graviers. Le sablé qu’on y vo it, n’est qu’un sable très-fin, semblable
à celui que les vents de sud et de sud-ouest amènent de la Libye.
On sait que depuis les confins de la Nubie jusqu’au Caire, le Nil
coule dans une vallée étroite, peu élevée au dessus du niveau de
la mer. Parvenue aux environs de la capitale, cette vallée disparaît,
et fait place à une vaste plaine, bornée au midi par le Mo-
katan, à 1 orient par le Casius, et à l ’occident par le coteau liby-
que. Cet espace que les eaux du fleuve pourraient entièrement
arroser et fertiliser, n’offre qu’une terre uniforme, d’un jaune
brun lorsqu’elle est sèche, d’un brun noirâtre lorsqu’elle est humide
j une terre d’alluvion contenant les productions du N il, tandis
que les lieux élevés qui l’entourent, sont d’une roche tendre,
coquillère, évidemment formée sous les eaux de la mer.
Lorsque Herodote arriva en E gypte, quatre cents ans avantl’ère
chrétienne, les pretres de Memphis lui dirent que l ’Egypte infë-
rieure était une terre acquise^ un présent du fleuve. Ils ajoutèrent
que, sous Ménés leur premier ro i, tout ce pays, à l ’exception du
Nome thebaïque, n était qu un marais. Alors le Nome arsinoë ou
le Fayoum était presque tout sous les eaux ; alors le Delta et toutes
les terres qu’on voit aujourd’hui depuis le Caire jusqu’à la mer,
n ’existaient pas encore ou ne se montraient, comme des îles, que
dans des espaces très-circonscrits.
Ménés fonda Memphis au milieu de ces marais, creusa un canal
à cent stades au sud pour changer le cours du N il, qui coulait près
du coteau libyque ; éleva une digue qui devait mettre cette ville
à l ’abri des inondations, fit passer le fleuve à l’orient, à une distance
à peu près égale des deux montagnes ; établit enfin deux lacs ,
1 un au nord et 1 autre à 1 ouest de Memphis, qui devaient communiquer
avec le fleuve.
Le témoignage de ces faits était consigné dans les annales que
les prêtres conservaient dans leurs temples. On y lisait le nom des
trois cent trente rois qui avaient regne depuis Ménés jusqu’à Moeris
et il y avait alors près de neuf cents ans que Moeris n’existait plus.
Hérodote fut tellement porté à adopter l ’opinion des prêtres de
Memphis, qu’il avait jugé lui-même que toute la basse Egypte, le
Fayoum , ainsi que cette longue vallée dans laquelle le Nil promène
ses eaux, étaient aussi un présent du fleuve. Il regarda donc
cette contrée comme ayant été autrefois un golfe qui partait de
la Méditerranée, et s’étendait au sud , dans une direction à peu
près parallèle à celle de la Mer-Rouge.
Aux témoignages historiques, conservés par les prêtres égyptiens
, on peut ajouter ceux que l ’inspection du sol et la nature des
terres nous indiquent. Le sol de l’Egypte cultivable T qui est le seul
que nous regardions comme formé par les dépôts du fleuve ; est
bas et uni : il a une pente à peine sensible ; et si l’on creuse à une
très-grande profondeur, on trouve partout une terre mélangée,
uniforme, onctueuse , d’un brun foncé ; partout la même que
celle que le Nil dépose aujourd’hui. Cette terre est couverte, en
quelques endroits, d’un sable fin, d’un gris jaunâtre, que les vents
amènent de la L ib y e , et qui est conséquemment étranger au sol de
l’Egypte- Le terrain élevé qui circonscrit la plaine, est sec, aride,
presque partout dénué de terre végétale, plus ou moins couvert
d’un sable fin quartzeux, d’un gris jaunâtre, au dessous duquel
on découvre une roche coquillère, assez tendre.
Cé n’est pas mon intention de rechercher l’ origine des terrains
élevés de l ’Egypte : nul doute qu’ils ont été jadis recouverts des eaux
de la mer, et qu’ils ont été formés dans son sein ; la nature de la
roche toute coquillère l’atteste suffisamment. Je ne prétends pas
non plus remonter à l’époque de leur sortie du sein de la mer :
nous n’avons aucune donnée pour cela, et nous ignorons les grandes
catastrophes qui ont eu lieu sur notre globe, dans les siècles
les plus reculés. Il est bien plus aisé d’expliquer les changemens
que le fleuve peut avoir occasionnés dans la plaine : ce qui se passe
pour ainsi dire sous nos y eu x , nous apprend ce qui s’est passé avant
nous.
Les terres que les pluies détachent des montagnes y des collines et
de tous les lieux élevés, surtout dans les pays chauds où ces pluies
tombent en abondance ; les cailloux , les graviers, les matières
végétales et animales que les torrens entraînent ; les sables et les
limons que les grands fleuves charient et amènent à la mer; le