu ; qu’il
n’y avoit d’heureux que l’homme de bien ; que Dieu
poffédoit dans fon ouvrage une tranquillité & y in-
troduifoit une magnificence qu’il n’etoit pas donné
à l ’homme d’atteindre ; qu’il y avoit des biens defi-
rables par eux-mêmes; des biens defirables pour
d’autres , & des biens defirables fous l’un & l’autre
afpeft ; que l’homme de bien eft celui qui fe montre
v e r t u e u x dans la prospérité, d a n s l’adverfité, 6c d a n s