aujourd’hui la place qu’occupait autrefois la citadelle, et est entourée
d’un vieux mur. Ce monticule est beaucoup plus considérable
que celui d’Alep et tous ceux que nous avons vus en Mésopotamie
: on aurait de la peine à se persuader qu’il est fait de marn
d’homme si toute cette partie de l’Asie n’en présentait un grand
nombre, et si on ne remarquait à tous la terre rapportée sur un sol
uni. La pente du monticule est rapide et couverte d’herbes : au bas
il y a un fossé presque tout comblé. L ’autre partie de la ville est
située en plaine, au sud du monticule.
On né compte aujourd’hui dans Erbil que deux mille habitans,
presque tous Curdes ou Caldéens ; mais on voit que cette ville occupait
autrefois dans la plaine une étendue assez considérable. On y
apperçoit quelques ruines, et on remarque, à quelque distance de
la v ille , une tour carrée , qui parait avoir été un minaret du tems
des califes. Niébuhr dit qu’il fut bâti par un sultan nommé M us-
safer. Il est en briques et chaux : on y monte par deux escaliers
à vis.
Erbil dépend du pachalik de Bagdad : elle a un sangiak-bey et
une forte garnison de janissaires envoyés de Constantinople.
Pendant toute la journée le tems fut à la pluie et lèvent à l’ouest.
Nous marchâmes huit heures et demie. Nous vîmes, en passant,
K o step p é , village peu considérable ; nous traversâmes quelques
monticules de cailloutage et de te rre, couverts de verdure, et nous
arrivâmes au vill-ge de Altun^Kuprl (Pont-d’Or ) : il est bâti sur des
rochers entre deux bras d’une rivière ; c’est le petit Z a rb ou Z t. b ,
le Caprus des Anciens. On entre au village par un pont bâti sur un.
rocher de poudingue : on en sort par un autre qui a une arche
extrêmement élevée, assez grande, et deux autres fort petites : les
chevaux ne grimpent celui-ci qu’avec peine. L a rivière était considérablement
grossie par les pluies e t la fonte des neiges; elle nous
parut aussi grande que la Seine en hiver.
Nous logeâmes chez l’aga du village, soupâmes avec ses fils, et
fûmes servis par les domestiques de la maison. Un pilau de riz où
étaient quelques morceaux de mouton, une assez grande écuelle de
lait de brebis et un plat de ïougourt ou lait caillé aigri composaient
le souper. Nous n’avions point d’assiëtte, de sorte que chacun
mangea au plat. Nous demandâmes des cuillères : on nous en apporta;
elles étaient de bois : on n’en connaît pas d autre en T u r quie
et en Perse. Les fils de l’aga se servirent de leurs mains ; ils
mêlaient le pilau avec quelques filamens de viande ou avec le ïougourt
: on but le lait à la ronde , après quoi on nous servit la pipe
et le'café.
Ce fut à peu près ainsi que nous fûmes traités sur toute la route.
Le pilau était ordinairement au maigre, et n’était servi que le soir.
On nous donnait aussi des oeufs au plat. Mais lorsque nous fûmes
dans les villages où croissent les palmiers, on nous donnait pour
tout mets, le jour, des dattes frites au beurre. Le soir on y ajoutait
le pilau.
Un quart d’heure après notre souper on vint nous dire que l ’aga
se disposait à venir passer la soirée avec nous : nous le fîmes remercier
de son honnêteté, nous excusant sur le besoin que nous
avions de prendre du repos. Il nous dispensa alors de sa visite, et
ses fils ne tardèrent pas à se retirer , et nous souhaiter, pour, le
lendemain, un bon voyage.
Le 28, nous eûmes un brouillard qui ne se dissipa qu’à huit heures
du matin. Le terrain fut d’abord inégal, caillouteux : nous marchâmes
ensuite entre deux chaînes de collines : la plaine se prolongeait
devant nous, et nous paraissait avoir encore neuf ou dix
milles , quand tout à coup, après trois heures et demie de marche,
nous nous détournâmes à droite par un angle d ro it , et traversâmes
une colline formée de terre et de cailloutage. Nous apper-
çûmes du grès dans les ravines : en descendant, nous vîmes quelques
indices de plâtre, et un peu plus bas le pétrole, qui découle
de divers endroits. On creuse des puits à la profondeur de cinq à
douze pieds au plus , et chaque jour on retire le pétrole qui s’y
ramasse : on le met dans des outres que l’on transporte à Kerkouk
sur des ânes.
Le religieux qui nous accompagnait nous dit qu’à une lieue de
là , vers le sud-est, il y avait un terrain fort,chaud, dans un assez
grand espace, d’où sortaient quelquefois des flammes; les postillons