par la cession de Nisibis et de tout le pays situé à l ’orient de cette
ville.
Nisibis appartient aujourd’hui au pacha de Bagdad, et est gouvernée
par le mutselim de Merdin. Ce n’est plus qu’un mauvais
village, où l’on compte à peine mille habitans, presque tous Curdes
ou Arabes : il y a parmi eux quelques Arméniens jacobites, que le
passage des caravanes y entretient. Ce village est bâti à quelque
distance de la rivière, sur l’emplacement de l’ancienne ville : les
rues sont très-étroites, très-irrégulières , et ne sont point pavées.
Les maisons sont basses, peu commodes, mal bâties : elles consistent
en un rez-de-chaussee, qui n’est ni pavé ni carrelé. Les murs
sont en terre, et le toit est en paille : on met sur celle-ci une forte
couche de terre mélangée avec de la paille hachée, pour se garantir
de la pluie. Nous éprouvâmes cependant que ce moyen était
insuffisant; car ayant séjourné le 10 par un tems pluvieux, quoique
nous fussions logés dans une maison qui paraissait en bon é ta t,
1 eau tombait goutte à goutte dans presque tous les points de notre
chambre.
Les habitans de Nisibis ont quelques troupeaux et ensemencent
quelques terres : la plupart d’entre eux sè livrent à la Culture
du riz.
Ce ne fut pas la pluie qui nous obligea à séjourner : on voulut
savoir si les bruits qui couraient, étaient fondés. Les habitans nous
avaient dit, en arrivant, qu’à une journée de là une horde d’A ra bes
avait arrêté une caravane, et l ’avait mise à contribution. Nous
en vîmes effectivement arriver une le 10 , qui nous assura avoir
été rançonnée : elle venait de Mossul, et avait passé moyennant le
sacrifice d’une charge de toiles de co ton , dix abas, et quarante
piastres en argent. Une caravane deDiarbekir, qui nous précédait,
avait pareillement ete rançonnée. On nous dit aussi que plus nous
tarderions, plus nous éprouverions de difficultés, parce que ces
Arabes, se renforçant d un moment à l ’au tre , seraient bientôt
assez nombreux pour arrêter la caravane la plus forte : la nôtre ne
l ’était guère.
Sur ces avis, nous nous mîmes en route le 1 1 , avec la pluie et
un vent de sud-ouest assez fort. Nous passâmes la rivière sur Un
poiit à douze arohes fort petites, et nous arrivâmes, après cinq
heures de marche, à un village arabe, bâti'sür une butte factice.
Nous avions traversé dés plaines qui nous avaient paru de la plus
grande fertilité.
Dès que nous fûmes logés ; nous eûmes la visite de l ’aga : c ’était
un homme de soixante-dix ans, grand, bien fait, encore robuste,
aussi capable de manier la lancé, de monter à cheval et de Courir
sus l’ennemi que le plus fort et le plus adroit de son village. Il nous
apprit que sa horde était soumise au pacha de Bagdad, et qu’elle
cultivait les terres de ce villa g e , moyennant une redevance annuelle
qu’elle lui payait. Il ajouta que les hordes qui se trouvaient
aux environs des montagnes de Senjaar, étaient presque indépendantes
; que c’était l’une d’elles qui arrêtait depuis quelques jours
les caravanes , sans qu’on en sût encore la raison. Il nous dit que
la sienne était ennemie de l ’autre ; qu’elle était plus faible, mais
protégée par le prince de Géziréh, qui était riche, puissant et ami
du pacha de Bagdad.
L ’aga et tous les Arabes qui étaient venus nous v o ir , s’accordaient
à dire que nous serions infailliblement dépouillés si nous
poursuivions notre route. L ’aga nous conseillait de retourner à
Meidin, ou d’aller à Mossul par Géziréh, ville située sur le T igre ,
à dix ou douze lieues nord-est du village où nous étions. Je réponds
dè vous sur mes terres , nous disait-il ; mais au-delà je dois vous
prévenir que vous courez des dangers.
Pendant que nous causions, l’aga examinait attentivement 210s
armés à feu, qui consistaient en deux petits fusils dp guerre avec
leurs bâïonettes, deux pistolets et un fusil à deüx coups : il se fit
expliquer l’usage des bâïonettes ; il conçut bien leur utilité pour
des hommes qui combattent à pied ; mais il observa que, pour le
Cavalier arabe, la lance valait mieux. Nos pistolets lui auraient
fait le plus grand plaisir s’il ne les eût trouvés trop courts. Ce fut
notre fusil à deux coups qu’il convoita : il nous pria avec'instance
de le lui céder, et d’en fixer le prix qu’il allait à l ’instant nous
compter. Nous refusâmes d’accéder à sa demande , sons prétexte
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