devenus ennemis dès que l’ambition s’est emparée de leur ame. Les
douces affections de leur jeunesse ont cédé à l’implacable rivalité::
leurs goûts pour les plaisirs , pour la dissipation, ont été remplacés
par la soif de l ’o r , par le désir ardent de dominer. A u lieu d’exercer
, en vrais amis, un pouvoir qu’ils se sont arrogé, ils épient le
moment de s’égorger pour s’approprier exclusivement ce pouvoir.
Ibrahim est plus réfléchi, plus dissimulé, plus adroit que Mourad.
Ses affranchis , ses esclaves mettent beaucoup plus de modération
dans leur conduite, que ceux de Mourad : ils sont aussi
avides, aussi injustes, mais ils emploient: des formes plus douces,
moins tyranniques.
Mourad, aussi courageux qu’Ibrahim, est plus ardent, plus fougueux
, plus capable d’obtenir de grands résultats avec de faibles
moyens. II est généreux, magnifique, fastueux : il aime tous les
plaisirs et s’y livre tout entier; il déteste la gêne-et le travail , et
accorde à cet effet toute sa confiance à ses hommes d’affaires. Ses
amis, ses qonseillers, ses esclaves sont choisis parmi* les hommes les
plus courageux, les plus intrépides , les plus irréfléchis.
Ibrahim est plus riche que Mourad , parce qu’il met pins d’ordre,
plus d’économie dans ses dépenses,; il paie bien ceux qui l ’en-
tourent et le servent,. et les paie avec la plus grande exactitude,
mais sans profusion, sans prodigalité. Ibrahim a beaucoup plus
d’esclaves que Mourad, sans être pour cela pins fort que son
rival.
Il n’est pas douteux que si ces deux beys en étaient venus aux
mains, Ibrahim n’eût triomphé en rase campagne et dans un mouvement
combiné; mais Mourad aurait eu l ’avantage dans un coup
de main et dans toutes les circonstances où l’andace et la célérité
doivent l ’emporter sur le courage réfléchi.
La Forte ne pouvait profiter d’une occasion plus favorable pour
rétablir son autorité. Le mécontentement des Égyptiens, porté à
son comble par les déprédations de toute espèce, par les contributions
énormes, par les monopoles, et les trafics les plus odieux;, la
division des beys, depuis la mort d’Ali ; la haine et la méfiance
réciproques des deux commandana, tout invitait la Porte à se
ressaisir du pouvoir , et devait favoriser sa politique ; tout lui
prescrivait une mesure prompte, vigoureuse et décisive.
Cette mesure était attendue,, et généralement desirée, lorsqu’on
voit arriver à Alexandrie, en 1786, Hassan, capitan pacha, commandant
une seule caravelle, n’ayant d’autres forces que mille ou
douze cents galiondgis.
Hassan-Pacha fait son débarquement sans obstacle. Mourad ,
resté à Rhamaniéli avec ses troupes, envoie à Foua quelques corps
de Mameluks, qui sont aussitôt dispersés.
Hassan remonte le Nil. Mourad revient au Caire pour se joindre
à Ibrahim ; et tandis qu’avec leurs forces réunies ils auraient pu
mettre en déroute cinq ou six mille T u r c s , ils ne pensent, qu’à
s’en fuir dans la haute Égypte.
Hassan arrive et s’établit au Caire sans éprouver aucune opposition.
Maître de l ’É^ypte par la faite de ses oppresseurs , investi
de très-grands pouvoirs par le sultan , secondé du voeu . des habi-
tans, qui avaient pu préférer d’abord les beys aux pachas, mai*
qui desiraient alors bien sincèrement l ’expulsion des Mameluks, il
ne profite d’aucun de ses avantages 3 il trompé toutes les espérances
, si justement fondées sur ses qualités personnelles, sur le ch o it
et les intérêts de son .maître.
An lien de -chasser tous les beys, et de faire disparaître penur toujours
le plus monstrueux des gouvernemens, qui favorise autant
la rébellion que la tyrannie, qui place l’anarchie dans te despotisme
même ; au lien -de rétablir les sept corps de milice que la politique
d’A li avait détruits ; au lieu de diviser i ’Égypte en plusieum
pachaliks, ou de laisser au pacha du Caire des forces capables 4 e
s ’opposer ,au retour des Mameluks, H a s s in , qui avait fait preuve
de-courage, d’attachement à ses devoirs., qui avait, dans plusieurs
occasions, manifesté de grandes vues , se montre plus imprévoyant
et plus avide que les b e y s , ne pense qu’à lever des contributions,
forcées, à exercer pu tolérer des concussions, et à retourner à
Constantiuople. Il ¡semhle ne,s’être rendu maître de l ’Égypte que
pour épouser la querelle des deux beys depuis long-tems fugitifs,
opérer leur triomphe nt assister .àleur couronnement. U se hâte «le