V O Y A G É È N Ê G Y P T E .
Le bubale (t), l’algazel (2) et le pasan (3) ne sè montrent presque
jamais aux ënvirôiis d’A lexandrie : on ne les voit que dans là
haute Égypté ét dàiïs Î’iiitérieur de l ’Afrique.
Le porc-épic n’est pas non plus fréquent : la gerboisè au contraire
y est très-commune ; elle habite les déserts et les lieux qui né
Sont point exposés aux inondations dû N il; elle se creuse un terrier
assez profond, dans lequel elle pratique diverses galeries 5 elle sé
fnénagë plusieurs isSues et Vit en société : comme elle ne se nOufrit
que de végé tau x, elle fait beaucoup de tort aux ctdtures qui sont
établies autour de son habitation. Ge petit animal multiplie considérablement
: la femelle a trois ou quatre portées par an , et met
bas chaque fois cinq ou six petits.
La gerboise, regardée par les Anciens et par les Modernes comme
nu animal bipède, mérite de fixer un instant l’attention du naturaliste.
Il est important de détruire une erreur commise par des
voyageurs infiniment estimables, et propagée par dés auteurs dont
l ’Opiniotl est d’un très-grand poids en histoire naturelle.
La démarche de la gerboise diffère sans doute de Celle des autres
quadrupèdes; mais il n’est pas exact de dire qü’elle ne marche que
par lë moyen des pieds de derrière, ët qu’elle n’avance qu’en sautant
sur eu x , comme la plupart des oiseàüx. Je les ai vues très-
fréquemment auprès de leurs terriers, en hiver, aux environs
d’Alexandrie ; je les ai souvent tirées de ttès-près, étant à la chasse ;.
je me suis même tapi quelquefois derrière des décombres pour être
plus à portée de les observet. Lorsqu’e l le n’étaient point effrayées,
souvent assises dans Une position presque verticale, et appuyées sur
leurs métatarses, elles faisaient un petit saut sans toucher à terre
des pieds de devant : les jambes postérieures restaient à demi-
ployées ; le Corps était un peu incliné pendant le sau t, et les ger-
feoisës reprenaient aussitôt leur première position : elles avançaient
(1) Antilope bubalis-
(2) Antilope gazêlla.
(3) Antilope oryæ.
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peu , s’arrêtaient à chaque pas, portaient de tems en tems à leur
bouche un brin d’herbe qu’elles mangeaient.
Je les ai vues sortir de leur terrier et y rentrer , marchant lentement
à quatre pattes, les jambes postérieures presque entièrement
ployées : elles avançaient par intervalles ; les pieds de devant fai-
saient quelques pas avant que le train de derrière fût attiré à
eux.
Mais lorsqu’elles sont surprises à quelque distance de leur terr
ie r , la frayeur leur fait accélérer la marche : elles s’élancent à
un mètre de distance et même davantage, ne louchent à terre qu’un
instant des quatre pieds, se relèvent aussitôt, et s’élancent de nouveau
avec la plus grande'prestesse et sans interruption.
Ce mouvement continuel donne à la gerboise une démarché très-
singulière, et la lait paraître presque toujours en l’air dans une
position oblique ; c’est ce qui sans doute aura trompé les vo yageurs,
et leur aura fait croire que cet animal ne louchait à terre
que des pieds de derrière.
Dans sa marche précipitée , la gerboise ne suit pas une ligne
droite; elle saute et bondit tantôt d’un cô té , tantôt d’un antre,
cherchant à se sauver dans le premier terrier qu’elle rencontre. Il
paraît que la queue , longue, aplatie et latéralement veine à l’extrémité,
agit d’abord comme levier, ou sert de point d’appui > ainsi
que l’ont observé Schaw et Pallas , et contribue beaucoup à faire
élancer la gerboise lorsqu’elle est à terre : elle agit ensuite comme
gouvernail lorsque l ’animal est en l ’a i r , et occasionne ce mouvement
irrégulier ou cette démarche en zigzag, qui lui donne le moyen
d’échapper aux chacals, aux oiseaux de proie et aux serpens, qui
lui font une guerre continuelle.
La gerboise n’est pas un animal nocturne, ainsi que quelques auteurs
l’ont avancé, puisqu’elle sort très-fréquemment de son terrier
pendant l’h iver, à toutes les heures de la journée, comme elle y
rentre , en ét é, lorsque la chaleur se lait trop vivement sentir,
Pallas a observé que cette espèce s’engourdit, ainsi que les autres,
au sud de la Sibérie , où il a eu occasion de la voir; mais en Syrie,
en Arabie, en Egypte, où la température est beaucoup plus douce,
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