à les retirer, ainsi que nous avons fait aux mûrs de Ctésiphon, on
reconnaît qu’ils ont appartenu à la même plante qui croît abondamment
sur la rive des deux fleuves, et dans les marécages qu’ils forment
(i).
Ce. qui porterait à croire que ce monument n ’a jamais eu plus
d’élévation qu’on ne lui en voit aujourd’h u i, c’est qu’il est terminé
par une couche épaisse de te rre , qu’on suppose avoir formé un
terrassement à son sommet. Cependant il n’est pas douteux que les
vents.et les pluies n’aient dégradé la partie supérieure , puisque
celles des faces que la main de l’homme n’a point attaquées, ont
été un peu entamées, et l ’auraient été davantage si les couches de
paille ne les avaient garanties.
On doit conjecturer aussi que ce monument est massif, attendu
que, entamé presque jusqu’au centre, à sa face méridionale et à sa
face occidentale, on n’a découvert aucune cavité. Les couches de
briques, de gravois et de paille sont disposées comme à l’extérieur :
on y voit aussi les trous carrés dont nous avons parlé plus haut.
La face septentrionale présente à la v é r ité , aux deux tiers de sa
hauteur, une ouverture semblable à une porte ; mais il est évident
qu’elle a été faite lorsqu’on a voulu sonder ce monument ; car les
parois sont irrégulièrement taillées,' et aucune brique n’y est
entière.
A cent pas de l à , du côté du midi, on voit une hutte de terre de
quelques toises d’élévation, qui laisse appercevoir quelques gros
murs bâtis en briques cuites. Nous les avons regardés comme les
rentes d’un palais ou d’un temple. On voit aussi plusieurs autres
huttes plus petites, qui s’annoncent également comme les restes
d’autant d’édifices ; de sorte qu’il est possible qu’Agerkouf soit le
site d’une ville ancienne.
Mais à quel usage ce monument fut-il destiné f On ne peut le
regarder, ni comme un palais, ni comme un temple, ni comme
une forteresse. On le prendrait plutôt pour un lieu d’observation
' ( l) C’est une espèce de graminée , qui diffère peu de celle nommée par Linné
U niola bipinnata, Spec. p l. et par Retzius Poa cynosuroides.
S’il
s’il existait sur l’une de ses faces des traces-d’escalier par où on
aurait pu monter à son sommet, si l’on voyait quelques restes de
porte qui pût faire présümer que cet escalier avait été pratiqué dans
l ’intérieur. En effet, bâti sur un terrain uni, à six lieues de l’Eu-
phrate, à quatre du T ig r e , à.cinq ou six du mur de Sémiramis,
ce monument, haut peut-être de plus de cent pieds (1), pouvait
êtreun lieu propre à avertir les Babyloniens de l ’approche de leurs
ennemis. Il pouvait , par sa hauteur, permettre à l’homme de porter
au loin ses regards, et transmettre, par des signaux, ce qu’il apper-
cevait: à une grande distance.
(. Cependant si on réfléchit qu’il eût été bien inutile de bâtir , à
grands frais, une masse aussi considérable pour n ’obtenir qu’un
lieu d’observation , on est alors porté à croire qu’à l’imitation des
Égyptiens, les habitans de Babylone élevèrent .ce monument à la
mémoire de quelqu’un de leurs rois, qu’ils le destinèrent à contenir
ses dépouilles 5 et qu’au lieu de lui donner une fbi;me pyramidale,
qui n’eût pas résisté aux vents et aux pluies à cause des matériaux
qu’on y employa, ils lui donnèrent une forme carrée. On peut conjecturer,
dans ce cas, que la butte et les élévations dont nous avons
parlé ne furent autre chose qu’un temple, et des maisons de prêtres,
qu’on avait bâties à l’entour du monument, ainsi qu’on le
voit auprèSTdes pyramides. :
Si nous partons maintenant de B agdad, et si nous suivons la rive
gauche du Tigre en descendant, nous traverserons, après trois
heures de. marche, la D ia la , rivière à peu près aussi grande que
la. Marne. Après avoir marché encore deux,heures e t,demie, nous
nous trouverons sur les ruines de Ctésiphon, et nous remarquerons
un va,Ste monument, nommé T ak-K esré ou A ipu a n -K esré, dont
on voit la description dans le Journal des, Savans (2) , et la figure
dans le Voyage de Ives. Ce monument, bâti en briques cuites,-est
à un quart de lieue du Tigre. Il présente, à l’orient., une façade de
(1) Il lui en reste1 plus de soixante-dix
(2) Décembre 1790, p. 797. Mémoire sur les A ntiqu ités babyloniennes , par
M. Beauchamp.
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