nous espérer que le successeur aurait conservé pour nous les mêmes
égards qu’aurait eus son prédécesseur ?
En faisant sanctionner nos capitulations par tous les b e y s , nous
n’étions pas davantage assurés de nos droits et de nos propriétés.
"Chaque bey était aussi en butte aux révolutions , que celui qui
régnait, et le parti qui avait abattu le chef, poursuivait tous ceux
qui l’avaient aidé à sé maintenir dans le pouvoir.
Sans doute , tant que la race des Mameluks devait régner en
Egypte , tant que les beys-devaient se faire la guerre entré eux
pour se disputer leur proie, tant que la Porte ne devait pas établir
dans ce pays son pouvoir, d’une manière inébranlable, jamais les
Français, pas plus au reste que les autres Européens, ne pouvaient
espérer d’être respectés ou considérés : leur commerce devait être
toujours exposé aux mêmes exactions et aux mêmes avanies, leurs
personnes aux mêmes vexations et aux mêmes insultes : rien ne
pouvait être ni sûr ni stable : il ne devait y a vo ir , sur cette tërre
de désolation, d’autre loi que le caprice du dernier usurpateur',
d’autre justice que l’intérêt dé ses satellites.
Il fallait donc nous attendre à voir la méfiance et le découragement
s’accroître sans cesse, les affaires diminuer tous les jours,
nos négocions craindre d’exposer leurs propriétés à des chances
trop douteuses , restreindre leurs envois , finir par employer à
d’autres opérations moins périlleuses les fonds qu’ils destinaient
auparavant à l ’entretien du commerce de l ’Egypte, et ce commerce
être enfin totalement abandonné. ,
L a République devait-elle , pouvait-elle voir avec indifférence
un pareil état de choses? Pouvait-elle consentir à voir nos riv aux,
plus avides ou moins généreux que nous, composer avec les humiliations,
et s’emparer, à force d’intrigue et de bassesse, des avantages
que notre industrie, notre proximité et une suite d’anciennes
convenances devaient nous faire regarder comme naturels ? L ’E gypte
serait donc devenue l ’apanage des autres nations, qui auparavant
ne'pouvaient y soutenir notre concurrence. Le Levant aurait
vu les Français humiliés et non vengés. Et que pouvait-il résulter
de cette faiblesse dans les autres échelles, si ce n’est un exemple de
ce que l’on pouvait tenter impunément contre nous ? E t cet exemple
n ’aurait pas été perdu.
Non : aucune considération, aucun obstacle ne devait arrêter
l’énergie du Gouvernement français. Il ne pouvait pas plus céder
dans ces circonstances , qu’il n’avait cédé dans toutes celles où l’on
avait voulu attenter à l’indépendance nationale. Puisque la bonne
foi ne pouvait rien sur un gouvernement entièrement corrompu ,
puisque,-par sa nature même, il avait une tendance continuelle à
une plus grande dépravation ; puisqu’il n’y avait plus aucune confiance
à accorder aux démonstrations même les plus amicales qu’il
aurait pu être tenté de fa ire, il ne restait plus dès-lors, à son égard,
que les voies de la force pour nous rétablir dans nos anciens droits,
et non-seulement récupérer tout d’un coup nos pertes successives,
mais enlever pour toujours à nos concurrens ou à nos ennemis
étrangers l ’espoir de nous y inquiéter dans la suite.
Ici nous avons, à l’égard des autres puissances intéressées, quelques
considérations à rappeler, telles qu’elles ont dû sans doute être
pesées dans la pensée du Gouvernement français, pour justifier,
sous tous les rapports, la mesure qu’il devait prendre.
Si le gouvernement du Caire avait dû être considéré comme une
dépendance de celui de la Porte othomane , on aurait pu espérer
que le divan de Constantinople, cédant à la fin aux insinuations
de la République française, se serait déterminé à rétablir son pouvoir
à peu piès anéanti en Egypte. La P o rte , pouvant compter
sur les secours de la France, aurait facilement détruit pour toujours
l ’influence des beys, et réduit l’Egypte au rang des autres
provinces de son Empire, en la divisant seulement en trois ou
quatre pachaliks indépendans les uns des autres. Par ce nouvel
arrangement, les Français, rétablis dans leurs anciens privilèges,
n’auraient pas exigé d’autres faveurs. Mais la Porte aurait-elle
consenti, dans cette occasion même , à agir de concert avec les
forces de la République ? Aurait-elle vou lu , pour un avantage
qu’elle ne savait pas apprécier, non-seulement s’exposer à des frais
inévitables , mais avoir seulement l ’apparence de faire verser par
les Français, avec son consentement, le sang des Musulmans l