marine de Bagdad, de Bassora, mais on enduit aussi l ’extérieur des
aqueducs, les chambrés à bains, les lavoirs de cuisines, et tous les
endroits exposés à recevoir de l’eau fréquemment. Il est probable
que c ’est avec,ce bitume que les murs de Babylone , construits en
te rre, furent enduits à leur partie supérieure, pour les garantir de
l ’action de l ’eau et de l ’air.
Les habitans de Bagdad font monter la population de leur ville à
plus de cent mille ames ; mais le cit. Rousseau, depuis long-tems
commissaire des relations commerciales, un négociant italien ,
nommé L io n y , établi depuis plus de quarante ans dans ces contrées,
ainsi que le supérieur du couvent des Carmes , dont nous
avons déjà parlé, ne l’évaluent qu’à quatre-virtgt mille; savoir :
cinquante mille Arabes, vingt-cinq mille T urcs, y compris les janissaires
et la garde du pacha ; environ mille Curdes, -quinze cents
Chrétiens, Caldéens ou Arméniens, et deux mille cinq cents Juifs.
On assure que , depuis que Soliman est pacha de Bagdad, la
population s’est accrue de trente à quarante mille habitans, dont
douze ou quinze mille Persans , qui ont lui les troubles et les guerres
civiles auxquels est livrée leur patrie depuis plus d’un demi-
siècle. Il s’y est aussi établi beaucoup de Juifs et d’Arméniens pour
le commerce de la Turquie et de l ’Inde, commerce que le pacha
favorise autant qu’il est en son pouvoir, ainsi que nous le dirons
ailleurs.
Cette v ille , qui fut pendant long-tems le siège des califes, le
chef-lieu d’un grand Empire, le centre de l’islamisme, le rendez-
vous des savans et des poètes arabes et persans, ne pouvait manquer
de conserver quelques restes de cette urbanité, de ce go û t,
de ce penchant aux plaisirs qui distinguent les capitales. Nous
avons cru remarquer que le peuple de Bagdad est plus doux , les
grands plus instruits, plus polis ; les’ négocians plus actifs, plus
vigilans que ceux des autres villes de l’Empire. Le fanatisme religieux
y est moins intolérant ; la jalousie elle-même est moins
farouche, moins cruelle. Les femmes, il est vra i, sont enfermées
dans leur harem, comme dans les autres villes ; elles restent séparées
des hommes , et sont entièrement voilées lorsqu’elles sortent.
Mais elles jouissent parmi elles de plus de liberté ; elles se visitent
plus souvent 9 se donnent plus fréquemment des fetes ; elles se
livrent aux plaisirs de la musique et de la danse avec plus d epan-
cliement.
Les femmes cjui appartiennent a la classe ricbe sont en général
fott belles, et ont une très-bonne tournure , parce que la plupart
d’entre elles sont des esclaves géorgiennes, circassiennes et min-
gréliennes, achetées à un très-haut prix. Elles ne manquent ni d esprit
ni d’une sorte d’instruction ; elles jasent fort bien , et parlent
avec beaucoup d’élégance : leur langue ordinaire est le turc et
l’arabe.
Celles du peuple ne se voilent dans les rues que pour la forme ,
et souvent s’en dispensent ; elles sont plus maigres que grasses ,
ont la taille bien faite, la tête ovale , le nez bien saillant, souvent
éfilé ; les traits réguliers, les yeux grands et noirs, le teint fort
brun. Leur figure, ordinairement assez jo lie , est un peu altérée
par le noir qu’elles mettent sur les sourcils et le tour des y eu x ,
ét encore plus par la couleur bleue qu’elles donnent aux lèvres par
les mêmes procédés, qui sont usités des marins sur toutes les côtes
de la Méditerranée. Elles portent un anneau d’or à l’une des narines,
sont peu vêtues, n’ont souvent qu’une simple chemise bleue
sur le corps, un mouchoir autour de la tête, et vont toujours à
pieds nus. Elles ne parlent que l ’arabe.
Les riches font usage des plus belles étoffes de l’Inde. Dans leur
plus grande parure, elles sont coiffées d’un bonnet fort grand ,
fort élevé , plat et circulaire en devant, un peu incliné en arrière,
surmonté de mouchoirs de mousseline peinte, brodée en or ou en
argent : il èst orné quelquefois de diamans ou autres pierres précieuses.
Dans la parure ordinaire, elles ont un grand bonnet noîC,
de velours, qui pend en arrière, et qui est terminé par une houpe
en soie ou en or : si la houpe est en o r , les coutures sont couvertes
d’un galon. Ce bonnet est fixé à la tête par un schal de Cachemire.
( P L 27. ) ' ■
Les cheveux sont disposés en plusieurs tresses pendantes ; ils
sont coupés au devant de la tê te, et tombent jusqu’au bas du front.