Le territoire de Barut est agréable et fertile : il forme une plaine
triangulaire de près de deux lieues d’étendue, traversée vers sa
partie orientale par une petite rivière qui vient du mont L ib an ,
et qui va se jeter dans la rad e, à deux ou trois milles de la ville.
Cette plaine est assez bien cultivée et presque toute arrosée. On y
voit beaucoup de mûriers nains, des vignes, des champs de coton,
des terres ensemencées, et presque tous les légumes d’Europe. Les
jardins qui sont autour de la ville sont plantés de figuiers, d’abricotiers,
de grenadiers, d’orangers et de cédrats, parmi lesquels on
voit quelques-bananiers. La plupart de ces jardins sont clos avec la
raquete ou figuier-d’inde ( cactus opuntium ) , dont le fruit se vend
dans les bazards pendant tout l ’été.
On ne fait plus de vin à Barut : celui qu’on y apporte pour les
Maronites, les Grecs et les Européens , est fait sur les montagnes
des environs. On sait que, parmi les vins de la Phénicie, les plus
renommés étaient ceux de Tripoli, de B iblos, de B éryte, de Sàrepta
et de T y r . Ils étaient forts et généreux : on y mêlait quelquefois
des parfums et des berbes odoriférantes. On y mettait aussi des
pommes de pin , comme on fait encore aujourd’hui en Chypre , à
Athènes et dans presque toute la Grè c e , et c’est la raison pour
laquelle Bacchus est quelquefois représenté tenant à la main une
pomme de pin. A, __.1,
A trois ou quatre milles de la ville , au sud, on trouve une petite
forêt de très-beaux pins à pignons (pinus sativa ) , plantés, dit-on,
par 1 émir Fakr-el-Din , dans la vue de rendre encore plus salubre
1 air de Jhirut. Dgezar, pacha, en a fa it abattre dernièrement une
grande partie, qu’il a employée aux constructions de son palais. if,
Les objets d’histoire naturelle que Barut et ses environs offrent
à la curiosité du vo yageur, dans les trois règnes de la Nature, sont
abondans et varies ; mais, pour la plupart d’entre eux , la saison
était passée : à peine restait-il quelques graines que nous récoltâmes
avec soin et que nous fîmes passer au jardin national des
plantes, ainsi qu’à nos amis Cels et Lhéritier. Les pluies d'automne
n étaient point encore venues humecter ce sol brûlé par le soleil,
et ranimer la végétation ; cependant noua vîmes en fleur la scylle
automnale et une petite espèce de jacinthe, dont nous donnerons
ailleurs la description et la figure. Nous prîmes dans les jardins
deux papillons inconnus , dont la chenille vit probablement sur
quelque plante Cultivée. Le premier, que, je nomme Augusta
( P l. 33, fig. 3 , A , B ) , a les ailes supérieures blanches, tant en
dessus qu’en dessous, avec l ’extrémité et le bord antérieur n o ir ,
et une tache arquée, noire vers le milieu, qui se réunit à ce bord.
Le noir de l’extrémité est quelquefois marqué de six taches blanches
^-celles de dessous sont plus constantes et d’un blanc jaune.
Les ailes inférieures sont blanches en dessus ; l ’extrémité seule est
noire, et marquée quelquefois de cinq taches blanches, rondes,
Ces taches se montrent plus constamment en dessous, et sont d’un
blanc-jaune. Le reste de l’aile en dessous est n o ir , et marqué de
plusieurs taches jaunes et blanches (1).
Le second , que je nomme Fausta (P l. 33,Jig. 4 , A , B ) , est
jaune en dessus, et d’un jaune grisâtre en dessous. On remarque
sur les ailes supérieures un point n oir, placé vers le milieu, et deux
bandes noires vers l’extrémité, qui paraissent se réunir par les nervures
de l’aile. On apperçoit sur cette même extrémité une suite
de taches jaunes. Le point noir se montre en dessous, poudré de
jaune : on voit aux deux ailes une bande peu marquée, obscure
(2).
Nous ferons encore mention de deux coquilles fort singulières
et fort abondantes, qn’on trouve dans les jardins, et qui se nourrissent
indistinctement de toutes les plantes qu’on y cultive. La
première appartient au genre Helice ( P l . 3i , Jig. 4 , A , B ) : elle
est blanche, et paraît comme cariée et usée. Son ombilic est fort
grand et fort profond (3).
(1) Papilio D. C. augusta, alls anticis albis, maculd arcuatd apiceque nigris,
posticis subtus nigris, albo Jlavoque maculatis. Tab. 3 3 , fig. 3 , A , B.
(2) Pap. D . C. fausta, alis f t avis , anticis puncto fasciisque duabus posticis
nigris j secunda terminalijlavo punctata. Tab. 33 , fig. 4 , -A., B.
(3) H elix cariosa , tota alba , minufim crispato-rugellosa , cxtanti-carinata :
umbilico abrupto , profundo. Tab. 3 i , fig. A , B,