La Tille est peuplée par des Arabes, des Curdes, des Turcs,
des Arméniens et des Juifs. Les trois premiers, Musulmans de religion,
forment les trois quarts de la population- Les Juifs sont
pauvres et peu nombreux. Les Arméniens, quoique opprimés ,
sont assez riches, parce que le commerce qu’ils font avec A le p ,
Diarbekir et Mossul leur fournit de quoi réparer les pertes que les
agens du gouvernement leur occasionnent assez souvent.
Orfa n’est pas seulement une ville d’entrepôt : elle est en état
de fournir une assez grande quantité de froment, d’orge et de légumes
, tels que fèves, haricots et pois chiches ; quelques toiles de
coton, qui se fabriquent dans son sein, et quelques ouvrages d’or-
févrerie et de b ijouterie, qui sortent de la main de ses ouvriers. On
y fabrique aussi de très-beaux maroquins, qui passent à Alep et
à Diarbekir pour se répandre en Syrie et dans l’Asie mineure.
On voit fort peu de vignes aux environs de la ville. Les Juifs et
les Arméniens font pour eux un vin blanc et un vin rouge qui
seraient assez bons s’ils n’y mettaient infuser des pommes de pin ,
qui lui donnent un goût de p o ix , fort désagréable à ceux qui n ’y
sont pas accoutumés.
Les femmes sont voilées par une grande pièce de toile blanche
qui les enveloppe jusqu’aux pieds, et se replie sur la tête : elles
portent en outre une pièce carrée de crin noir qui se rabat, sur lq
visage, et qui leur permet de voir sans être vues.
Les hommes n’ont pas de costume différent de celui que nous
avons vu en Syrie ; ils portent en voyage des àbas tout noirs ou
à bandes longitudinales, blanches et noires, larges ou étroites, qui
ressemblent beaucoup, par la forme, aux chasubles des prêtres
catholiques. Les pauvres de la ville et les habitans des villages voisins
portent dans lenr parure une sorte de casaque à manches courtes,
tombant un peu au dessous de la ceinture : elle est bigarrée sur
le dos de couleurs éclatantes, formant un dessin triangulaire. Cette
sorte de casaque n’est pas commune vers les côtes maritimes. Oit
en fabrique beaucoup à Marrhas, petite ville située au sud-ouest
d’Alep : elles coûtent de huit à dix piastres,. et sont en laine assez
fine j les abas sont en laine ou en laine et poil de chèvre ; les plu*
communs valent dix ou douze piastres ; les plus chers se vendent
jusqu’à cent piastres.
On est dans l ’usage de percer aux fille s , pendant leur enfance,
une narine pour y passer un anneau d’or ou d’argent. Nous avons
vu quelques femmes , dont, la cloison intermédiaire du nez était
percée et ornée d’un grand anneau d’or. Nous avions déjà observé
sur les côtes de S y rie , parmi les habitans des campagnes, l’usage
d’une narine percée ; mais il n’était pas aussi général qu’à Orfa,
Merdin, Mossul, Bagdad et autres villes de l’intérieur.
Le tems a été variable et un peu froid pendant les. quinze jours
que nous avons passés à Orfa : il gela quelquefois ; il plut souvent,
et le 3.5 ventôse il tomba de la neige sur les montagnes peu élevées
qui sont à deux lieues au nord de la ville : cette neige fondit le même
jour. Nous avons trouvé quelques jacinthes et quelques crucifères
en fleur sur la colline située au nord-ouest de la v ille , et nous
avons jugé , par les progrès de la végétation, que la température
d ’Orfa devait être dans cette saison à peu près la même que celle
d’Alep. Peut-être y fait-il un peu plus chaud l’été, à cause du
plus grand éloignement de la mer ; car c’est le même vent qui rafir aî-
ehit ces deux villes.
Le château, construit à la cime d’un rocher calcaire, excita notre
curiosité. Nous y montâmes par un chemin très-rude, taillé en
quelques endroits dans le roc. Parvenus dans son enceinte, nous
n’apperçûmes que des ruines, des voûtes écroulées, des murs ébranlés,
à moitié détruits et prêts à s’abattre ; des souterrains affaissés;
en un mot, presque rien d’entier, si ce n’est une grande salle ou
se logent quelques janissaires préposés à la garde de ce château.
Du côté de la v ille , et à la proximité des remparts , s’élève une
masse oblongue de maçonnerie, soutenant à chacune de ses extrémités
une très-grosse colonne d’ordre corinthien, dont le chapiteau
a souffert, et dont la base est enveloppée dans une maçonnerie
plus récente. Ayant fait le tour de ce reste d ’édifice à travers
les décombres dont il est entouré, nous reconnûmes que sa forme
est celle d’un carré long, et qu’il est soutenu par une voû te , ayant
une porte et deux fenêtres carrées sur chaque grande face. Une
T t 3 '