blancs, (jui ont le goût et l’apparence d’une pâte d’amande fort
sucrée, ou d’un mélange de très-beau miel avec la pâte de sésame :
c’est ce que nous ayons cru la première fois que nous l’avons
goûtée. Cette manne, excellente à manger, point du tout purgativ
e , se recueille au-Curdistan et au nord de la Perse. On la
nomme guiésen-guébin : elle arrive mélangée avec les feuilles d’un
arbre ou arbrisseau que nous n’avons pu reconnaître, tellement
elles sont brisées. Nous avons interrogé en vain les marchands
qui ont parcouru ces montagnes : les uns nous ont dit qu’on
recueillait cette substance, avant le lever du sole il, sur un grand
arbre ; les autres nous indiquaient un arbuste tel que celui qui
fournit l’adragant ; mais le plus grand nombre nous désignait un
arbre de moyenne grandeur, ou un grand arbrisseau ressemblant
un peu au chêne. Strabon (1 ), Diodore de Sicile (2) et Quinte-
Curce (3) en ont parlé : c’était, selon eu x , une sorte de miel qui
se formait, en Hyrcanie, sur les feuilles d un arbre, et qu il fallait
cueillir avant le lever du soleil. Au reste, cette manne est très-distincte
de celle fournie par l’alagi ( hedisarum a lh a g i), dont nous
aurons occasion de parler ailleurs. Nous avons des échantillons de
l’une et de l’autre.
Les jardins de Mossul offrent des limons doux, des cédrats, des
pistachiers, des figuiers , des grenadiers , des pêchers, des abricotiers
, des pruniers et quelques autres arbres fruitiers d’Europe.
Les terres des environs produisent des grains et du coton en abondance
: on y élève beaucoup de troupeaux ; mais on y fait très-peu
de v in , et l’on n’y connaît presque pas le mûrier., quoique la vigne
s’y plaise singulièrement et que le mûrier y devienne un grand
arbre. C’est le Curdistan, et surtout Amadie, qui fournit aux marchés
de Mossul les meilleurs raisins qu’on y voit. .Le Curdistan
~ Ü — —
(1) Lib. 2, paig. 73, ed.it. Almenhoven.
(2) Tom! 2, pag. 218, édit. Wesseling.
(3) Frequens arborfacièm quercûs habet, cujus folia multò melle teguntiir; sed
Aisi iolisortum incólte occupaverlnt, vel modico tempore succus e x tingi tur. Quint.
Curt. lib. 6. cap. 14 ■'
fournit
fournit beaucoup de raisins secs , dont les Musulmans se servent
pour faire leur sorbet, et dont les Chrétiens retirent, par la fermentation
et la distillation , une eau-de-vie excellente. Il fournit
aussi du tabac à. fumer,, inférieuivà celui de Latakie.
Pendant notre séjour à Mossul, nous avons souvent entendu les
marchands et les gens du peuple parler du pacha avec éloges, le
louer.de sa bonne administration, de la police qu’il a établie dans
toute sa province ; nous les avons vu admirer son désintéressement
et celui de ses officiers, être très-satisfaits de la tranquillité
qui règne partout, et de la protection accordée au commerce; nous
avons été témoins de l’abondance des vivres qui sont apportés au
marché ; nous avons été surpris de leur bas prix et de leur bonne
qualité. En e ffe t, le pacha fait tout ce qui dépend de lui pour que
les Jésides du Senjaar, les Curdes, les Caldéens et les Arméniens
du Curdistan, et les Arabes de la Mésopotamie, apportent à la ville
les productions de leur territoire : il empêche qu’on n’exerce à
leur égard aucun acte de tyrannie, qu’on ne commette aucune sorte
d’injustice : il a modéré les droits d’entrée sur les comestibles; il
veille à ce que des douaniers accordent des facilités aux négocians,
et surtout qu’ils ne surexigent pas les droits par une trop forte évaluation
des marchandises. Sa garde est plus occupée à maintenir
l’ordre,, à protéger les faibles, à contenir les grands, qu’à donner
à l’autorité un éclat dont elle n’a pas besoin. .
Cette conduite, aussi sage que politique, a produit tout l ’effet
que le pacha devait - en attendre. Mossul, èxposé autrefois, plus
qu’aucune autre ville de l’Empire, à des troubles , à des séditions,
à des guerres intestines, provenans encore moins de son grand
éloignement de la capitale, que de la diversité de moeurs et de religion
des peuples qui l ’habitent ou la fréquentent, a vu tout à coup
cesser ces troubles et le bon ordre se rétablir. Dans les guerres qui
ont eu lieu quelquefois entre les Curdes et les Arabes , la ville de
Mossul a été respectée ; le pacha même est devenu le médiateur de
leurs querelles. Dans les disputes théologiques entre les Nestoriens
et les Jacobites, le sang n’a point coulé : on s’est contenté de beaucoup,
crier sans s’entendre, et de se haïr sans se faire du mal,
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