cuivre de la Perse et de l’Arménie ; le fe r , le plomb et l'étaîn de
l’Europe j le corail de la Sardaigne ; l’ivoire et l ’ébène de l’Afrique
; les parfums de l’Arabie ; les résines, les bois durs et les pierres
précieuses de l ’Inde ; les étoffes de soie et de coton de l’Orient :
1 Arabie leur envoyait des chevaux ; l’Ibérie leur fournissait des
esclaves; l’Égypte et la Mésopotamie, des grains et des cordages ;
le Liban, de l’huile, du vin, et le bois nécessaire à l’entretien de
leur marine.
Ce commerce était sans doute très-considérabie et très-productif
lorsqueTyr, Carthage, Alexandrie, Cadix et Marseille n’existaient
pas, et que la Grèce était en quelque sorte encore sauvage; il embrassait,
comme on voit, à cette époque môme, l’occident de l’Asie
et les côtes de l’Indostan, le nord et l’orient de l’Afrique, la partie
méridionale et occidentale de l’Europe ; tous les pays, en un mot,
situés sur la Caspienne et le Pont-Eexin. Mais les échanges étaient-
ils pour cela aussi multipliés , aussi rapides qu’ils le sont de nos
jours ? Les besoins des peuples étaient-ils aussi grands, aussi variés ?
les consommations aussi fortes ? Non sans doute. Les échanges devaient
être fort lents, parce que les voyages étaient très-longs ; ils
étaient peu nombreux, parce qu’on avait peu de superflu et qu’on
possédait fort peu d’argent : les besoins étaient bornés, parce que
les moeurs étaient simples et la vie frugale. Les consommations
devaient se réduire aux objets d’une absolue nécessité, tels que
les métaux, quelques drogues, quelques étoffés, et les substances
alimentaires- les plus communes. Un peuple ne recherche les superfluités,
les-objets de luxe que lorsqu’il est parvenu à un état d’opulence
qui suppose une civilisation avancée, une industrie très-active>
la culture des arts libéraux, des sciences et des lettres. On sait que
cet état de ciyilisatkm n’existait chez, aucune nation à cette époque.
Le commerce n’était donc pas si étendu que celui des peuples modernes.
On jugeait de son importance par les bénéfices qu’il donnait,
plutôt que par le nombre des vaisseaux qu’il employait, et
par la force et la portée de ces mêmes vaisseaux. Il excitait la
jalousie des peuples voisins, parce que rien de plus grand et de plus,
optdent ne s’offrait à leurs yeux.
Que l’on compare le commerce des Anciens j borné dans ses limites
, avec celui qui se fait à présent et qui embrasse le Monde
entier. Alors le continent de l’Amérique n’était pas connu : on
n’avait pas pénétré dans la plupart des îles de l’Océan Indien ; l’intérieur
de l’Europe était plongé dans la barbarie ; les communications
y étaient lentes , embarrassées par mille entraves , ou nulles
par le défaut de routes et par la manière de vivre de presque tous
les peuples qui en faisaient partie.
Les marchandises qui venaient par des caravanes de l’intérieur
de l’A sie, de toute l’Arabie et du nord de l’Afrique, étaient sans
doute plus nombreuses, parce que l’Orient était plus civilisé qu’il
ne l’est aujourd’hui, parce que les contrées situées à l’est et au sud
de la Méditerranée étaient plus peuplées et plus riches ; mais le
commerce maritime n’était pas pour cela aussi étendu qu’il a dû le
devenir lorsque l’Europe est parvenue à un degré éminent d’instruction
et d’opulence ; lorsque la boussole a guidé les navigateurs,
et leur a permis de parcourir avec célérité tous les points du
vaste Océan; lorsque tous les peuples de la Terre ont communiqué
et correspondu entre eux, et ont pu échangér, sans interruption,
les objets de leurs arts ou les productions de leur sol.
Après la découverte de la boussole, les navires des Européens
ont acquis peu à peu une grandeur telle, qu’aucun port des Anciens
ne peut les contenir. Huit ou dix pieds d’eau suffisaient à
ceux-ci : il en faut vingt pour recevoir nos vaisseaux marchands,
et une trentaine pour nos plus gros vaisseaux de guerre : d’où il
est résulté que presque tous les ports des Anciens ont été successivement
abandonnés , et que nous nous servons aujourd’hui de
la plupart des rades dans l’intérieur desquelles ils avaient été obligés
de construire des bassins, qui seuls convenaient à leur faible
marine.
Il est bien vrai que les historiens font mention de quelques vaisseaux
d’une énorme grosseur, ayant quinze, vingt, trente et même
quarante rangs de rames (1), portant deux ou trois mille soldats
( î)L e ro i, dans son Mémoire sur la marine des Anciens, pense que le quarantième