rappeler Hassan et Ismaël ; il les investit du commandement à la
place de Mourad et d’Ibrahim, après avoir envoyé à la poursuite
de ces derniers ses osmanlis, qui sont complètement battus par les
Mameluks.
„Ains i l’arrivée, le séjour et le règne momentané du capitan pacha
ne doivent opérer aucun changement. Après son départ, en 1787,
l ’É gypte, tombée dans l ’épuisement, jouit d’une sorte de tranquillité
jusqu’en 1791 , où la peste qui la ravage, vient frapper un de
ses premiers chefs, Ismaël. Osman-Bey, le compagnon d’armeS et
l ’ami de Mourad et d’Ibrahim, profite de cette circonstance pour
faciliter leur rentrée au Caire. Hassan reprend la route de la haute
Egypte pour éviter la poursuite de ses ennemis.
Ibrahim et Mourad ne s’emparent encore de la puissance que
pour se conduire d’une manière plus révoltante, que pour ne mettre
plus de bornes à la vengeance qui les anime, ou à la cupidité qui
les dévore.
Lorsqu’on réfléchit que sept à huit mille esclaves étrangers , élevés
dans le vice le plus honteux et dans l’ignorance la plus stupide’,
sont parvenus, en s’avançant par les moyens les plus odieux et les
crimes les plus inouis , à gouverner au gré de leurs caprices deux
ou trois millions de personnes dans la plus antique et la plus mémorable
habitation de l ’homme ; à se jouer, avec la dernière arrogance,
de la misère publique dans la plus riche contrée de'la Terre,;
à disposer le plus arbitrairement de la fortune et de la vie de tous
les habitans de l’E gypte, on est étonné de tant d’audace d’une part,
et de tant de bassesse de l’autre. Mais à la suite de tant de révolutions
, qui toutes devaient avoir pour cause et pour fin la tyrannie,
•et une tyrannie toujours croissante, le peuple égyptien est tellement
façonné à la servitude , qu’i] ne pense pas-même à profiter
des divisions qui régnent continuellement parmi les Mameluks,
pour se soustraire à leur domination.
Nous pouvons prouver jusqu’à quel point il est tombé dans l ’avilissement
ou la dégradation servile en citant ce qu’il a souffert en
1793, pendant une famine qu’il savait être occasionnée par le monopole
des chefs du gouvernement. Le blé était abondant ; les
greniers
greniers de Mourad et d’Ibrahim étaient remplis ; tous les marchands
de comestibles étalaient, comme à l’ordinaire, les denrées
de première nécessité, et la faim dévorait, de toutes parts, les
malheureux qui ne pouvaient atteindre, au prix excessif de ces denrées
; et l ’on ne rencontrait dans les rùes que des figures cadavéreuses,
qui se nourrissaient des objets les plus dégoûtans, qui disputaient
aux chiens les plus salés immondices. On a compté plus
de trois cents cadavres, que l ’on ramassait chaque jour à la porte
des riches et des boulangers ; ét pas • le plus léger murmure, pas le
moindre effort de la part de ce peuple pour enfoncer les greniers
de Mourad et d’Ibrahim, pour périr tout à coup sous le fer de leurs
satellites, plutôt que sous le lent et horrible supplice de la faim.
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Tome II . P