C H A P I T R E X I I I .
É ten d u e, éta t m ilitaire e t revenus du p a ch a lih de Bagd
ad. Siège de Bassora. M a la d ie de Suleiman-Pacha ;
sa guérison. Conduite de son kia ya ; ses intrigues, sa
mort.
L b pachalik de Bagdad, très-borné dans son étendue lorsqu’il y
avait un pacha du premier rang à Shérhsour, un pacha à deux
queues à Bassora, et un vaivode à Merdin, est devenu un des plus
importans et des plus étendus de l ’Empire, par la réunion de tous
ces gouvernemens. Ce fut pendant les troubles de la Perse, et lorsque
Nadir-Schah menaçait Bagdad, Bassora et les provinces situées
à l’orient et à l’occident du Tigre et de l’Euphrate, que la politique
othomane conçut le projet de concentrer ici des forces capables de
déjouer ses projets.
Le pacha de Bagdad, devenu gouverneur d’une province aussi
fertile, aussi commerçante, aussi populeuse et presque aussi étendue
que l’E gypte, peut facilement lever une armée de quarante ou
cinquante mille combattans , et l’entretenir avec les revenus et les
productions de son pachalik. Les Arabes répandus dans la Mésopotamie
, et ceux qui habitent les deux rives du Schat-eLArab ou
fleu v e des Arabes (1 ), lui fourniraient au besoin dix ou douze
mille cavaliers. Mais il faut pour cela que toutes les hordes soient
en paix avec le pacha , et que celui-ci ait assez d’argent pour les
payer largement et avec exactitude.
Il peut aussi faire marcher les trois pachas curdes qui lui sont
subordonnés, et dont il dispose. Ils résident, l’un à Shérhsour,
(1) Pasitigris des Anciens. Schat-el-Arab est le nom que le Tigre et l’Euphrate
prennent après leur réunion au dessous de Korna.
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situé à quinze lieues à l’est-sud-est d’E rbil ; l ’autre est à Kalla-
Dsjolan, vers les frontières de la Perse ; le troisième est à Saarpil,
dernier village de Turquie , sur le chemin de Bagdad à Amadan.
Ces pachas curdes n’ont qu’une queue, qu’ils reçoivent des mains
du pacha de Bagdad, et qu’ils paient en raison du revenu de leur
gouvernement et de la concurrence qu’il y a pour l’obtenir. Ils
peuvent, à eux trois, réunir douze ou quinze' mille cavaliers, sur
lesquels le pacha de Bagdad compte bien plus que sur les Arabes,
parce qu’il a plus de moyens de les punir s’ils abandonnaient leurs
drapeaux avant la fin de la campagne.
La garde du pacha est de quatre mille cavaliers et de deux mille
fantassins.
Les spahis ou cavaliers turcs de tout le pachalik sont au nombre
de mille ou douze cents.
Les janissaires inscrits dans toutes les villes formeraient une armée
très-nombreuse s’il était possible de les faire tous marcher4,
mais on peut très-facilement en réunir, sous les drapeaux, au-delà
de quinze mille.
Il y en a huit mille à Bagdad, qui forment la garnison de la ville,
et qui ont un janissaire-aga nommé par la Porte. Ils reçoivent les
ordres du pacha ; mais celui-ci ne peut se servir de ces j ahissaires
dans les querelles fréquentes qu’il a , tantôt avec les Arabes , et
tantôt avec les Curdes. La garnison ne doit être employée qu’à la
défense de la ville, sous les ordres du pacha : s’il est nécessaire de
la faire marcher contre les ennemis du dehors, elle en reçoit l ’ordre
de la Porte ou du grand-visir.
En cas de besoin, on lève quelques compagnies de fusiliers volontaires.
Le nombre en est assez grand lorsque le pacha a une réputation
de bravoure et d’intelligence , et que la guerre est portée
sur le territoire persan, qui offre- l’espoir d’un riche butin. On
peut facilement s’en procurer cinq à six mille.
Nous n’avons pas pu avoir un état très-exact des revenus de ce
pachalik ; mais, d’après tous les rapports qui nous ont été faits ,
nous l’avons évalué à plus de quatre mille bourses ( 4,000,000 fr. ) ,
dont il ne passe pas un huitième à Constantinople. Cette somme