produit un effet contraire sur nous, accoutumés aux grâces naturelles
des Européennes. Ces grands sourcils noirs, réunis au dessus
du nez, et ce noir des paupières, prolongé sur les côtés, donnent à
la femme un air. d u r , hagard, farouche, surtout lorsqu’elle a le teint
blanc et les yeux bleus.
A notre arrivée à Bagdad, au commencement de floréal, le thermomètre
de Réaumur n’était qu’à 18 degrés : il fut les jours sui-
vans à 21 et 22. Il monta ensuite successivement jusqu’à 26. Il fut
à 3o et 3i au milieu de prairial, par un léger vent de sud , qui
nous amena une très-grande quantité de sauterelles.
Pendant l ’été lés chaleurs sont bien plus fortes. Le vent souffle
régulièrement du nord-ouest, traverse des terres nues et incultes,
et arrive embrâsé dans ces contrées. Le thermomètre s’élève vers
le milieu de la journée, à 3 3 , 34 et 35 degrés, et s’y soutient jusqu’au
soir. Bagdad alors ressemble à un désert : personne ne se
montre dans les rues : les bazards mêmes sont fermés. Depuis dix
ou onze heures du matin, jusqu au coucher du soleil, on se tient
en repos dans les serdaps, où la chaleur, comme nous l’avons dit,
n’est- que de a5. à 26 degrés; mais comme l ’air s’y renouvelle difficilement,
la transpiration est si abondante, qu’on est obligé de
boire au moins à chaque demi-heure.
A cette chaleur excessive du jour succède, pour la nuit, une fraîcheur
qui fait le charme des habitans de Bagdad. Dès que le soleil
a disparu , ils sortent de leur retraite, se rendent sur la terrasse
de leûrs maisons7, y transportent leur souper, y font dresser leur
lit I c’est l’heure des visites, le moment des plaisirs. Les riches s’y
pr-ocurent des danseurs, des musiciens, des lecteurs, et ces hommes
dont l’unique métier est de raconter des histoires dans le genre
de celles des M ille e t une N uits. :
Les chaleurs baissent un peu à l’équinoxe d’automne, et les vents
deviennent variables. Cependant ils sont encore assez chauds pen>
dant le jou r , lorsqu’ils soufflent de la partie n o rd , à moins que les
montagnes du Curdistan et de la Perse ne soient déjà couvertes de
neige, et que les contrées basses de l ’Assyrie n’aient été humectées
par les pluies. S’il fait calme en vendémiaire, ce qui arrive assez
souvent,
souvent, la chaleur paraît insupportable, quoique le thermomètre
ne soit qu’à 28 ou 3o degrés.
Jusqu’à la fin de frimaire le froid ne se fait pas sentir pendant le
jour : le ciel est presque toujours beau, et les vents très-variables:
ceux d’est , de nord et de nord-ouest sont secs et frais , sans être
froids : ceux d’ouest sont un peu humides ; ils amènent quelquefois
la pluie à Bagdad , mais l’occasionnent presque toujours du côté
de Mossul et dans la partie moyenne et supérieure de la Mésopotamie.
Le vent dé sud est rare à la fin de l’automne et au commencement
de l’hiver, et s’il se fait sentir, il n’est ni bien chaud ni de
longue durée. Dès la fin de vendémiaire, le thermomètre descend
peu à peu d e 24 à 20, à 18, à i 5. Nous l’avons vu en nivôse, pendant
le jour , à 8 et xo , et il est descendu quelquefois à 4 et 5 ;
mais alors il était à zéro, ou marquait un degré de froid pendant la
nuit. L ’eau qui se trouvait dans les cours avait le matin, à sa surface,
de la glace épaisse de deux ou trois lignes.
L a température de Bagdad, comme on vo it, est beaucoup plus
chaude, en é té , que celle de la basse Egypte , parce que le vent
de la Méditerranée, que nous avons dit souffler sans interruption
pendant le jour, arrive brûlant dans ces contrées. Il a dû nécessairement
s’échauffer en traversant cent cinquante lieues de terres
incultes et embrâsées par l’ardeur du soleil.
Bassora, qui se trouve à quatre-vingts lieues plus au sud, est
moins chaud que Bagdad, parce la première de ces deux villes ëst
rafraîchie par le vent de sud-est, qui souffle régulièrement pendant
le jour , du golfe Persique., Le thermomètre-, à Bassora , he
s’élève qu’à 32 degrés : cependant on supporte plus facilement la
chaleur sèche et brûlante de Bagdad,,quoique plus forte; que là
chaleur humide de Bassora, parce que l’a ir, dans la première ,
conserve plus d’élasticité. Nous avons éprouvé plusieurs fois que
nous avions plus d’appétit, que nous étions plus aptes à la fatigue
, que nous souffrions, en un mot, bien moins avec 3o ; 32 et
34 degrés de chaleur par le vent nord-oùest que par les vents de
sud et de sud-est, quoique la chaleur ne fût (pie dé 26, 28 et 3o.
Tome I I . D d d