l’homme qu’on ne pouvait conduire à l ’échafaud.-Le khasnâdar ou
trésorier du pacha, à qui celui-ci promit sa fille et les deux titres
de celui qu’on avait à punir, se chargea d’une exécution que les
lois et les moeurs européennes réprouvent, que le despotisme et
l’habitude autorisent en Turquie; et, pour être plus sûr du succès,
il s’associa ceux de la garde du pacha, qui étaient les plus dévoués
à leur maître.
C’est ainsi que périt le plus ambitieux et le plus ingrat des hommes
: on trouva chez lui plus d’un million de sequins , dont il
avait voulu faire l ’instrument de sa perfidie.
Cette mort n’eut aucune suite : ni les principaux officiers du
kiay a , ni ses meilleurs amis ne furent arrêtés : le frère même, qui
vint nous voir peu de jours après , sous prétexte d’indisposition,
ne perdit pas une place lucrative qu’il devait aux bienfaits du
pachâ.
Le lendemain de cet événement nous fûmes au sérail. Nous trouvâmes
le pacha fort tranquille et en bonne santé.-Nous lui annonçâmes
que nous étions à la veille de notre départ. Il nous offrit
alors d’épuisér pour nous ses trésors : je vous dois la v ie , nous
dit-il encore une fois ; jamais je ne pourrai assez faire pour vous
témoigner ma reconnaissance. Nous répondîmes à ces offres, que
le traitement que nous avions de notre gouvernement nous suffisait
, et que nous étions assez récompensés par la satisfaction que
nous éprouvions d ’avoir pu contribuer à conserver un homme bien
précieux à tous les gens de bien. Nous reçûmes le lendemain deux
chevaux, deux schals de Cachemire, et deux mille piastres qu’if eût
été fort indécent de refuser. Mais ce que nous appréciâmes encore
plus que ces présens, ce furent les lettres que le pacha nous fît
remettre pour le khan de Kermanchah , pour les ministres et les
principaux officiers du roi de Perse, lettres sans lesquelles il nous
eût été impossible de bien remplir notre mission.
Mais avant de quitter Bagdad et nous acheminer vers la Perse,
qu’il nous soit permis de jeter un coup-d’oeil sur la Mésopotamie ,
et faire remarquer combien elle diffère dans ses diverses parties.
Nous décrirons ensuite les environs de Bagdad, que nous n’avons
bien observés qu’à notre retour , mais que nous plaçons ici afin
de ne pas interrompre ce que nous avons à dire sur cette contrée
intéressante. Nous terminerons par un apperçû du commerce actuel
de Bagdad et de Bassora avec l’intérieur de l'Empire othoman,
l ’A rabie, la Perse et l’Inde.