qu’une chaleur de a5 à 26 degrés , tandis que celle des chambres
est de 34 à 35. Ces serdaps ont un ventilateur qui aboutit, comme
110s cheminées, à la partie la plus élevée de la maison, et qui permet
à l’air de s’y renouveler : on l ’y renouvelle, aussi soir et matin
au moyen de quelques petites fenêtres qu’on y a pratiquées.
Bagdad a plus l’apparence d’une ville persane,. que d’une ville
turque : on y voit un grand nombre de bazards ou besesteins, uniquement
destinés aux marchands et aux ouvriers. Iis forment les
principales rues de la v ille, et en font le plus bel ornement. Ils sont
bien voûtés, fort spacieux, assez bien alignés. La voûte est fort
haute et bâtie en briques : on y a ménagé des ouvertures qui procurent
un demi-jour, tel que le desirent les marchands de tous
les pays. Les boutiques, placées de chaque c ô té , oiit au devant
une estrade qui s ’avance de quatre ou cinq pieds, sur laquelle les
marchands se placent, et étalent ordinairement leurs marchandises..
On parvient à l ’intérieur de la boutique par un passage de.
deux à trois pieds : il reste au milieu du bazàrd, pour les passans,
d ix , douze ou quinze pieds. Ces bazards se ferment la nuit. : le marchand
peut s’aller coucher tranquillement ailleurs ,, sans craindre
d’être vo lé, quoique la porte de sa boutique soit mal fermée , et
qu’il y ait' laissé des; marchandises' très-précieu6es.
Le reste de la ville est sa le, souvent boueux en hive r, plein de
poussière en été : les rues:sont étroites, fort sinueuses, bien.moins
fréquentées que les bazards, parce que si l’on veut se transporter
à de grandes distances-,.soit à pied, soit à cheval:, on a l ’avantage,
dans les bazards, d’être à l’ ab r i du soleil, du vent et de la pluie, :
il y fait beaucoup moins chaud que dans les rues, et l’oeil y. est
récréé par la diversité des objets qui se présentent.
Cette ville fut fondée en 140 de l’hégire ,. l ’an de Jésus-Christ
762,. par AL-M ansour-Abou-Djafar, second calife Abasside. A l-
Mansour, ne voulant point rester dans Guf’a , où le parti des descendons
d’A li lui donnait des inquiétudes, résolut de fonder une
nouvelle ville > et d’en faire le siège du califat. Dans cette intention
, il transféra son camp à trente lieùes au nord) de Cuf’a , sur
la rive occidentale du T ig r e , et le transforma en cité avec les
matériaux que lui fournirent Babylone, Séleucie et Ctésiphon. Il
dépensa plus de quatre millions de pièces d’or pour cette entreprise,
qui réussit au gré de ses désirs, parce qu’un grand nombre
de personnes accoururent de l ’Iraque, de la S y rie , de toute la Mésopotamie
et de la Perse pour s’établir dans la nouvelle v ille , qui
offrait tous les avantages d’un site agréable, d’un air salubre et
d’uue terre fertile. Al-Mansour la nomma D ar-al-Sani, ville ou
maison de paix ; mais le nom de Bagdad, que ce lieu portait auparavant,
prévalut, et s’est conservé sans altération jusqu’à nous.
Peu de tems après, le camp que Muhdis, fils d’A l-M a n s o u r ,
avait établi sur la rive orientale, devint aussi une seconde ville
qu’on nomma R u sa fa , et qui p r it, comme l’autre, un accroissement
considérable dès qu’on l’eut entourée d’un mur pour s’opposer
aux incursions des Perses. Le calife eut un palais dans ces
deux villes, qui bientôt n’en formèrent qu’une, et ne furent désignées
que sous un même nom.
Bagdad brilla pendant cinq siècles d ’un éclat auquel n ’a pu atteindre
aucune ville de l ’Empire othoman. Ni Damas, qui fût le siège
ordinaire des califes ommiades; ni le Caire, que les soudans et les
Califes d’É gÿpte s’efforcèrent de peupler et d’embellir; ni Psrnse, où
les sultans des Turcs établirent d’abord le siège de leur Empire; ni
Çonstantinople même, malgré son heureuse situation, malgré son
port et la douceur de son climat, aucune ville , dis-je, soumise aux
lois du C o ran , n’ a jamais été aussi florissante, aussi riche, aussi
populeuse, aussi commerçante que le fut Bagdad sous les califes
Abassides. Destinée en quelque soTte à succéder ,à Babylone, à
Séleucie, à ¡Ctésiphon, elle fut un moment le centre du commerce
de l ’Orient et de l'Occident, et la capitale d’un des plus grands
Empires qui eût existé jusqu’alors. Les historiens arahes' disent
qu’elle fut ornée de palais somptueux, de superbes mosquées, de
vastes caravanserais , d’un grand nombre de bains publics. Les
besesteins offraient tout ce que l’Inde, l ’Afrique et l ’A sie produisent
de plus riche et de plus précieux, tout ce que l ’Europe a de
plus utile. Mais cet éclat disparut tout à coup èn 656 de l’hégire,
sous le califat de AL-Mostassem-Billah.