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 'Course  a u x  pyram ides.  G izêh  ;  cultures  de  sa  p la in e.  
 Catacombes.  D escription  du  chèops  ou  grande p y ra mide. 
   Remarques sur  le  çhepkren  ou.  la   seconde ,   e t sur  
 le   mycérinus  ou  la   troisième,  h abitation,  d ’un  Mar  
 rabou.  D u   sp h in x. 
 V e r s   le milieu de  germinal,  le  citoyen Magallon ayant obtenu de  
 Mourad  une  lettre de  recommandation  pour  le scheik arabe ,  sur  
 les  terres  de  qui nous  devions  aller,  nous  ne  songeâmes  plus qu’a   
 nous  procurer  des  guides et  des montures,  et  faire  des  provisions  
 pour  cinq  à  six  jours ;  car  notre  dessein  était  non-seulement  de  
 nous  rendre  aux  pyramides  de  Gizéh,  mais  encore  de  parcourir  
 toute  la plaine de Sakhara,  d’entrer dans plusieurs catacombes,  et  
 de  revenir  par  le  lieu  où  l ’on  suppose,  avec  fondement,  qu’était  
 Memphis. 
 Deux  jours suffirent  pour nos préparatifs,  par  les  soins  et  l’intelligence  
 d’un  Italien  nommé  P ietro   B o sa ch i,  et  plus ordinairement  
 Coquelaure.  Cet  homme,  domicilié  depuis plusieurs  années  
 au Caire,  était une  espèce de  Cicerone ,  fort g a i,  fort  spirituel , un  
 peu  fou ,_ assez  brave,  très-hardi,  singeant  le Mameluk,  parlant  
 arabe,  donnant  de l ’argent ou menaçant  de  son  sabre,  suivant les  
 personnes  avec  qui  nous  avions  à  faire  ;  grand  p a rleur,  grand  
 menteur,  autrefois  vendeur  d’orvietan  sur des  treteaux  en  Italie,  
 actuellement  courtier,  brocanteur,  trafiquant,  artiste  et médecin,  
 honnête  homme  d’ailleurs,  et  fort  utile  aux  étrangers  ,  surtout  
 à ceux dont la bourse est bien garnie : heureusement la nôtre l’était  
 alors. 
 Coquelaure  eut bientôt  réuni  et  apprêté  cinq  ou  six  pâtés, dix  
 OU  douze  gigots  de  mouton,  quinze  ou  vingt  poules,  trente  ou 
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 quarante  pigeons  ,  plusieurs  langues  enfumées  ,  des  fruits  et  des  
 friandises  du  pays  en assez  grande quantité,  et plus  de  deux  quintaux  
 de pain. 
 Nous  croyions que  notre  caravane  se  bornerait  à  sept  ou  huit  
 maîtres,  et  autant  de domestiques, asiniers  ou  conducteurs. Nous  
 fûmes  agréablement  surpris,  en montant à cheval,  de  voir autour  
 de nous plus de  trente personnes, parmi lesquelles plusieurs  jeunes  
 gens,  fils  ou  commis  de négocians.  Il  y  avait aussi  quelques  étrangers, 
   dont on  nous  fit  avec  raison  le  plus  grand  éloge. 
 Nous  partîmes  le  i 5  germinal  après midi,  et  vînmes  coucher  à  
 Gizéh, village peu étendu, situé sur la rive occidentale du Nil. Nous  
 passâmes  la nuit dans  la maison d’un  négociant,  fort  incommodés  
 par  les puces  et les  punaises  qui  s’y   trouvaient  en  abondance,  ei  
 surtout par  le bacchanal que firent nos jeunes étourdis,  à  qui nous  
 ne  pûmes  faire  entendre que,  pour ne pas  altérer  sa  santé par  les  
 fatigues du jou r ,  il  était  indispensable de  reposer  la nuit. 
 Mohammed-bey,  et  après  lui  Mourad-bey,  ont  voulu  fortifier  
 Gizéh  par un mur  d’enceinte  flanqué  de  tours  :  ce  dernier  y   passait  
 une  grande  partie  de  l ’année.  Son  palais  était  à  l ’extrémité  
 nord  du village,  sur  le  bord  du  fleuve  :  il  paraissait  spacieux  et  
 fort  bien  entretenu.  On  nous  dit  qu’il  y   avait  sur  les  derrières  
 de  ce  palais  des jardins  fort  vastes ,  plantés avec aussi peu  d’ordre  
 et  aussi  peu  de  goût  que  tous  ceux  qu’on  voit  aux , environs  du  
 Caire. 
 Nous partîmes  de Gizéh  avant le jour  :  on  compte  de  ce  village  
 aux pyramides  environ  trois  lieues  (1).  Le  terrain  est très-uni,  et  
 presque tout couvert des eaux du fleuve pendant l ’inondation. Nous  
 y   tuâmes une  sorte de  gélinote  (2)  que nous  voyions  pour  la  première  
 fois.  La   beauté  de  son  plumage,  d’un  gris  fau ve,  mélangé  
 de  noir ;  sa  gorge  noire ,  tachetée  de blanc  et entourée  de  fau ve}  
 sa  poitrine  rousse,  bordée  de  noir ;  son  ventre  blanc 5  ses  pieds 
 (1) Seize mille pas  selon  le  cit. Grobert 5  le pas de deux pieds. Douze mille  seloft  
 Pietro  délia  Valle. 
 (z)  Tetrao  alkata.  Linn.