détacher , et lés autres substances étrangères se précipiter au fond
du verre.
Nous partîmes le lendemain matin d’Âbdama. Descendus dans
la plaine, nous vîmes, à un quart de lieue du village, des ruines très-
anciennes, très-dégradées, et un peu plus loin une file de catacombes
creusées dans une roche calcaire, qui nous persuadèrent que ce
lieu avait été celui de quelque ville dont le nom s’est perdu avec le
tems. C’est surtout aux catacombes que l’on doit s’attacher, en S yrie,
pour la recherche des anciennes villes ; car tout nous porte à croire
qu’avant l’établissement des Grecs dans cette contrée , l ’usage d’y
ensevelir les morts fut le même que celui des Egyptiens, voisins et
peut-être aïeuls des habitans de la Syrie.
En quittant la vallée d’Abdama, nous traversâmes des collines
incultes, des montagnes scabreuses, fréquentées par des troupeaux
nombreux. Le boeuf que nous y vîmes, est maigre et de petité taille.
Le mouton est l ’espèce à large queue : sa laine est de médiocre
qualité,- mais sa chair est savoureuse. Les chèvres y sont plus multipliées
que les brebis : il y en a deux races très-distinctes, qu’on a
soin de ne pas croiser : l ’une est petite et à courtes oreilles ; c ’est la
plus commune : l ’autre est presque une fois plus grande ; elle a les
oreilles très-longues, une forte saillie sur le nez, et les mamelles
pendantes jusqu’à terre ; elle nous parut être la même que celle de
la haute Égypte. On nous a assurés qrre ces deux chèvres portaient
souvent deux ou trois petits.
Arrivés au sommet de la montagne qui domine à l’ouest la petite
ville de Gesser-Chourl, située sur les bords de l ’Oronte, dans un
vallon profond et sinueux, nous jouîmes pendant long-tems d’une
vue extrêmement agréable et infiniment variée. La ville, son pont
et ses jardins, sur lesquels nous planions pour ainsi dire ; le vallon,
qui s’élargit au sud et forme une belle plaine, couverte, ainsi que
le va llon, de prairies étendues, de champs ensemencés , d’arbres
fruitiers, de légumes de toute espèce ; l ’olivier, qui leur sert de
bordure, et qui contraste singulièrement , par le vert cendré de
ses feuilles, avec le vert jaune et le vert foncé des environs; les
eaux de l’Oronte , que nous suivions dans .un espace de plusieurs
lieues, et qui nous réfléchissaient les rayons d’un beau soleil ; une
chaîne de montagnes, qui bornait au loin devant nous l’horizon ;
une autre qui lui était parallèle, et que nous laissions derrière
nous; le myrte, le styrax, l’andrachné, l’arbousier, le chêne-vert,
qui, répandus sur toutes les pentes, cachaient une partie des rochers
dont ces montagnes sont hérissées : tout nous disait que ce point
de vue, vraiment beau dans cette saison, doit être bien m ajestueux,
bien imposant lorsque la terre, toute couverte de verdure, la végétation
ranimée jusqu’aux sommets les plus escarpés , le parfum
suave des fleurs , le chant mélodieux des oiseaux et la parure brillante
des papillons annoncent, pour tous les êtres, le retour d’une
nouvelle vie ou de ses plus douces jouissances.
De ce point élevé il nous fallut plus d’une heure pour arriver à
la ville. Nous descendîmes à un car avaliserai, que nous trouvâmes
presque tout occupé par des moucres et par des négocians : il ne
restait qu’une chambre qu’il fallut partager avec nos compagnons
de voyage. Comme nous n’avions pas fait quatre lieuès, et que nous
étions arrivés de fort bonne heure, nous eûmes, après notre dîner,
le tems de parcourir la ville et les jardins, et de nous promener
sur les bords de la rivière.
Gesser-Chourl est peu étendu, et ne paraît pas avoir quatre mille
habitans : il est situé en pente sur la rive gauche dè l ’Oronte, dans
l ’endroit le plus resserré du vallon. Ses rues sont sales et couvertes
de fumier : ses maisons ont en général peu d’apparence, et rien
n ’y indique une grande antiquité. A u bas de la ville est un pont à
plusieurs arches, assez solidement construit : on y voit une porte
que l’on ferme la n u it , pour qu’on ne puisse y passer sans payer
au douanier les droits qu’il perçoit sur toutes les marchandises.
Les jardins qui se prolongent sur les deux rives de l’Oronte,
sont assez bien cultivés. On les arrose au moyen de quelques saignées
faites à la rivière : on se sert aussi de très-grandes roues
à deux rangs de coffres, qui élèvent l’eau et la versent dans des
aqueducs en maçonnerie. Nous trouvâmes fort commune, dans tous
les canaux d’arrosement, une, petite coquille que les naturalistes