dans le Bahar-bela-mé , ce ne pourrait être que par le Fayoum ,
comme l’a conjecturé le citoyen-Andréossy. Les Français qui ont
parcouru cette contrée, auront remarqué peut-être si le terrain ,
au fond de cette province, donne quelque indice du passage des
eaux.
Mais en attendant que l’observation confirme ou détruise 1»
conjecture du cit. Andréossy , nous ferons remarquer que si les
eaux du Nil avaient coulé par l’étroite vallée du Bahar-bela-mé T
ou par celle des lacs qui fournissent le natron , elles y auraient
laissé des traces semblables à celles que nous voyons dans la vallée
de l'Egypte supérieure. Partout on découvrirait des terres d’allu-
vion , des limons déposés par les eaux. Le terrain, peu élevé au
dessus du niveau de la mer, serait uni comme en Egypte. La roche
serait couverte d’une couche de terre fort épaisse : mais c’est plus
particulièrement ali fond du golfe des Arabes que l’on découvrirait
un limon semblable à celui qui a formé le Delta. On y verrait une
terre d’atluvion, dont l’étendue serait plus ou moins considérable,
suivant le nombre de siècles pendant lesquels le Nil y aurait versé
ses eaux. Or, si le Bahar-bela-mé ne présente aujourd’hui aucune
terre de d ép ô t, aucune terre semblable à celle de l’É gypte, et si
l ’on ne voit au fond du golfe des Arabes que sables ou rochers,
nous pouvons hardiment prononcer que, malgré sa dénomination
de fleuve sans eau, le Nil n’a jamais coulé par-là. Et comment la
basse Egypte serait-elle sortie du sein des eaux, si le N il, de toute
antiquité, n’y avait porté ses sables et son limon? Il a fallu probablement
plus de vingt mille ans pour la seule formation du Delta.
Combien en a-t-il donc fallu pour combler tout l’espace compris
entre le sol d’Alexandrie et le Mokatan, le coteau libyque et le mont
Casius.? Le calcul nous transporterait à une époque en deçà de laquelle
le globe a éprouvé sans doute des changemens considérables
dans toutes ses parties extérieures, à une époque où le point central
peut-être a éprouvé des changemens subits ou graduels, qui
ont porté tout à coup ou peu à peu les eaux de la mer d’un hémisphère
à l’antre, et ont occasionné ces bouleversemens, ces inondations,
ces déluges dont l ’Histoire de tous les peuples a conservé
des souvenirs. Comment expliquer , en effet , la présence et le
séjour extrêmement prolongé des eaux de la mer sur tous les points
de notre globe ? Comment expliquer le dépôt de tous les fossiles
marins, et la formation de ces montagnes de roches coquillères
que l’on voit partout, et à des hauteurs qui feraient supposer que
la mer aurait submergé en même tems le globe entier pendant une
longue suite de siècles, si le niveau des eaux n’avait pas changé,
si le point central de la Terre n’avait éprouvé des variations ?
Quant aux mâts de navires dont parle Savary d’après le Père
Sicard, le cit. Andréossy, qui s’est porté sur les lieu x , n’y a vu que
des corps d’arbres et des fragmens qui ne lui ont point paru avoir
été mis en oeuvre. La plupart de ces bois sont entièrement agatisés,
et l’on sait bien que ce n’est pas dans les fleuves,. mais au fond
de la mer que la Nature opère ainsi le changement des bois. Le
cit. Andréossy y a également trouvé une vertèbre de gros poisson,
qui lui parut minéralisée $ ce q u i, bien loin de prouver, comme il
le pense, que le fleuve y a coulé, prouve seulement que ce lieu a
été jadis sous les eaux de la mer, ainsi que toute la Libye. On voit
aussi dans ce vallon, des cailloux roulés ; mais on en voit dans tous
les déserts qui environnent l’Egypte , et notamment sur le chemin
qui conduit du Caire à Suez. Dira-t-on que le fleuve y a coulé? Il
en est de même des géodes et de toutes les substances que le cit.
Andréossy a remarquées dans ce lieu : aucune ne prouve autre
chose, si ce n’est le séjour des eaux de la mer.
Mais revenons au lac qui se trouve dans le Fayoum, et dont
nous n ’avons dit qu’un mot.
Quelques savans ont cru que le Birket Kéroun, ou lac Moeris ,
avait été creusé de main d’homme : d’autres disent que c ’est par-là
que le Nil a coulé dans la Libye. Ces deux assertions nous paraissent
également dénuées de fondement. Pour se convaincre que ce
lieu a dû. faire partie du golfe dont nous avons parlé plus hau t, on
n ’a qu’à jeter un coup-d’oeil sur la carte d’Egypte. On y verra que
tout le Fayoum est une plaine unie, contiguë à la vallée où coule
le N i l, et qu’elle est circonscrite par le coteau libyque , qui forme
à cet endroit use très-grande sinuosité. Nous avons prouvé que le