politique? Dans la nécessité où nous nous trouvions avec le reste de
l ’Europe, d’arrêter l’excessive influence de cette puissance exclusive,
nous ne pouvions opposer une barrière efficace à'son despotisme
maritime , ou ne lui porter des coups assurés que lorsque
l ’Égypte serait en notre pouvoir.
La Hollande, pour toujours liée à nos intérêts, après avoir
éprouvé notre générosité, ne pouvait qu’appuyer une opération
de laquelle devaient dépendre la restitution et la conservation de
ses colonies asiatiques et africaines.
Le Danemarck et la Suède, qui participent au commerce de
l ’Inde , n’avaient-ils pas à redouter l ’ambition anglaise , qui ne se
soutient que par des exclusions, plutôt que celle d’une République
q u i, dans ses triomphes, n’avait donné que des preuves de sa
modération ?
Quant aux autres puissances maritimes ou continentales de l ’Jht-
rop'e, quelles que fussent les révolutions commerciales qui pouvaient
résulter de cette conquête, n’avaient-elles pas à redouter
bien davantage l ’usurpation qui allait être consommée, et qui
devait les priver de tout partage dans la navigation et le commerce
maritime ? L ’Angleterre n’avait-elle pas osé faire entendre
qu’il ne fallait pas qu’un seul coup de canon pût être tiré sur lés
mers sans sa permission ? Que pouvait-on espérer désormais d’une
nation qui n’appartient qu’au génie monopoleur de la cupidité
, et qui se regarde elle-même comme étrangère au Monde
entier ?
Combien la France était loin de faire craindre une perspective
aussi humiliante pour les autres nations ! Riche de son territoire
et de son industrie, elle n’avait pas besoin de l’Egypte pour augmenter
ses moyens d’existence. Cette nouvelle conquête ne pouvait
rien ajouter à l’éclat de ses armes, e t , consultant la modération
plutôt que la victoire, décidée à se renfermer dans les limites que
là Nature et sa propre sûreté, autant que le souvenir de ses anciens
titres , lui avaient tracées', ce n’était pas un accroissement
lointain qui devait être nécessaire à son ambition. Confinant aussi
à l’Océan et à la Méditerranée , elle était la plus intéressée à faire
respecter, comme à respecter elle-même, la neutralité des mers et
la liberté du commerce. A in s i, en transportant une partie de ses
forces sur un rivage étranger, elle ne pouvait alarmer que la seule
puissance qui, n’aspirant à vivre qu’aux dépens de toutes les autres
, ne se repaît que de domination universelle et de possession
exclusive.
La P o rte , il est vrai, par esprit de religion comme par ignorance
de ses véritables intérêts, pouvait se croire autorisée à rompre
avec n ou s , à. se déclarer contre cette entreprise. En considérant
cependant sa position critique et sa faiblesse réelle, il était possible
qu’elle sût se faire un mérite de la nécessité , et qu’elle consentît à
nous mettre à portée de lui rendre des services plus essentiels.
Lorsque tout semblait présager la chute prochaine de l ’Empire
othoman, la France, par sa médiation ou sa protection, ne pouvait
elle pas empêcher qu’elle ne s’effectuât ? et la possession de
l ’Egypte ne l ’intéressait-elle pas de plus près à la conservation de
cet Empire ? o u , si sa chute et son partage étaient inévitables ,
ne fallait-il pas nous tenir en mesure pour être prêts à tout événement
, et réparer d’avance les pertes que notre commerce devait
éprouver ?
L ’expédition de l’Egypte étant liée*pour ainsi dire à un voyage
entrepris par ordre du Gouvernement dans ces contrées, et pouvant
se rapporter à plusieurs Mémoires rédigés à ce sujet, et présentés
à notre ambassadeur à Constantinople par feu Bruguière et
m oi, j’ai cru devoir exposer la plupart des causes qui l’ont déterminée
, ainsi que les motifs divers qui la nécessitaient et la justifiaient
en même tems. Le nom du héros qui l ’a commandée, cette
association d’officiers et de sa vans également distingués, q u i, pour
la première fois, marchaient ensemble à une conquête commune ,
ont évidemment prouvé qu’elle avait été mûrie pa r le génie et la
raison, que rien de ce qui pouvait la rendre aussi fructueuse que
brillante n’avait été oublié. Placé et borné à l’époque qui l ’a immédiatement
précédée, il ne m’appartient pas de la suivre dans son
exécution, encore moins dans les événemens qu’elle a fait naître,
ou q u i , nés hors d’elle-même, et ne pouvant être prévus,