toujours d’exciter la rapacité des beys et dè leurs officiers. Depuis
long-tems, par exemple, on ne plante plus des orangers et des
bananiers ; parce qu’ils étaient un motif de vexation. Les Mameluks
puissans exigeaient souvent les oranges et les bananes sans
indemnité ou à vil prix. Souvent aussi ceux d’entre eux qui voulaient
avoir un jardin au Caire , forçaient les propriétaires des
jardins de Rosette et de Damiette à .leur donner gratuitement des
pieds d orangers, a les arracher eux-mêmes et à les transporter
jusqu au fleuve. A la moindre plainte de ces malheureux, le Mameluk.
leur faisait donner en paiement des coups de bâton sous la
plante des pieds.
Les sables que les vents de sud amènent chaque année des déserts
s amoncelent au sud-ouest de Rosette, et y forment divers monticules
qui menacent d’ensevelir un jour la ville. Il est curieux de
voir la cime des dattiers suivre le progrès des sables et s’élever à
une hauteur que ces arbres n’auraient jamais atteinte s’ils avaient
crû en liberté.
Les monticules qui sont au sud se prolongent le long du N i l, et
paraissent plus anciens que les autres. 11 y a , sur le plus grand ( i),
beaucoup de sépultures, et une tour carrée , bâtie par les Arabes,
d ’où l ’on peut observer la marche ,des navires qui passent le long
des côtes, ou qui manoeuvrent pour entrer dans le fleuve. C’est au
bas de ce monticule que furent trouvées les colonnes dont parle
hav ar y ; et c est ici que 1 on doit placer Bolbitme, que l ’on sait avoir
été bâtie sur la seconde branche du Nil.
Les terres situées au nord de la ville, et celles qui sont à l ’est
dans le Delta; sont plantées de dattiers ou semées en riz et en trèfle.
On y cultive aussi 1 abelasis (2), le lin , le sésame, la colocasse et
diverses plantes potagères. L ’orge et le blé y sont rares, et ne sont
semés que sur les bonnes terres que 'l’on ne peut arroser.
Les dattiers sont plantés en quinconce, à la distance de cinq à six
(O II est nommé Abou-Mandour.
(2) Cyperus esculentus.
pas les uns des autres. Le produit annuel de cet arbre est de cent
à cent vingt paras dans les terres arrosées , et de quarante à cinquante
dans celles qui ne le sont pas. Les plantations se font avec
les caïeux que l ’on retire du pied des vieux arbres. Si le caïeu est
vigoureux et un peu gros, cinq à six années suffisent pour qu’il soit
en plein rapport. On plante ordinairement un pied mâle pour vingt
pieds femelles ; et quoique la fécondation de celles-ci dût s’opérer
assez bien par le transport naturel des poussières séminales, les
Arabes, qui craignent que la plupart des fruits n’avortent, placent
avec so in , au milieu de chaque régime femelle, un brin tiré du
régime mâle , qu’ils fixent avec un fil au moment de la fleuraison.
Cette opération a lieu dans les premiers jours de germinal. Le fruit
commence à mûrir à la fin de fructidor. Celui que l’on mange frais,
en vendémiaire et brumaire, est excellent, très-sain, très-nourrissant
et de très-facile digestion. Les dattes que l ’on veut conserver
sont préparées à Rosette d’une manière particulière ; elles sont ouvertes
par le milieu, séchées , comme les autres , au soleil, et ensuite
entassées et pour ainsi dire pétries dans des couffès. On en,,
forme des gâteaux assez grands, que l ’on vend dans les bazards,
ou que l’on transporte en Syrie et à Constantinople.
Un champ destiné à la culture du riz doit être bien u n i, et avoir
un rebord en terre, qui en forme une sorte de réservoir. On laisse
à ce champ deux ouvertures, l ’une pour introduire l’eau, et l ’autre
pour l’évacuer. Au commencement de germinal on coupe le trèfle
qu’on y a semé l’année précédente : on laboure à la charrue ; on
introduit un demi-pied d’eau, ensuite on unit la terre au moyen
d’un tronc de dattier que deux boeufs traînent en travers ; et tandis
qu’on prépare ainsi la terre on met le riz dans des confies, et on
le plonge pendant huit jours dans le fleuve pour le faire germer :
on le sème dans cet état un peu d ru , afin de pouvoir en arracher
une partie, et en planter un champ aussi étendu que le premier.
Cette opération a lieu en prairial, environ cinquante jours après
que le riz est semé. Tous les deux ou trois jours on évacue l ’eau
des rizières pour en introduire de nouvelle ; ce qui contribue sans
doute le plus à la bonne qualité de cet aliment, et ce qui fait que le