de chétives bourgades ou des tas de ruines à la place des villes les
plus fameuses de l ’antiquité; ce sont des plaines fertiles, des vallons
arrosés , des coteaux verdoyans , des montagnes couvertes
d’arbres qui se perdent dans les nuës ; ce sont des rochers presque
inaccessibles, d’où coulent de légers ruisseaux ou des torrens impétueux
, qui tantôt déracinent les arbres, tantôt répandent sur les
terres un limon très-ièrtile. I c i , c’est une fontaine qui verse une
eau douce et abondante sur un sol desséché ; l à , ce sont des lieux
sauvages, repaires de la hienne, du ly n x , du sanglier et du chacal
; plus lo in , des précipices affreux, réfugeS de l ’aigle, du faucon
et du vautour. La Syrie est enfin un pays qui représente la'zône
torride au pied des monts, la zône tempérée à sa partie intermédiaire
, la zône glaciale aux sommets les plus élevés". Elle est
bornée à l’occident par la mer, au levant et au midi par des déserts,
au nord par cette chaîne de montagnes qui, depuis;la Carie et la
Licie, s’étend en Cilicie , passe aux confins de la: Mésopotamie,
joint le T au ru s, et va se perdre, par des rameaux divers, dans
l’Arménie et dans la Perse.
Aucune grande contrée, sur le continent, n ’est plus circonscrite,
plus facile à défendre, plus productive, plus capable de contenir
une grande population, plus susceptible de renfermer un seul
et même peuple, régi par les mêmes lois , dirigé par les mêmes
moeurs , les mêmes usages, et aucune n’a été plus subdivisée, n’a
contenu plus de nations diverses, n’a été plus troublée, plus bouleversée;
n’a été la proie de plus de conquérans étrangers. Depuis
Gaze et le lac Asphaltique, jusqu’au golfe d’Alexandrette et les
portes syriennes; depuis la Méditerranée jusqu’à l’Euphrate et le
désert du nord de l’Arabie, dans un espace de 5 degrés de latitude
et 3 de longitude, la Syrie contiendrait facilement^ quinze millions
d habitans : il est probable qu’il n’y en a pas trois aujourd’hui.
Que. de productions nécessaires ou utiles à l ’homme dans cet
Reureux climat ! Quelle étonnante variété de sol et de température
! On y yoit prospérer en même tems tous les fruits, tous les
grains, tous les herbages cL’Europe et la plupart de ceux d’As ie ,
d A frique et d Amérique. La vigne et l’o liv ie r , le mûrier , et le
cotonnier
cotonnier peuvent être, sur cette terre fortunée, une source inépuisable
de richesses. Le figuier, l ’amandier, le pistachier , y donnent
des fruits délicieux. La canne à sucre y réussit complètement.
Le poirier, le pommier, le prunier, le cerisier, l’abricotier, croissent
à côté de l’oranger, du dattier, du bananier. Les pins , les
sapins, les peupliers, les cyprès, les cèdres, les sycomores et les
chênes s y montrent partout en abondance. Le chanvre et le lin,
la garance et l ’indigo, le nerprun et le henné végètent également
b ien, et sont cultivés, les uns au sommet des montagnes, et les
autres vers le rivage de la mer.
Est-il une contrée où l ’on passe, dans quelques heures , d’une
température de 3o degrés, à celle de 18? où l’on boive à la glace,
en été, sans ressentir en hiver les impressions du froid ? où l’on
soit plus robuste, plus adroit, plus courageux? où l’on jouisse de
la vue d un plus beau ciel ? où l ’on respire un air plus pur , si nous
en exceptons quelques points vers le rivage de la mer, où les eaux
croupissent depuis que les Turcs ont obligé les habitans à abandonner
les plaines, et à chercher dans les montagnes un asyle
contre leur tyrannie ?
Je ne ferai pas l’énumération de tous les peuples qui couvraient
le sol de la Syrie lorsque les Israélites en habitaient une portion ;
je ne ferai pas remarquer la diversité de leurs moeurs, de leur religion
; je,ne parlerai pas des guerres qu’ils se faisaient entre eux ;
je jne ferai pas non plus mention des conquérans qui ont ravagé
ces contrées, ou asservi ces divers peuples à tant d’époques différentes;
je ne veux pas m’écarter de mon objet : j’ai plus en vue de
présenter le pays tel qu’il est aujourd’h u i, et faire pressentir ce
qu’il peut devenir, que de rechercher ce qu’il fut autrefois. Espérons
que le tems opérera les changemens que l’hiunanité réclame,
et continuons notre route.
’Nous, f unes voile de Barut le 18 brumaire au soir, avec un veut
d’ouest si léger que le 19 au matin nous appercevions encore la
ville. Nous n’étions pas fort éloignés de l’embouchure du L y cu s ,
aujourd’hui Nahr-Kalb , torrent assez considérable, qui descend
du Kesroualn. Les montagnes s’avancent ici jusqu’à la côte; elles
Tome II. Mm