dépôt de toutes ces matières, qui a lieu sans cesse à l’embouchure
de tous les fleuves, de toutes les rivières, de tous les torrens, des
moindres ruisseaux, doit nécessairement, dans une longue suite
d’années, former des déplacemens d’eau Considérables. Des golfes
vastes et profonds doivent, à la suite des tems, se rétrécir, se combler
et disparaître.
Si nous jetons un coup-d’oeil sur la carte, nous voyons les plus
grands fleuves de la Terre verser leurs eaux dans des golfes qu’ils
ont déjà comblés en tout ou en partie. Partout nous voyons à leurs
embouchures, des aterrissemens plus ou moins étendus, suivant la
plus ou moins grande quantité de leurs eaux. Le Rhône, sous nos
y e u x , a , dans un espace de tems assez cou rt, reculé la mer à Ai-
gues-Mortes, àMaguelone et sur toute la côte, depuis le Martigues
jusqu’aux environs de Narbonne. Le Rhin , la Meuse et l’E scaut,
dans des tems plus reculés, ont formé la Hollande. Le Pô comble
peu à peu les ports de l ’Adriatique. Le Don fera disparaître un jour
la mer d’Azof. Le Mississipi reculera de plus en plus les limites de
la Louisiane. Le fleuve Saint-Laurent unira l’île de Terre-Neuve
au continent de l’Amérique. C’est ainsi que les villes d’Éphèse, de
Milet, d’Halicamasse, de Fréjus, qui se trouvaient autrefois sur
les bords de la mer, en sont aujourd’hui à une distance assez
grande : c’est ainsi que, selon l ’expression des Anciens, la terre
d’É gypte fut un présent du fleuve.
: Et que l ’on ne suppose pas que le niveau des eaux de la Méditerranée
a baissé, et a laissé par-là à découvert des terres autrefois
submergées. Il serait fa cile, d’après les monumens .qui existent à
Alexandrie , à Athènes, dans la Grèce, dans l’Archipel et sur la
côte occidentale de la Natolie, de prouver que, depuis plus de
deux mille ans, non-seulement le niveau des eaux n’a point baissé,
mais on serait même porté à croire, d’après la plupart de ces monumens
, que ce niveau s’est plutôt élevé.
En effe t, s’il est bien reconnu qu’il ne peut se perdre la moindre
portion d’eau sur notre g lo b e , parce que toute celle qui s’élève
par l’évaporation, retombe en plu ie, en neigé, en brouillard ou en
rosée, et que celle qui entre dans la composition des corps lui est
rendue
rendue par la décomposition des mêmes corps, bien loin-de présumer
que le niveau des eaux baissé, il faut plutôt croire qu’il
s’élève ; car les matières que la terre fournit sans cesse à la mer,
ne peuvent pas déplacer une portion d’eau quelconque, sans que
celle-ci ne s’élève d’autant.
Je sais que quelques naturalistes ont soupçonné une cause majeure
, et toujours existante, qui porte les eaux de POcéan vers
l ’hémisphère austral, et change ainsi le niveau de la mer. Mais
cette hypothèse, toute ingénieuse qu’elle est, n’est point prouvée,
e t , je le répète, tous les m'onumens que j ’ai vus sur les bords de
la m er, à l ’orient de la Méditerranée, annoncent incontestablement
que les eaux n’ont point baissé depuis plus de deux, mille ans.
Mais, supposons que le niveau des eaux soit toujours resté le
meme, le N i l , dans le tems- de sa crûe, iest chargé d’une si'grande
quantité de terre, qu’il n’est pas douteux que , par le dépôt qui se
fait dans la mer chaque année, le fond n’en soit insensiblement
élevé. Les flots, en ramenant une portion assez considérable de
cette terre vers la côte, la juxtaposent au sol de l ’Ëgypte ,;,et contribuent
par-là à son agrandissement ; j car on sait que les: vents
soufflent, sur cette contrée, du nord et du nord-ouest pendant
une grande partie de l ’année. : -
Ce qui prouve que le limon du Nil est versé en grande quantité
dans la mer par les diverses embouchures^ du fleuve , c ’est que
vis-à-vis le Delta, et jusqu’à une très-grande distance des côtes, la
mér a peu de profondeur , et n’offre à la sonde qu’un sable fin ,
ou. une vase à peu près semblable au limon qu’on voit, se déposer
sur les champs.
On sent bien q u e , pour que le limon et les; sables se juxtaposent
à la côte , il faut que le fond de la mer s’élève auparavant ; car
l’un ne peut pas- avoir lieu sans l’autre. Cette élévation du fond est
telle, que la sonde, ainsi que nous l’avons dit ailleurs, ne trouve
qu’une cinquantaine de brasses à vingt-cinq, lieues de la terre, et
seulement dix à cinq ou six lieues.
Cependant, malgré cette quantité assez considérable de limon
que le< eaux du Nil chàrient annuellement , et le mouvement des
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