pendant sept mois un siège opiniâtre contre l ’armée d’Alexandre ;
et qu’elle p u t, malgré ses pertes, en soutenir un autre, dix-neuf
ans après, contre Antigone ; car alors T y r du continent n’existait
plus, et la ville était entièrement renfermée dans l’espace que nous
venons d’indiquer.
On dira sans doute qu’une ville où tous les hommes cori courent
également à sa défense, est capable, avec une population bornée,
de résister à des armées nombreuses si elle est en outre forte par
sa position et par des ouvrages conçus et exécutés avec intelligence.
Mais aussi le rang que T y r occupait parmi les villes les plus
florissantes de l’Orient, les nombreuses colonies qu’elle avait envoyées
sur presque tous les points de la Méditerranée et jusqu’au-
delà des colonnes d’Hercule; un commerce très-éténdu, une industrie
très-active, la mer couverte de ses navires, tout-ne semble-t-il
pas prouver que T y r , bâtie sur l’île ou sur la presqu’île que nous
voyons , a d û , relativement à son étendue , être extrêmement
peuplée ; ses rues ont dû être fort étroites, et ses maisons fort hautes
: et en effet, au rapport de Strabon, les maisons de T y r avaient
plusieurs étages, et étaient beaucoup plus élevées que celles de
Rome.
Mais ce qui doit nous surprendre le plus, c’est le peu d’étendue
du port ; c’est de voir un bassin qui n’avait pas au-delà de cent cinquante
pas de diamètre, et qui a pu contenir une marine capable
de rendre presque tous les peuples civilisés de la T e r re , tributaires
de l ’active industrie des Tyriens. Ce port est beaucoup plus petit
que celui de Sidon : il est situé sur la face nord-est de la presqu’île.
C’est un bassin presque circulaire que la Nature forma, et auquel
l ’art n’eut presque rien à ajouter. L ’entrée était resserrée, et défendue
par deux tours dont on voit encore les restes. Elles étaient
jointes à la terre par un mur que les vagues ont détruit en partie,
et qui faisait ensuite le tour de l ’île. Indépendamment de ce mur
extérieur qui défendait l ’entrée du p o rt, il y en avait un second
qui le séparait de la v ille , et qui devait permettre aux habitans de
résister à des ennemis qui auraient pu s’en emparer.
L a première idée qui se présente en mesurant le port de T y r ,
c ’est qu’il y en avait peut-être un autre beaucoup plus yaste, que
l’on est porté à placer au bras de mer qui séparait l ’île du continent
; oar on a bien de la peine à concevoir comment les Tyriens ,
avec un bassin de cent cinquante pas de diamètre, ont pu couvrir
les mers de leurs vaisseaux, et s’emparer de presque tout le commerce
de la Méditerranée. Mais si l ’on réfléchit qu’une partie des
navires de T y r était sans cesse en mer ou dans les ports étrangers,
occupée au cabotage ou à des voyages réglés , et une autre rangée
sur le rivage, pour n ’être mise.à flot que quand les circonstances
l ’exigeaient, on se persuadera facilement qu’un peuple actif et
industrieux a pu, avec des moyens très-bornés en apparence, exécuter
les grandes choses que l’Histoire nous a transmises à son
égard.
On pourrait conjecturer que les Tyriens avaient leur port entre
l ’île et le continent lorsque leur ville était située en terre-ferme:
mais lorsqu’elle eut été détruite par Nabuchodonosor, lorsque les
Tyriens se furent tous déterminés à passer dans l ’île , comme dans
un lieu de sûreté, ils durent se servir de l ’excellent port que cette
île leur offrait,-et abandonner l’autre , qui se trouvait exposé aux
dangers qu’ils voulaient dorénavant éviter ; car si les T yriens, à
l’arrivée d’Alexandre, avaient eu leur port dans le bras de mer,
consëquemment à portée de la terre-ferme , il eût été attaqué sur
le champ par ce conquérant; il eût même été comblé par la chaussée
qu’il y fit élever. Nous lisons cependant dans les historiens, que
les habitans de T y r furent maîtres de leur port tant que dura le
siège, et qu’ils inquiétèrent souvent, avec leurs navires, les ouvriers
qui travaillaient à combler le bras de mer.
L attaque qu’Alexandre fit exécuter, après sept mois de siège,
contre les murs de là ville au moyen de la chaussée , et contre le
port au moyen de la flotte qu’il venait de recevoir de Chypre; les
divers combats qui eurent lieu à l’entrée du port ; l ’impossibilité
d’y pénétrer, malgré les avantages que la flotte des Macédoniens
avait obtenus sur celle des T y riens; la difficulté qu’il y eut de le
forcer après que tous les navires de ces derniers eurent été pris ou
coulés, tout prouve qu’à l’arrivée d’Alexandre, le port des Tyriens