la gerboisene s’engourdit pas, et continue, pendant l ’h iv e r , à se
mouvoir et à se nourrir.
On rencontre aux environs d’Alexandrie quelques plantes intéressantes
, telles qu’une espèce de nitraire à fruit rouge, succulent,
d’une saveur très-fade, de la grosseur d’une olive ordinaire ; le
câprier sans épines, que les Alexandrins négligent, mais dont les
boutons et les sommités des rameaux, confits au vinaigre, sont
aussi bons que ceux du câprier commun ; le peganum harmala ,
qui croît partout abondamment, et auquel les Arabes attribuent
diverses propriétés, celle entre autres de purifier l’air à une grande
distance si on en brûle à la fois une certaine quantité ; le p a lla s ia ,
arbuste singulier, qui végète très-bien sur un sable pur et mour
vant; le cynomoir écarlate (1) , plante parasite que l ’on trouve sur
les racines des salicornes, des kalis et autres arbustes des environs
du Kalidje. Elle fleurit en pluviôse, et a un goût légèrement amer
et une odeur un peu aromatique. Les Arabes l ’emploient avec succès
pour les dyssenteries, les pertes de sang , les plaies récentes.
Toute la plante a une belle couleur écarlate, et, si on l’exprime ,
le suc qu’elle rend, est de la même couleur. Soumise à quelques
expériences, elle a donné à des étoffes de laine, de soie, de,coton,
de chanvre et d e lin une couleur de nankin et un rose foncé, un
j>eu brun. Ces couleurs ont résisté au savon , au vinaigre et à l’action
du soleil. Nous invitons les teinturiers à pousser plus loin nos
expériences. Le cynomoir croît non-seulement en Égypte, mais à
Malte, en Sicile, aux environs de Livourne, à Tunis et sur toute
la côte de Barbarie.
En h ive r , les terrains les plus secs, les plus sabloneux, sont couverts
de plusieurs espèces de ficoïdes (2). Les Arabes arrachent ces
•plantes au printems, les laissent sécher pendant quelques jou r s ,
les entassent ensuite et y mettentle feu : les cendres qui en résultent,
sont apportées à Alexandrie, et transportées de là à Marseille et à
l’île de Crète, pour la fabrication du savon.
(1) Cynomorium coccineum.
(2] Mesembrianthemum copticum > cristallinum et nodiflorum^
C H A P I T R E V.
Course à A b ou k ir ; sa rade. Ruines de Canope. D ép art
p ou r le Caire. D anger du Bogas. Arrivée à Rosette y
description de cette v ille ; culture des terres; industrie
et commerce des habitans. H istoire naturelle.
V eus le milieu de ventôse nous partîmes pour Ab ou k ir, village
peu étendu, situé à quatre lieues ou deux myriamètres à l’orient
d’Alexandrie. On y va par un chemin assez beau, quelquefois sabloneux
: on a la mer à gauche; à droite, un terrain uni, bas, et
couvert en partie d’eau pendant plusieurs mois de l ’année : on ne
trouve ni habitations ni champs ensemencés ; on voit seulement,
en quelques endroits,, des dattiers clair-semés, qui interrompent
l ’uniformité de ces terres arides et incultes.
. Après une heure et demie de marche on arrive au Camp de
César : c’est ainsi qu’on nomme un carré de deux ou trois cents
pas d’étendue , entouré d’un mur assez élevé , épais, flanqué de
tours, bâti à peu de distance de la mer. Nous vîmes quelques A ra bes
campés dans cette enceinte : comme ils étaient de la tribu des
scheiks qui nous accompagnaient, nous obtînmes facilement quelques
écuelles de la it , et nous pûmes parcourir sans crainte l’intérieur
et les dehors de ce monument que la tradition attribue à
César, mais qu’il faut plutôt regarder comme l ’ouvrage de quelque
empereur d’Orient.
Avant de continuer notre route nous voulûmes nous diriger au
sud pour observer le canal d’Alexandrie et les terres basses qu’il
traverse. Il est élevé de plusieurs pieds au dessus du niveau du
l soI : il est fortifié en dedans par un mur en briques, et revêtu en
dehors de terre rapportée, formant une chaussée au pied de laquelle
les eaux du lac de la Madiéh viennent aboutir aujourd’hui.