Nous restâmes en calme pins d’une heure : au premier souffle
qui nous vint du nord-ouest, le capitaine lit signal aux matelots
de revenir à bord . L a pêche n ’avait pas été abondante ; màis l’équipage
fut régalé d’une grande quantité de poireaux qui croissent
naturellement sur cette petite î le , et nous eûmes & plaisir de voir
la luzerne -arborescente e n fleur.
Nous côtoyâmes la partie septentrionale de Crète. Le tems était
fort-beau e t l’horizon très-pur. Nous eûmes pendant toute la journée
le plaisir de considérer les points de vue très-agréables que
présente cette partie de l'Ile,Nos regards se fixaient alternativement
sur ces vallons arrosés, sur ces collines boisées, sur ces coteaux
verdoyans -où croissent l ’olivier, .le chêne et le caroubier j sur ces
terres incultes où le myrte, le lentisque ,et le térébinthe ont pris la
place que là vigne occupait autrefois.
Nous étions au coucher du soleil devant la rade dé 'Mirabel ;
nons nous trouvâmes le lendemain matin sur le cap Sidera. -Lè vent
tourna au nord dès que nous eûmes dépassé ce cap ; il fraîchit
mêriie uhpeü,, e t nous permit de faire une lieue et demie par.heure.
-Nous- eûmes bientôt doublé le cap Salomon,..et après midi, no.usper»
idîmes l’île,-de vue. Notre navigation fut très-heureuse les-jours s«i-
vans : le ciel fu t toujours beau,, le vent peu fort à l ’ouest ou an
mord,, et la m.er faiblement agitée. L e i à au soir , avant le coucher
■du soleil,, pn apperçuti du ,haut du grand mât la tour des, Arabes^
-située à1 dix lieues à l ’ouest d’Alexandrie. Nous dirigeâmes aussitôt
À l ’est-nord-iest,.etde lendemain .matin, i 3 frimaire, nous reprîmes
notre rou te , et nous entrâmes dans le port neuf d’Alexandrie Ù
aine heure après midi.
Le>sol de FÉgy.pt&est uni; la côte,est basse,.et l’aterrage-est dange
reux . Les navigateurs, en hiver, ne s’ayancent.qu’avec précaut
io n jet la,sonde, à la main ; fis craignent-ayec raison . qu’un .vent
:trop fort de, nord.ou de-nord-quest ne les fasse échouer,sur une terre
.'quiaerdérohèipbur ainsi dire à la vu e ; ils sontattentifs à observer.la
-couleur des:eaux,, qui leur apprend sîils sont,à l’est ou à l’oue.st
d’Alexandrie celles sont blanchâtres et un, peu troubles à l ’est-|à
cause d uN il; elles sont transparentes et limpides à l’ouest. En jetant
là sonde vis-à-vis du Delta, chaque brasse de profondeur qu’elle
leur donne, est évaluée à un mille de distance de la terre. En face
d’Alexandrie au contraire, et à l’ouest de cette v ille , il faut être
près des Côtes pour trouver le fond. Une troisième observation qui
n’est point à négliger, c ’est que les terres à l’est d’Alexandrie présentent
presque partout des dattiers, tandis qu’elles sont nues et
incultes à l ’ouest.
Le soleil leur apprend encore s’ils sont vers le Delta, ou vers le
golfe des Arabes ; car s i, après avoir passé le 3ae. degré de latitude,
avec un vent favorable, ils né reconnaissent pas- bientôt la côte ,
ils doivent juger alors qu’ils sont à l ’ouest d’Alexandrie, et qu’ils
■fle tarderont pas à découvrir le cap Caroubier ou la tour des
Arabes. De celle-ci au cap Durazo le terrain va en s’élevant : la
côte est blanchâtre et les terrés sont partout incultes.
Les reconnaissances d’Alexandrie Sont les deux monticules fa c tices
qui se. trouvent dans l’enceinte de la ville arabe t et la colonne
de Sévère, placée au-delà sur un terrain un peu élevé.
L a vue d’Alexandrie et de ses environs n’a sans doute rien d’éton-
nant pour celui qui vient, dés côtes de France, d’Italie ou de quelque
port de l’Empire othoman ; cependant cette ville qui semble
sortir du séirides eaux, les minarets qui se' confondent avec la co-
l'omie de Sévère, les palmiers qui se dessinent parmi eu x , les deux
monticules qui s’élèvent comme deux montagnes sur un sol p la t, la
presqu’île du phare et son château, les aiguilles de Cléopâtre et les'
murs de l’ancienne ville arabe, tout présente un coup d’oeil, sinon
magnifique , du moins très-pittoresque.
Il est via i qu’on arrive en Egypte avec l ’imagination fortement
préoccupée et le cofeur extrêmement ému. On est impatient de voir
une cité si justement célèbre : on veut mesurer l ’espace qu’elle
occupait dans le tems de sa glo ire, et contempler les restes des
monumens qui ont fait si long-tems l ’admiration des Grecs èt des
Romains, L ’oeil cherche avec empressement dans le port immense,
que lés Européens fréquentent, et dans celui que le fanatisme réserve
aux Musulmans, les navires qui devraient y déposer les productions
de l’Europe, et y charger les richesses de l ’Orient. On est
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