rempart des nouvelles créatures qu’il achète. Ceux même qui l’ont
le plus aidé ou favorisé, qui sont les premiers instrumens de sa
conquête, deviennent bientôt les victimes de sa jalousie. S i, pour
«a sûreté personnelle, il croit devoir ménager ses nouveaux sujets,
ce ménagement consiste moins à améliorer leur so r t, qu’à ne pas
permettre qu’ils soient entièrement dépouillés pu livrés à toute la
rapacité des spoliateurs subalternes.
Mais bientôt son successeur, oubliant les services rendus, ou
redoutant tout crédit ou toute réputation qui peut lui devenir fu neste
; voulant surtout attirer à lui seul les richesses et le pouvoir,
se livre à tous 'les crimes qu’il se persuade devoir lui être utiles. A
son exemple, le plus mince officier devient un tyran d’autant plus
dangereux, que , pressé par le désir de s’enrichir, et enhardi par
l’impunité sur laquelle il compte, tout moyen de se procurer de
l ’or lui paraît bon ; et si tous ces tyrans ne se faisaient entre eux
la guerre comme des animaux carnassiers acharnés à la même
proie , le peuple n’aurait jamais un moment de repos; il ne pourrait
jouir un seul instant de sa propriété, ni être assuré pour quelques
jours de son existence.
A commencer par le c h e f , dont le rè gn e , abrégé par l’abdication
forcé e, la déposition ignominieuse ou la mort vio lente, ne
s’étend guère au-delà de quelques années, de quelques mois, de
quelques jou r s, une chaîne non interrompue de tyrans et de sous-
tyrans se prolonge, se ramifie jusqu’à ce qu’elle soit brisée tout à
coup pour être aussitôt reproduite par un nouvel usurpateur, dont
le triomphe est moins son ouvrage que celui de la faiblesse, de la
corruption et du mécontentement. _
T e l est le résumé historique de l ’Égypte depuis qu’elle est devenue
la proie de l’étranger, depuis surtout qu’elle est tombée au
pouvoir de ses derniers conquérans.
Tin nous bornant au règne des califes et des soudans qui composent
ses dernières dynasties , quelle succession de gouvernans dégradés
par tous les crimes, de là tyrannie, ou par tous les vices de
l ’esclavage !
On n ’ignore pas que les premiers Musulmans qui ont gouverné
C H A P I T R E IX . i,o3
l ’Égypte, n’étaient que les viee-rois des califes, d’abord Rachidins,
puis des Ommiades de Syrie, et ensuite des Abassides d’Iraque.
En 868 Thouloun, envoyé par le calife Motar-Billah, secoue
l ’autorité supérieure, se fait proclamer roi sans devenir plus digne
de régner (1),
L ’Égypte rentre sous la domination des califes abassides, vers la
fin de l’an 904 jusqu’en p33. Alors Akhchidi s’en rend maître par
la force des armes, sous le califat de Rhad y , qui lui en envoie l ’investiture
deux ans après. Parmi les Ahhcbidites on trouve Kiafour,
eunuque , éthiopien de nation , acheté dix-huit dinars, dont plusieurs
auteurs arabes ont fait l ’élog e,, mais dont le règne a trop peu
de durée pour laisser quelques traces dignes d’être remarquées.
Mo ez, successeur d’AImansour son pèrè au trône d’Afrique, est
le premier des Obéidites-Fàtimites qui règne en Egypte. Appelé par
un parti de mécontens, il envoie son visir, qui en prend possession
au nom de son maître ; et voulant surpasser en magnificence les
califes de Bagdad , il; jette , en 968 (2), les premiers fondemens de
' l a ville du Caire , et du palais des califes, connu sorus le nom de
Khasréin. C’est dans la dynastie des Obéidites-Fàtimites que Ton
trouve ce prince qui, nouveau N é ron , se fait un divertissement de
mettre le feu au C a ire , et d’incendier plus d’un tiers de la ville (3).
A u x Fatimites succédèrent les Johites Curdes. Salaheddin , plu#
connu, parmi nous sous te nom de Sala d in , d’abord officier de N o-
raddin, Soudan de la Syrie, puis visir d’Égypte, s’empara du trône
(1) Ahmed-Iby-Thouloun régna seize ans et deux mois. J1 mourut en Tait de
l’hégire 270 • de Jésus-Christ 88'3. H fut enterré près de' la porte du Caire , nommée,
aujourd’hui Babel-Karéfé. Il laissa-, suivant les historiens arabes-, dix millions d#
dinars, sept mille chevaux,. sept mille esclaves et trente-trois enfans. I l bâtit te
château du Caire qu’il habita, et qu’ il nomma Katta : la ville n’existait pas encore.
Le revenu de l’Egypte était alors de quatre millions de dinars. On fait montas
à dix-huit millions le nombre de personnes qu’il fit périr par les supplices ou dans
les prisons.
(2)’ Elle fut bâtie, suivant les historiens arabes, en Tannée 358 de l’hégire. '
(3) Ce fut Hakein-IJéernzii lah-Abou-Ali-Almansour ; il fut assassiné par sa soeur,
l’ an de l’hégire- 4 t 1 , après un- règne de vingt-cinq ans.