autre ang le, se lève aussitôt, sort de la maison, et rentre un instant
après : il n’avait rien découvert ; mais il soupçonna un voisin
qui était venu la ve ille, et qui avait remarqué où nous avions posé
nos armes en nous couchant. Cet événement nous rendit dans la
suite encore plus soigneux.
Le 3 , après une heure de marche , nous passâmes. un torrent
que 1 eau de la pluie avait beaucoup grossi. Les chevaux eurent de
1 eau jusqu aux flancs. Trois lieues plus loin nous passâmes une
petite riviere sur un pont très-étroit, sans garde-fous et' en très-
mauvais état. Nous nous approchons de la montagne. Nous voyons
au bas quelques oliviers fort grands, et d’un vert un peu plus
foncé qu’à l ’ordinaire. Une partie de la caravane se sépare de
nous, et va loger dans un village de la plaine, d’où elle continuera
sa route. Nous montons la montagne avec l ’autre partie. Le chemin
est rude, scabreux j il nous faut une heure et demie pour arriver
à Merdin : il y en a sept et demie que nous sommes partis de
Kérosmana.
Merdin, que l’on regarde comme l ’ancienne Mardé ou Miridê,
est situé vers le sommet d’une haute montagne , au 3y*. ■ degré
19 minutes de latitude nord ; il est en pente, et se présente au sud.
L ’oeil parcourt, de ce lieu élevé, une étendue de terrain assez considérable
: les fertiles plaines de la Mésopotamie, que l ’on a devant
so i, ne sont interrompues que par les montagnes de Senjàar, que
l ’on apperçoit à vingt lieues au sud-sud-est; elles sont habitées par
les Jésides, peuple méchant, cruel, inhospitalier, qu’on dit avoir
des moeurs et une religion différentes des autres habitans de la Mésopotamie.
On voit également, à quinze lieues au sud-ouëst et à
l ’orient de l ’ancienne Charrce, quelques autres montagnes qui sont
fréquentées par des Arabes bédoins, dont les moeurs sont plus douces
et la religion plus tolérante que celle des Jésides.
La ville est dominée par un château assez vaste, qui tombe en
ruine, et qui servait autrefois à sa défense ; elle est entourée d’un
rempart , que le pacha de Bagdad venait de réparer. Les habitans
de Merdin se plaisent à raconter que Tamerland lit , pendant cinq
ans, le siège de leur ville sans avoir pu s’en rendre maître ; mais ils
se trompent : Tamerland entra sans obstacle à Merdin, si nous en
croyons les historiens persans. Qé fut Hulakou, petit-fils de Gén-
gis-Khan, à qui la Perse et la Mésopotamie étaient échues en partage
après la mort de ce conquérant, qui attaqua sans succès cette
place vers le milieu du quatorzième siècle. Alors sans doute le château
et les remparts étaient en bon é ta t , et la population était
beaucoup plus considérable qu’elle ne l’est aujourd’hui. Merdin,
malgré son étendue, ressemble bien plus à un village qu’à une
grande ville. On y compte à peine trois mille Curdes, cinq à six
mille Arabes ou T urcs, quinze cents Arméniens jacobites, et presque
autant de Nestoriens, qui ont parmi eux leur évêque. Les derniers,
comme on s a it , sont réunis à l ’église romaine. Leur patriarche
est établi à Antioche ; celui des Jacobites fait sa résidence
à Diarbekir. Il y a en outre une vingtaine de familles juives, et un
couvent de Carmes déchaussés, où nous ne trouvâmes qu’un seul
religieux.
Cette ville avait autrefois un vaivode, nommé tous les ans par le
grand-seigneur; elle est aujourd’hui sous la dépendance du pacha
de Bagdad, qui y place un mutselim. On est surpris qu’elle ne soit
pas réunie plutôt au pachalik de Diarbekir. Bagdad , par la route
ordinaire, est à plus de cent cinquante lieues de Merdin : Diarbekir
ou Cara-Amid ( l ’ancienne Âmida ) n’én est qu’à dix-huit ou vingt :
c ’est une des plus grandes villes de l ’Asie mineure ; elle est sur la
rive droite du T ig r e , au nord-ouest de Merdin.
Nous avons resté cinq jours à Merdin; ce qui nous a donné le
moyen dev parcourir les environs, et de cueillir quelques plantes
en fleur. Nous y vîmes quelques vignes, quelques pistachiers, beaucoup
d’amandiers, de cerisiers, de pruniers, de poiriers, de pommiers
et autres arbres fruitiers d’Europe. Quoique ce pays soit
assez froid en hiver à cause de son élévation, l’été y est cependant
très-chaud, surtout au bas de la montagne. On y cultive le coton,
le sésame, et on y récolte une assez grande quantité de froment et
d’orge.
Le commerce de cette ville est peu considérable, parce qu’elle se
trouve hors des routes de Mossul, Géziréh et Diarbekir à Orfà,