lés plus forts, et s’ils se persuadaient, comme les Musulmans, que
ce n’est que pour eux que le Tout-Puissant a répandu avec profusion
ses bienfaits sur la Terre.
■ J’arrivai le lendemain après midi au port Pétra. Comme le vent
continuait de souffler de la partie nord , le capitaine mit à la voile
le' soir même, et fit route pour M ilo , où nous voulûmes nous
rendre, afin d’observer les parties de l’île que nous n’avions pas
vues dans notre premier voyage. Le 20 fructidor, au lever du soleil
, nous nous trouvâmes entre Scio etlpsera. Nous apperçûmes ,
sous le vent de cette dernière île , une frégate anglaise qui sé dirigeait
à l ’ouest : nous la perdîmes bientôt de vue. Le même so ir ,
nous nous trouvâmes entre Tine et Micony ; nous passâmes fort
près de la'grande Dé lo s , e t , comme le vent se soutenait, nous
diminuâmes de voile pendant la nuit. Nous doublâmes, à la pointe
du jou r , le cap oriental de l ’Argentière , et nous jetâmes l ’ancre
au mouillage qui se trouve au dessous de la ville.
Le chiaoux, s’empressant d’user de ses droits , fut s’établir chez
l’un des primats, et y vécut aux dépens des habitans. Il exigea
d’eu x , en outre, un présent q u i, après bien des difficultés et des
débats, fut réglé à trois cents piastres. Quant à nous, nous restâmes
à b o rd , et ne voulûmes pas permettre qu’on nous y f ît passer
des provisions.
Le chiaoux se flattait de se dédommager à Milo, et de s’y faire
payer en raison de l ’étendue de l’île : il fut bien étonné, lorsqu’il
arriva au chef-lieu, de 11’y trouver presque pas d’habitans, et il fut
bien en colère lorsqu’il ne put obtenir d’eux que cent piastres -. il
en reçut, avec bien de la peine, cent cinquante à Castro.
L ’homme avide d’a rgent, qui se trouve frustré de celui sur
lequel il comptait, se console bien difficilement; ç’est ce qui arriva
au chiaoux : aussi, le jour que nous revenions de Milo pour nous
rendre au navire et continuer notre route, il était de si mauvaise
humeur, qu’il- se fâchait à chaque instant contre son mulet. Tantôt
il ne marchait pas , selon lu i, assez vîte ; un moment après son.
trot le fatiguait 5 puis il trouvait qu’il bronchait trop souvent.
Comme il lui tirait la bride dans tous les sens et par secousses, et
qu’il le frappait à coups redoublés , l ’animal fit tout à coup une
telle ruade, qu’il renversa son cavalier. Au lieu de continuer à se-
fâcher contre sa monture, ce qui nous aurait fort diverti, le brutal
chiaoux s’en prit alors au primat qui nous accompagnait. Il prétendit
que celui-ci était responsable de la conduite dé son mulet,
e t , mettant le pistolet à la main, il s’avança vers lui comme un
furieux, dans l ’intention de le tuer. La colère heureusement ne lui
permit pas de tirer juste : la balle passa au milieu de nous tous sans
faire de mal à personne. Étonné de cet emportement, je m’avançai
aussitôt vers le chiaoux pour Jui faire des reproches, et lui faire
sentir combien sa conduite était répréhensible. Je voudrais l ’avoir
tué, me dit-il effrontément; cela me donnerait le prétexte de faire
une'avanie à son île. Et moi, je t ’annonce, répliquai-je aussitôt,
que si tu l ’avais tué ou seulement blessé, je t’aurais garotté, je
t ’aürais fait conduire à Constantinople ; je m’y serais rendu moi-
même, et je n’aurais quitté la ville qu’après avoir assisté à ton supplice.
Demain j’expédie un bateau à la Porte pour l’informer de ta
conduite, et pour lui demander si son intention a été de nous livrer
à un assassin. Le chiaoux, interdit, remonta sur son mulet, etnous
suivit sans dire mot. Arrivé à l ’Argentière il ne quitta point le
primât, et les premières paroles qu’il lui adressa, furent des excuses.
Il s’informa ensuite si j’avais donné des ordres pour tenir un
bateau prêt : sur la réponse affirmative du primat, le chiaoux vint
à bord dès la pointe du jour, pour nous prier de ne point écrire à
Constantinople. Il nous suppliait d’avoir pitié de ses enfans : il baisait
humblement nos souliers, le bas dé nos habits; il jurait sur sa
moustache et son prophète de se mieux conduire à l ’avenir. II tint
effectivement parole; il fut doux comme, un agneau tout le reste
du vo yag e,’ et* nous ne tendîmes pas compte de sa conduite à la’
Porte; . uu» al)
Nous partîmes le 28 fructidor de la rade de l’Argentière, et le
même jour nous mouillâmes à Santorin.
- Les habitans se flattèrent que nous ne serions pas plus heureux
dans leur île , pour la recherche de la pouzzolane, qué nous-l’avions
été àMilo et à l’Argentièrè ; mais quand nous leur eûmes dit, d’une