lien. On doit présumer qu’elles furent conduites de là au rivage de
la mer, lorsque les Tyriens furent établis dans leur île : peut-être
même l ’aqueduc fut-il continué, après le siège de T y r , par Alexandre
; car il y a sur la chaussée même quelques restes des piliers qui
ont soutenu l’aqueduc.
Quant à la fontaine que l ’on voit sur cette chaussée, et dont la
profondeur est d’environ quinze pieds, Volney a cru qu’elle communiquait
aux sources dont nous venons de parler, par des conduits
secrets ; et la preuve qu’il en donne, serait incontestable si
le fait sur lequel il l’appuie, d’après le témoignage des habitans,
n’était une de ces erreurs contre lesquelles les voyageurs ne peuvent
pas se mettre en garde.
On nous a d it, comme à lu i , que les eaux de la fontaine éprouvaient
une diminution sensible à la fin de l’é té , et qu’on les rétablissait
dans leur premier état en y versant une assez grande quantité
d’eau ; ce qui arrive , comme on sait, à la plupart des fontaines
intermittentes. On nous a dit aussi que ces eaux se troublaient en
même tems que celles des puits j mais nous étant informés sur les
lieux mêmes d’un fait aussi singulier , les meûniers nous répondirent
que cela n’arrivait jamais : ils nous dirent qu’elles baissaient
seulement un peu. à la fin de l ’é té , sans cesser néanmoins de fournir
aux besoins de leurs moulins.
Si la fontaine était entretenue par un ou plusieurs canaux souterrains
, q u i, dans cette supposition, viendraient des sources,
comme il n’y a dans tout le trajet ni ouverture, ni soupiraux, ni
aucun moyen de remédier aux accidens qui peuvent arriver, on
ne conçoit pas comment, après un intervalle de plus de deux mille'
ans, ces canaux n’ont pas été obstrués par la matière séléniteuse
qui a formé les stalactites que l’on voit attachées à l’aqueduc.
D ’ailleurs, pourquoi supposer l’existence de pareils canaux ? Dira-
t-on que les Tyriens voulurent se ménager de l’eau à l ’insu d’un
ennemi qui serait venu les assiéger ; mais n’est-il pas évident que
presque tous les habitans, et même la plupart des étrangers, ayant
connaissance de ces conduits, souterrains, l’ennemi ne pouvait
„manquer d’en être informé, et dès-lors, il lui eût été aussi facile de.
couper le conduit inférieur, que de détruire l ’àqueduc supérieur.
Ces eaux ne peuvent suivre, dans un trajet de deux lieues, les
sinuosités de l’aqueduc et les inégalités du sol : elles auraient dévié
depuis long-tems, parce que ces conduits auraient été obstrués
par la matière séléniteuse qui se serait successivement déposée
contre les parois intérieures. Il est plus probable que ces eaux
ne viennent pas de fort lo in , que leur conduit- est postérieur aux
travaux de l’aqueduc ; que celui-ci ayant été plusieurs fois endommagé
et réparé , il fut une époque où les habitans, hors d’état de
l ’entretenir, se bornèrent à conduire, à peu de frais, les.eaux peu
abondantes qui se trouvaient le plus à portée de leur presqu’île.
On doit supposer que la destruction de l’aqueduc date dé l ’arrivée
des Arabes en Syrie. On sait qu’il était déjà Tompu lorsque les
Croisés vinrent mettre le siège devant T y r , au commencement du
douzième siècle.
Quant aux deux villes, la confusion qu’il y a chez les auteurs
anciens au sujet de Palætyr et de T y r l ’insulaire, la difficulté
qu’ont les Modernes de déterminer d’une manière précise l ’époque
à laquelle l’une a succédé à l’autre, l’incertitude de la position de
la première, tout doit faire présumer que, pendant plusieurs siècles,
et ce sont ceux de la plus grande prospérité des Tyriens, les
deux villes ont existé ensemble, ont dû se confondre et n’en former
pour ainsi dire qu’une. T y r , située d’abord sur le monticule
auquel aboutit l’aqueduc, a dû s’étendre autour de ce monticule,
et s’avancer plus particulièrement vers la mer. L ’île où se trouvaient
le port de Palætyr et tous les établissemens relatifs aux
constructions navales et au commerce maritime, a dû se peupler
peu à peu, et former une seconde ville, qui n’a été d’abord qu’un
faubourg de la première, et qui a pris ensuite un grand accroissement
par les ateliers de marine, par les magasins de commerce-,
par les maisons des négocians, par les temples et les palais qui y
furent élevés, par tous les travaux qui y furent exécutés. Elle est
ensuite devenue la ville principale, avant même peut-être que
l'autre fût détruite.