pendant huit jours, les mouvemens de l ’ennemi, se rit de leur inexpérience,
jure à ses soldats qu’avant le lever du soleil cette armée
de révoltés subira le châtiment qu’elle mérite; et la nuit même il
sort de la ville avec une poignée d’hommes déterminés, se fait précéder
de deux canons chargés à mitraille, et fond comme un éclair
sur des hommes endormis, q u i, saisis d’épouvante, se dispersent,
n’écoutent plus la voix de leurs chefs, et laissent en un moment,
au pouvoir de Dgézar, armes, tentes et bagages. Celui-ci poursuit
tous ces fuyards !, en tue un grand nombre, et ne rentre dans
Acre qu’en plein jour , afin de jouir plus complètement de son
triomphe.
Sélim, réfugié parmi les Druses, tenta en vain de rassembler les
débris de son armée, ou d’en former une nouvelle. Sa conduite
n’avait pas inspiré assez de confiance à ses soldats pour se ranger
de nouveau sous ses drapeaux, ni aux habitans des montagnes pour
lui fournir tout ce dont il avait besoin. Dgézar, d’ailleurs, par cette
nouvelle victoire qu’on regardait comme miraculeuse , venait de
s’acquérir une réputation telle, que personne n’osait plus se mesurer
avec lui. Sélim, désespérant de rétablir ses affaires en Sy rie,
passa à Constantinople, où il était appelé pour Tendre compte de
sa conduite.
Un fait que nous ne devons pas omettre, et qui a été le motif
apparent du renvoi des négocians français des villes d’Acre et de
Seyd e, c’est que Sélim, avant de marcher sur A c r e , envoya un
dépôt en or de dix-neuf bourses ( 19,000 liv. ) au vice-consul de
Seyde, le priant de le garder jusqu’à nouvel ordre. Le vice-consul
aurait bien voulu refuser ce dépôt ; mais il ne le pouvait sans irriter
un homme qui était maître de la v ille , qui avait à ses ordres une
armée formidable, et qui marchait sur. A c re , presque dénuée de
troupes. D ’ailleurs, Sélim paraissait être l’ami des Français ; il avait
juré de protéger leur commerce, et Dgézar, qui faisait le monopole
des denrées, qui prêtait aux négocians du pays et aux cultivateurs
à un intérêt usuraire, ne devait pas voir avec plaisir des négocians
dont la droiture et la loyauté contrastaient avec sa cupide conduite.
Dgézar menaçait à chaque instant la fortune et la vie des négocians :
on savait qu’il avait été plusieurs fois sur le point de les renvoyer
tous , et qu’il n’avait été retenu que par la crainte d’irriter trop
fortement la Porte contre lui. Ainsi la prudence et l’intérêt obligeaient
également le vice-consul à recevoir ce dépôt, dont Dgézar,
en cas de succès, pouvait bien ne pas avoir connaissance, et dont
il n’avait pas d’ailleurs à se plaindre. Le sort en ordonna autrement.
Avant de quitter le pays des Druses, Sélim expédia un messager
au vice-consul, avec une lettre dans laquelle il était simplement dit
de donner à une personne désignée et non nommée , ce qui avait
é té remis, sous la ten te , a u x drogmans français. Cette lettre
tomba entre les mains de Dgézar, qui affecta de vo ir , dans ce peu
de mots, une conspiration tramée contre sa personne, une liaison
secrète entre ses ennemis et les négocians français, une promesse
de la part de ceux-ci de fournir aux rebelles les munitions et l ’argent
dont ils avaient besoin.
Depuis lors Dgézar ne parla plus des négocians qu’ea 'le s accablant
d’outrages , en les menaçant de les faire tous massacrer. Une
multitude d’espions rodaient autour d’eux : les démarches les plus
innocentes, les propos les plus insignifians étaient rendus au tyran
avec cette tournure adroite et perfide que tout délateur sait; employer
auprès de celui qui le paie, et qui ne paie que parce qu’il
veut trouver des coupables. Le commerce était entravé, le prix des
denrées fixé arbitrairement, les droits surexigés, e t , pour comble
de m au x, un ramas de brigands , hommes. obscurs et vils, se
croyaient permis d’insulter des hommes estimables, parce qu’il's
déplaisaient à celui qui pouvpit distribuer des faveurs ou infliger
des châtimens.
Ce qui retarda un moment la vengeance de D gé zar, ce fut une
frégate française-, commandée par. M. de Parade.,, qui vint mouiller
en 1790 dans la radp d’A cre. Mais, après son départ, un firman du
grand-seigneur, qui, enjoignait, ¡à, Dgézar 4e ,restituer une somme,
d’argent ;assez ççmsidératfcle, exigée ,par lu i des^ religieux de Nazareth,
porta ce mpnstre, à ordonner l ’assassinat du drogmeu de: ces
religieux, ,et à faire dire, peu de, jours après, au consul', le 6 octobre