Laseule autre Pùissance ( l ’Angleterre) que cette entreprise devait
tenter, semblait, malgré son ambition démesurée et l’excessive cupidité
de son gouvernement, avoir renoncé au projet qu’elle avait
autrefois conçu, d’ajbuter ce nouveau fleuron à la> couronne de son
ro i. Elle ne pouvait ignorer que si, par une sorte de tolérance assez
ïinpolitique , l’Europe semblait lui abandonner la domination de
l’Océan, celle de la Méditerranée n’obtiendrait pas la même condescendance
j qu’une invasion de l ’Egypte finirait par manifester trop
évidemment ses prétentions à l’envahissement de tout le commerce
duMonde, par exciter le plus universel et le plus juste soulèvement,
par l’exposer à perdre, avec le sceptre des mers, la cle f de ses possessions
lointaines.
Après avoir été forcée de prendre les armes pour défendre ses
foyers et assurer son indépendance , la France pouvait entrevoir
la fin d’une guerre qui n’avait d’autre but que la continuation de
Ses succès , et qui pesait sur tous ses ennemis, beaucoup plus que
Sur elle-même. Il lui fallait mettre un terme aux progrès de sa gloire
militaire et au malheur des nations. La facile conquête de l’Egypte
devait se présenter devant e lle , pour donner à ses guerriers une
honorable distraction et une récompense digne d’eux ; pour offrir
à l’Europe une garantie de Ses intentions pacifiques, et un gage de
sa loyauté constante ; pour satisfaire des griefs trop justement fondés
, et seconder l ’essor de ses principes libérateurs ; pour rendre
à la balance du commerce son équilibré naturel, et empêcher que
le continent européen ne fût plus long-tems à la; merci d’une île
marchande.
La conduite paisible de la vie civile est ordinairement péta compatible
avec l’agitation de la vie guerrière , et on pouvait évaluer
au moins à un dixième le nombre de nos soldats qui préféreraient
lés hasards glorieux des combats à l’obscure retraite de leurs familles.
Loin de contrarier ces dispositions, il fallait plutôt chercher
à'les mettre à profit : il eût été aussi fâclieux de ne les avoir pas
prévues, qüe de les laisser inutiles et sans- emploi. A in s i, de la
position o à devait sè trouver la République à l'époque de la pa ix,
semblait résulter la nécessité d’employer à des conquêtes éloignées
ou à des établissemens coloniaux un certain nombre de citoyens
q u i, sans cette prévoyance, pouvaient devenir dangereux à son
repos intérieur ou à celui de J’Europe. Cette vérité avait déjà été
sentie : depuis quelque tems le Gouvernement avait accueilli des
notions suffisantes sur l’île de Madagascar et sur la Guiane, pour
les appliquer à la formatiou de nouveaux établissemens dans ces
¡contrées. ,
Nous rappellerons ipi, sans prétendre émettre aucune opinion à
ce sujet, que le décret qui avait rendu la liberté ajjx Nègres, avait
dû changer nos relations à l ’égard de nos colonies ; que celles dont
les cultures ne se faisaient que par les bras des Nègres, ne devaient
plus avoir le même intérêt à nous offrir ; que pour être conséquens
il nous fallait penser à établir les mêmes cultures par les br^s de
nos concitoyens ; qu’enfin, accorder à nos braves militaires une
retraite et des propriétés dans l ’Égypte qu’ils auraient cultivée
après 1 avoir conquise, et qu’ils auraient été doublement intéressés
à conserver, c était remplir un acte de justice, de prudence et de
politique, également applicable à nos principes, à nos besoins et
à notre situation.
Il doit etre suffisamment prouvé q u e , dans cette opération, les
hommes ne manqueraient pa s, et que la République pouvait y en
destiner, sans se nuire, au-delà de ce qui serait nécessaire, Les
frais d embarquement et d’avitaillement seraient seuls à sa charge,
Car le pays devait fournir à la subsistance , et les impositions,
portées à un taux moderé, devaient bientôt couvrir les dépenses
que fo conquête et l ’établissement de nos troupes auraient
exigées.
Sans doute l’Angleterre, prévoyant les suites d’une semblable
entreprise, ne devait rien négliger de ce qui serait en son pouvoir
pour la faire avorter , et il fallait nous attendre à tous les moyens
à attaque dont sa politique astucieuse, corruptivo et implacable
pourrait faire usage. Mais notre position respective nous permets
tait-elle d user de quelque ménagement à son égard? N os inimitiés,
cimentées par tant d’hostilités de la part de son gouvernement,
tae semblaient-elles pas devoir durer autant que notre existence
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