et fortifiés lorsqu’ils se furent emparés de l ’île en i 3io. Nous
observâmes, dans une assez grande .étendue, des restes de murs èt
beaucoup de gros blocs de pierre, sur lesquels étaient sculptées des
armoiries de chevaliers. Ceux qui regardent comme un grand honneur
d’avoir appartenu à cet Ordre il y a quatre ou cinq siècles,
peuvent aller rechercher sur cette montagne si leurs armes ne s’y
trouveraient pas.
Le a messidor nous fîmes voile de Rhodes avec le vent d’ouést,
qui nous était contraire. Nous louvoyâmes pendant deux jours dans
le canal sans pouvoir en sortir; mais le troisième au matin, après
quelques heures de calme , lé vent souffla du sud et nous fit dépasser
de bonne heure Symi, Nisari et Stancho. Le 5 messidor nous
nous trouvâmes, au soleil'levant, à deux ou à trois lieues de Samos.
Le ciel était pur comme à son ordinaire, la mer peu agitée, et le
vent ne savait où se fixer. Tantôt nous avions quelques bouffées
qui venaient de l ’est ou du nord-est; tantôt elles soufflaient du
nord-ouest ou du Bogas qui se trouve entre Samos et N icarie, vers
lequel nous nous dirigions ; quelquefois aussi le vent du sud semblait
vouloir reprendre comme la veille. Cette incertitude du vent
rendait nos espérances incertaines; nos désirs variaient comme lui.
Si nous nous avancions vers la cô te, nous cherchions, avec nos
lunettes, le golfe de Milet et l’embouchure du Méandre , où nous
aurions voulu mouiller. Les hautes montagnes de Samos, qui se
confondaient à nos yeux avec celles du continent, fixaient un moment
après notre attention ; nous demandions alors au capitaine
à jeter l’ancre dans le port situé au sud de l’île , afin de parcourir
les restes du temple de Junon, et voir la patrie de Fythagore. Pat-
mos, qui se présentait à son tour ; nous invitait à aller nous asseoir
sur le même rocher où saint Jean rêva l’Apocalypse. Nicarie ou
Icarie , que nous avions plus souvent devant nous, nous rappelait
que c ’était là que le jeune et imprudent Icare, négligeant les conseils
de son père Dédale, périt pour avoir volé un peu trop haut.
Leçon trop souvent oubliée de ceux qui veulent s’élever sans avoir
calculé les moyens qu’ils ont de se soutenir dans leur élévation.
Nous restâmes quelque tems dans cet étal. Enfin, vers les neuf
heures
heures le vent se fixa à la tramontane , et renforça bientôt an
point de nous faire rétrograder à chaque bordée ; ce qui décida le
capitaine à présenter la poupe au vent, et à aller se reposer dans l ’un
des ports de Léro. Nous mouillâmes, vers les quatre heures du soir,
à celui qui est au dessous de la v ille , et qui est représenté à la
planche 20. Il est situé à la partie orientale et un peu méridionale
de l ’île.
Comme .toutes les îles de l’Archipel, Léro est montagneuse , sèche,
pierreuse, peu fertile, si ce n’est dans les lieux bas et arrosés..
Ses montagnes sont très-élevées, relativement à son peu d’étendue;
car on ne donne pas plus de deux lieues de diamètre à cette île.
Le sommet des montagnes est calcaire, et pose sur une base schisteuse
et granitique : on rencontre quelques marbres grisâtres, veinés
d’un gris de plomb, et quelques brèches diversement colorées.
La population de Léro ne va pas à deux mille habitans,. tous
Grecs, tous réunis dans une ville (1) située au penchant très-rapide
d’une montagne, entre deux ports peu connus, peu fréquentés. Il
y a , au bas de la ville, une Source assez abondante,’ et quelques
jardins plantés d’orangers e t de citroniers , arrosés par l ’eau de
cette source. Le château, bâti par les Génois, se trouve au sommet
dè la montagne qui domine la ville : il tombe en ruine , et n’a
jamais été réparé par les Turcs. Nous y vîmes quelques restes des
canons que les Russes firent éclater à leur pénultième guerre avec
les Turcs.
Les femmes de Léro nous ont pa ru, en général, jolies, très-bien
faites, mats petites, minces, délicates., quoique livrées aux travaux
des champs et à tous ceux du ménage. Elles sont costumées comme
çelles ,d& Smyrne et de Constantinople. Les hommes sont marins
ou agriculteurs. La plupart d’entre eux vont passer quelque: tems
4 .Constantinople ,.à Smyrne, à Salonique ou à Alexandrie, et
retournent ensuite dans leur île auprès de leur fèmme , pour: culti-
tfer le champ que leur économie, leur, a permis d’acheter ;> ou pour
améliorer celui qu’ils possédaient auparavant.
(1) Elle est figurée en partie sur le plan..
Tome II. C e