anglaises s’étaient retirées ; il ne restait que deux maisons italienne®,
et les françaises se trouvaient réduites à neuf. On jugera néanmoins
de l’importance de ce commerce par celui que les Français y faisaient
: celui d’exportation se montait à 2,5oo,ooo francs, et celui
d’importation à 3,000,000.
Les articles d’exportation consistaient mi toiles écrues d’Antio-
che, K illis , Merdin, Orfa, Antab ; en bourgs d’Alep et de Damas ;
en chafarcanis ou toiles de coton peintes de Diarbekir ; en galles,
coton en laine, coton filé , soie, laines de chevron, cuivre et diverses
drogues ; et lorsque ces marchandises n’offraient pas un retour
avantageux, il était aisé aux négocians de faire passer leurs fonds
en lettres-de-change à Constantinople, d’où ils les faisaient remettre
ensuite dans les différentes places d’Europe.
Les articles d’importation consistaient en draps de Languedoc,
bonnets façon de T u n is , étoffés de Lyon , cochenille, indigo,
sucre, café, poivre, étaiii, plomb, fe r , bois de teinture, liqueurs,
merceries, papier, savon et coraux ouvrés ; ce dernier article montait
au-delà de 100,000 fr . par an.
Parmi les Turcs et les Arabes dont nous venons de parler, on
compte trois ou quatre mille familles qui se prétendent issues de
Mahomet, tant par les mâles que par les alliances. Les hommes
portent un turban v e rt, et se qualifient de sehérifs ou de nobles :
les femmes ont aussi du vert dans leur coiffure et leurs vêtemens.
L ’avantage d’être les parens du prophète leur attirait autrefois de
la part du peuple et des grands, un très-grand respect, leur donnait
une très-grande considération, leur procurait aussi des privilèges.
On ne pouvait les faire mourir sans les dégrader auparavant,
sans que le juge n’eût prononcé qu’ils s’étaient rendus indignes d’appartenir
au prophète par les liens du sang. Il fallait l ’agrément
de leurs chefs, pour que la sentence fût mise à exécution. Si un
autre Turc les frappait, il avait le poing coupé; si c’était un' Chrétien
ou un J u if , il était puni de mort sur le champ. Mais depuis
que ce titre peut s’acquérir avec facilité, depuis que la fraude
augmente chaque jour le nombre des sehérifs, le peuple, informé
de ces abus, n’a plus pour eux la même vénération. On ne croit
plus avoir besoin de s’adresser aux chefs pour les faire mourir, et
souvent on se permet de les mettre à la raison quand ils s’en écartent
un peu trop. Cependant un pacha ou un officier public ne fait
donner la bastonade à un parent du prophète qu’après lui avoir
fait quitter son turban ve rt, et avoir baisé ce turban avec un respect
apparent.
Quoique les prérogatives dont jouissent les sehérifs soient aujourd’hui
fort déchues, néanmoins, comme dans un pays de superstition
et d’ignorance, le titre de parent du prophète en impose encore
à la multitude : ces hommes sont aussi insolens en Turquie, que les
nobles l ’ont toujours été chez les peuples qui n’ont pas eu le bon
esprit de n’apprécier l’homme que par ce qu’il vaut lui-même, et
non par ce qu’a pu valoir un de ses ancêtres. Les sehérifs, comme
les nobles, ne manquent jamais, dans les occasions, de se prévaloir
de leur naissance, et d’en tirer vanité et avantage ; ce qui leur
réussit ordinairement, car les hommes , en général, ont une tendance
à s’humilier devant celui qui s’exalte. Ce qui donne d’ailleurs
un pouvoir réel aux sehérifs, indépendamment de celui qui résulte
de l ’opinion et des prérogatives , c’est qu’ils forment une corporation
nombreuse, et qu’ils ont à Constantinople un chef riche et
puissant, nommé Nakib-Eschraf, et dès officiers sous les drapeaux
desquels tous les sehérifs de l ’Empire vont se ranger. Le
second officier se nomme Alemdar : c ’est lui qui porte l’étendard
de Mahomet toutes les fois qu’on fait la guerre aux Infidèles ,
c ’est-à-dire , aux peuples qui ne sont pas Musulmans.
Les sehérifs, à A lep , ont été pendant long-tems en guerre avec
les janissaires : le sang a souvent coulé de part et d’autre dans les.
rues, pour savoir à qui resterait le pouvoir odieux de mettre à
contribution le pacha qui veut asseoir son autorité, les riches qui
veulent vivre en p a ix , et les habitans des villages, qui ont besoin de
venir vendre leurs denrées avec sécurité, et emporter ce qui leur est
nécessaire. L ’avantage est enfin resté aux janissaires : une grande
partie des sehérifs a été détrüite, ainsi qu’on va le v o ir , et l ’autre
s’est vue humiliée.
Il y-a une vingtaine d’années, l ’insolence des sehérifs et leurs