Alep et Damas. Elle sert d’entrepôt aux denrées des-villages situés
au nord-est, ou se fabriquent quelques toiles de coton et quelques
maroquins : on en fabrique aussi une assez grande quantité à Mer-
d in , qui passent à Alep.
Nous sommes partis, le 8 germinal, vers les neuf heures du
matin, et sommes descendus la montagne par un chemin aussi
mauvais , aussi scabreux que celui de la veille. Toutes les roches
que nous voyons, sont calcaires. Nous nous sommes arrêtés, après
trois heures de marche, à un petit village situé dans la plaine, où
nous avons passe la nuit. On nous a logés dans une écurie. Nos lits
sont dans un coin j les marchandises de toute la caravane sont rangées
en demi-cercle et nous séparent des ânes et des chevaux.
Nous partons le 9 ayant le jou r, et traversons un terrain uni,
fertile, cu ltivé, n’offrant ni arbres ni arbrisseaux. Nous laissons
à gauche Cara-Dé r é , autrefois ville assez grande, mais qui n’est
plus aujourd’hui qu’un village. On y voit beaucoup de ruines,
entre autres celles d’une église dont le clocher est entier. Ge qu’il
y a de plus remarquable à Cara-Déré et aux environs, ce sont
d ’immenses réservoirs d’eau, voûtés, bien construits, et une grande
quantité de grottes taillées dans le roc , où des Curdes erpans se
retirent en hiver. Il paraît que ces grottes étaient autrefois des
sépultures, car il y a encore beaucoup de sarcophages en pierre.
Ce village se trouve à peu près à égale distance de Merdin et de
Nisibis. Il est à présumer que c ’était la place forte que l’empereur
Anastase fit bâtir à la fin du cinquième siècle, et à laquelle il
donna son nom.Tavernier nomme ce lieu Karasera,
Après sept heures de marche nous passons à côté d’un fort carré,
flanqué de douze tours, que l’on dit avoir été construit par Béli-
saire. Nous traversons quelques ruisseaux formés ou grossis par
les eaux de pluie, et nous arrivons à Nisibis vers le milieu de la
journée, après avoir été onze heures de suite sur nos chevaux.
Nisibis conserve encore quelques antiquités : on y voit un arc
triomphal presque entièrement ru in é , et un petit temple c a r ré ,
assez bien conservé, dont l ’architecture paraît romaine. Cependant
Niébuhr, ainsi que les Arméniens du p a y s , croit que ce fut une
église
église bâtie au quatrième siècle, en l’honneur de saint Jacques,
évêque de cette ville. Nous n’avons point adopté cette opinion.
Nous avons pensé que Ce temple, bâti du tems des Romains ou des
Grecs, fut converti en église lorsque les Chrétiens furent les maîtres
du pays, comme il eût été probablement converti en mosquée si les
Musulmans avaient rétabli la ville. Il y a dans les souterrains de ce
temple un sarcophage simple, de marbre hlanc, avec son couvercle.
On nous a assurés qu’il y en avait un semblable dans un autre
souterrain qui communique avec le premier, mais dans lequel nous
n avons pu pénétrer,. parce qu’il est obstrué par des décombres.
Un pretre arménien célèbre ses offices sous une voûte adossée à
ce temple. A peu de distance de là on voit cinq oolonnes encore
debout, dont trois sont surmontées de leur chapiteau ; elles sont à
moitié cachées dans des décombres. Un peu plus loin nous vîmes
un bloc de marbre blanc et gris, presque entièrement enfoui, sur
lequel il y avait une inscription latine très-effacée. Nous ne pûmes
lire que les trois mots suivans : Currus victoriam stadii.....
C était peut-être là le stade où se faisaient les courses des chevaux.
Nisibis, comme on sait, était une ville très-importante sous les
Grecs et les Romains ; elle était située à l’occident d’une petite
rivière, nommee Mygdonius ou Saocoras, qui prenait sa source
au’ pied des montagnes voisines, allait se réunir au Chaboras, et
se jeter dans l ’Euphrate, à Circesium, aujourd’hui Kirkésiéh. Elle
était dans une plaine étendue et de la plus grande fertilité, à quelques
lieues au sud de la montagne qui fait suite à celle sur laquelle
Merdin est bâti.
Nisibis, sous les Séleucides, reçut le nom d’Antioche, et fut le
chef-lieu de la Mygdonie, province à l’orient de la Mésopotamie :
elle fut ensuite soumise aux rois d’Arménie, jusqu’à ce qùeLucullus
y entrât en vainqueur après avoir battu plusieurs fois Mitridate et
Tigrane; elle faisait partie de l’Empire desParthes lorsque Trajan
reunit à 1 Empire romain la Mésopotamie, l’Arménie et quelques
provinces au-delà du Tigre. Jovien, successeur de Julien, ne régna
qu’un instant pour détruire tout ce que son prédécesseur avait
fait. Il demanda la paix à Sapor I I , roi des Parthes, et il l’obtint
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