un endroit nommé Alka oü i, où sont plusieurs catacombes semblables
à celles dont nous ayons parlé dans le chapitre précédent.
Nous nous établîmes dans l’une d’elles, et fîmes placer nos lits sur
les banquettes où avaient probablement reposé, long-tems avant
nous, deux corps embaumés.
■ Le tems fut fro id , . le ciel nébuleux, et il gela pendant la nuit.
Le vent varia du nord au nord-est.
Le 27, nous séjournâmes, parce que, la veille, des Curdes ayant
enlevé un âne chargé de vieux cuivre à une personne qui s’était
écartée de la caravane, on eut recours au mutSelim d’Orfa, pour
qu’il envoyât à la recherche des voleurs. Cependant le soir une
partie de la caravane nous quitta pour continuer sa route : l’autre
crut devoir attendre le retour de ceux qui étaient allés porter leurs
plaintes à Orfa. Nous ne partîmes, avec cette partie de la caravane,
que le 28 à une heure du matin. Le ciel était beau, mais il faisait
très-froid : nous eûmes sur le visage un .vent de nord-est qui nous
incommoda beaucoup j par-dessus cela le chemin fut mauvais,
pierreux, pendant deux ou trois heures que nous marchâmes entre
deux collines. A u sortir de là nous nous trouvâmes dans une belle
et vaste plaine. Nous remarquâmes quelques indices de volcan, et
nous arrivâmes, après onze heures de marche, dans un village
arménien depuis long-tems abandonné. Les Turcs le nomment
Dja oü r -K iou r i, village d’infidèles. Nous y trouvâmes nos compagnons
de voyage.
- Ce village manquait probablement d’eau : on y avait suppléé par
une vaste citerne, formant un carré lo n g , surmontée d’une belle
voûte. Nous apperçûmes aussi quelques puits peu profonds, évasés
vers le b a s , dans lesquels on renfermait les grains pour les conserver.
La caravane coucha à la belle étoile, comme'elle avait
fait aux catacombes d’Alkaoüi. Quant à n ou s, nous logeâmes
dans un édifice à demi-ruiné, dont les murs, très-épais, étaient
en grosses pierres taillées, et posées les unes sur les autres sans
ciment : des piliers massifs, et placés à peu de distance les' uns
des autres, soutenaient une voûte ou plancher en pierres plates.
Ce plancher était assez bas pour qu’on pût y atteindre avec
la main ; mais il paraît que le sol avait été exhaussé par des décombres.
Le 29, après une heure de marche, nous passâmes une petite
rivière dont le cours était du nord au sud. Nous marchâmes encore
pendant trois heures sur une plaine qui nous offrit des indices de
volcan, et nous arrivâmes à une autre petite rivière assez semblable
à la première. Leurs rives étaient nues, escarpées'. L ’eau,
quoique peu abondante, a creusé son lit à plus de soixante pieds
de profondeur. Nous remarquâmes, au bord même de l’eau , l ’agnus
castus et le paliure. Ces arbrisseaux y végétaient assez ma l, peut-
être à cause du froid qui se fait quelquefois vivement sentir en
hiver dans cette partie de la Mésopotamie. La caravane s’établit
dans des grottes spacieuses qui se trouvaient à la rive gauche.
Vers le milieu de la journée je dis au domestique de prendre un
fiisil et de me suivre, mon intention étant de chasser aux perdrix
que je savais être très-nombreuses dans ces contrées, et de cueillir
quelques safrans, quelques colchiques, quelques arums , plantes
que j’avais vues en fleur le matin. Le domestique, que les moucres
avaient déjà plusieurs fois effrayé, et qui était d’ailleurs très-poltron
, employa toute son éloquence pour m’engager à rester dans
les grottes où nous étions descendus ; il n’oublia rien pour me
persuader qu’il y avait beaucoup de danger à quitter la caravane,
attendu que ces contrées étaient infestées de Curdes, touj ours prêts
à dépouiller les voyageurs. Tous les moucres se joignirent à lui : ils
ne cessaient de me répéter qu’il était très-imprudent de s’éloigner
d’eux ainsi que je le faisais chaque jour. Ils m’observèrent que ce
lieu était plus dangereux qu’aucun autre de la rou te , à cause des
grottes qui se trouvaient le long de la rivière.
Ces dernières paroles me firent desirer encore plus vivement de
parcourir les environs de notre gîte. Je rassurai les moucres sur
mon compte ; je dis au domestique de rester’ au milieu de la caravane,
puisqu’il craignait tant de s’en écarter j je pris un sabre-,- un
fusil à deux coups, quelques cartouches,’ et je partis seul. Bru-
guière, se trouvant incommodé depuis quelques jours, ne put me
Suivre? il avait d’ailleurs à mettre en presse quelques plantes, entre
V v a