hordes d’Arabes qui n’ont pas deux mille combattans , qui n’ont
point d’armes à feu , qui sont divisées et presque toujours en guerre,
la mettent à contribution , et cela afin que les habitans ne soient
pas volés, pillés, inquiétés par elles, s
Elle souffre aussi que la belle plaine d’Antioche soit occupée
chaque année par une horde de Turcomans qui viennent, dès le
mois d ’octobre, de l ’intérienr de l’Asie mineure, pour faire paître
leurs troupeaux sur ces terres incultes, et dont la fertilité pourtant
est attestée par une herbe très-épaisse et très-haute. Ces Turcomans
retournent, en germinal, sur les montagnes de l’A rménie,
où la température plus froide et l ’élévation du sol entretiennent en
été une végétation abondante. Les caravanes qui se rendent d’Alep
à Alexandrette et à Antioche , ou qui retournent de ces villes à
A le p , sont très-souvent inquiétées par ces hommes pasteurs et guerriers
, surtout lorsque le pachâ d’Alep n’est pas assez fort pour leur
en imposer, ou lorsqu’il est de connivence avec eux afin d’avoir sa
part du butin.
Un troisième fléau vient se joindre aux deux premiers. Les montagnes
situées entre Alep et Alexandrette sont occupées par des
Curdes qui ne manquent jamais de dévaliser les voyageurs lorsqu’ils
en trouvent l’occasion. Mais comme ils sont épars et peu nombreux
, lés caravanes se mettent à l’abri de leur insulte en se faisant
escorter par quelques fusiliers.
Malgré tous ces inconvéniens qui mettent des entraves au commerce
, ou qui gênent la circulation extérieure, Alep peut être
regardée comme la troisième ville de l ’Empire othoman par sa
_ beaUté, son étendue, sa population, ses richesses et son commerce.
Elle est située à quinze lieues à l ’orient de cette chaîne de montagnes
, qui court le long de la mer du nord au su d , depuis le golfe
d’A lexandrette jusqu’à Gaze, et qui forme le Beylan,- le Ca'sius, le
Liban, l’Antiliban, le Carmel et tous les points élevés dé la Syrie,
de la Coelesyrie, de la Phénicie et de la Palestine. Elle est à vingt
lieues au midi des montagnes que nous avons dit courir de l ’ouest
à l’est depuis Rhodes et la Caramanie, et qui vont se rendre par des
rameaux divers dans l ’Arménie etlaPerse. Alep est sur un sol élevé;
on se rend, par une plaine unie, à Birt ou Biredgek. et aux points
les plus rapprochés de l’Euphrate, e t , par une plaine dont la pente
est peu sensible, à Palmyre et au désert du nord de l ’Arabie : de
là à Bagdad on ne rencontre n i montagnes ni élévations assez considérables
pour mériter le nom de colline.
Les environs d’Alep sont néanmoins un peu montueux. La ville
est dans une vallée peu profonde, où coule une petite rivière qui
arrose une quantité assez considérable de jardins destinés à la culture
du coton, du tabac et de divers légumes. Cette rivière, au
sortir de la ville, se dirige au sud-sud-est, et va former un lac d’eau
salée, quoique celle d’A lep , la seule qui l’entretient et l ’alimente ,
soit très-douce et très-bonne à boire. On retire chaque année, à la
fin de l’été , c’ést-à-dire, lorsque l ’évaporation a consommé une
grande partie des eaux de ce lac , un sel marin dont se servent les;
habitans d’Alep et des environs. Cette rivière prend sa source aux
environs d’Antab.
La ville est entourée d’un mur épais, fort haut, solidement construit
en beaux moëlons, flanqué de tours très-rapprochées , au
pied duquel est un fossé qui a disparu ou a été comblé en partie.
On ne doit pas cependant regarder aujourd’hui Alep comme une
ville de guerre , attendu que ce mur pourrait être facilement détruit
par le canon, et que la ville est dominée en quelques endroits
par des coteaux. Elle a près de six milles de circuit, et sa population
doit être évaluée aux deux tiers de celle du Caire, c’est-à-dire ,
à plus de cent cinquante mille habitans. La ville est bien bâtie ; les
maisons sont en maçonnerie ; la plupart sont en pierres de taille ,
surmontées par de très-belles terrasses : quelques-unes ressemblent,
par leur étendue et leur distribution intérieure, à nos anciens cou-
Vens de moines.
Il y a , vers le centre de là v ille, une élévation factice assez considérable,
en forme de cône tronqué , entourée d’un fossé et'surmontée
d’un château très-spacieux, où le gouverneur est lo g é
avec foute sa garde. Ce château, qui tombe en ruine aujourd’h u i,
fut capable d’arrêter quelque tems les troupes du calife Omar,
déjà maître de l’E gypte et d’une partie de la Syrie. Ce fut ea