Mais quelle est l’époque où T y r l’insulaine prit «le l’accroissement?
Il semble qu’elle n’existait pas encore à l ’arrivée des Israélites
; car il n’est fait mention dans l’É criture, que de celle du continent
: elle était située vers la mer , et était assez forte pour que
le peuple ju if ne pût jamais s’en emparer ; elle était sur un lieu
élevé et fo r t, ainsi que l ’indique le mot phénicien, Tzar, qu’elle
portait alors.
Du tems de la guerre de T ro ie , T y r du continent était soumise
aux Sidoniens , et n’avait aucune célébrité ; car Homère parle
plusieurs fois de Sidon sans faire mention de Tyr.. Il est probable
qu’alors celle de l ’île n’était point encore bâtie.
Cependant si nous remontons jusqu’aux tems où l ’Histoire se confond
avec les fictions de la Mythologie, nous voyons que Bacchus
arrive à T y r , la patrie de Cadmus ; qu’il est étonné de la quantité
de navires qu’il trouve dans le port. Les voiles étaient teintes en
pourpre. La ville était située dans la mer, e t , quoique divisée de
la terre par l ’e a u , elle tenait en quelque sorte à cette terre par un
triple rempart. Il la compare à ans jeune fille nageant, dont la tête
et la poitrine sortent de l ’e au , dont les bras s’étendent 6ur la mer,
dont le corps est couvert d’eau, et dont les pieds néanmoins tiennent
à la terre. Bacchus s’écrie qu’il voit une île dans le continent,
i l admire particulièrement l ’aqueduc q u i, à travers un golfe terrestre
, conduisait à la ville les eaux dans l ’espace d’une heure. Il
voit le flot féoond d’A barbarca, et la source Callirhoë, d’où s’exhalait
une rosée fécondante. Il va ensuite se récréer dans l’allée qui
conduisait au temple d’Hercule Astrocbiton, puis il invoque Hercule
portant le manteau éto ilé, comme étant le même dieu que
le soleil. Le dieu le reçoit dans son temple, e t lui donne la main :
il portait l ’image du Ciel et la figure du Monde. Il invite Bacchus
à sa table. Celui-ci demande à Hercule quel dieu a pu fonder la
v ille , quelle'divinité a attaché les rochers à la mer, ¡et quel est
celui quî a mêlé la terre à lamer. Hercule lui répond que oe sont
les premiers hommes qui ont bâti la ville , en appuyant ses fonde-
mens sur les rochers ; que, par un oracle qu’il leur rendit en songe,
il leur conseilla de faire des vaisseaux, et de naviguer jusqu’à ce
qu’ils trouvassent deux rochers flottans(i),, au milieu desquels était
un olivier admirable , gardé par un dragon, et sur ses brandies
un aigle ; qu’ils sacrifiassent l ’aigle à Neptune , qu’ils arrosassent
de son sang les rochers flbttans, qu’ils les dédiassent à Jupiter et
aux autres dieux, et que ces rochers se fixeraient ; qu’ils bâtissent
ensuite sur ces rochers une v ille , en appuyant ses fondemens; dans
ta mer.
Les Géans, ajouta-t-il, firent des vaisseaux ; ils naviguèrent vers
les îles indiquées ; ils trouvèrent l’olivier et l ’aigle ; ils sacrifièrent
ce dernier à Jupiter et à Neptune, et de son sang iis arrosèrent,
le long de la mer, tous les rochers qui forment l’enceinte de T y r .
Quant aux sources, Abarbarca était une fille très-chaste , qui finit
par se marier avec Callirhoë. Cela d it , Bacchtss donna une coupe
d’or à Hercule, et Hercule un manteau étoilé à Bacchus : puis
Bacchus, quittant le dieu Astrochiton, protecteur de la ville de
T y r , reprend son chemin par l’A ssyrie (a).
On lit dans Justin, que T y r fut fondée par les Sidoniens, un an
avant la prise de Troie. Josèphe etEusèbe disent qu’elle.fut bâtie
deux cent quarante ans avant la fondation du temple de Jérusalem,
et Cédrène fixe cette époque à l ’an 35i . Il dit que c’est Agénor,
père de Cadmus, qui la fonda, et la nomma T y r , du nom de sa
femme T y ro . On ne sait si ces auteurs ont voulu parler de T y r du
continent , ou de T y r l’insulaire ; mais ce qu’on ne peut attribuer
qu’à la dernière, c’est que Hiram, roi de T y r , selon Josèphe, habitait
l ’île de T y r , quoiqu’il fût maître de la côte, et que Sidon,
Biblos et d’autres villes lui fussent soumises- Il joignit à la ville,
par des chaussées, l’Euraehoron ou l’î lo t , sur lequel se trouvait
le temple de Jupiter olympien. Ii fortifia le côté de l ’orient, et ü
rendit, selon l ’expression de l’auteur, la ville meilleure. Le même
dit que ce prince écrit à Salomon de lui envoyer du blé en échange
du bois qu’il lui a fourni pour la construction du temple de
( i) Ces Jeux tles sont représentées sur les médailles de Gordien I I I , frappées
à T y r * et sont nommées Petrce Ambrosioe.
(a.) Nonnus Dionysiaca * lib, X.L , V. 3o3 et seq»