fond du port présente un autre mur qui soutient un terrain élevé
en amphithéâtre. Plus de la moitié de, ce port est comblée aujourd’hui
: le reste ne peut recevoir que des navires qui tirent à peine
douze ou treize pieds d’eau.
A u fond du p o rt, à gauche, se trouve la douane, et un peu plus
loin une rue bordée de magasins spacieux, dans lesquels on dépose
le tabac du pays, appartenant à la ferme. La ville est à un quart de
lieue de la mer, sur un sol élevé. Le premier objet qui se présente
en arrivant, c’est le cimetière des Francs. Heureux l’étranger pour
qui cette première vue est une leçon, et qui se hâte de terminer ses
affaires ! car il est rare qu’un Européen, domicilié à Latakie, y
vieillisse, et encore plus rare qu’un étranger y passe un été sans y
être attaqué de lièvres plus ou moins dangereuses, plus ou moins
opiniâtres. Ce n’est pas que l’air de cette ville ne soit en lui-même
très-sain ; mais depuis que les Mahométans en ont fait disparaître
la majeure partie des habitans, les terres se trouvent en quelques
endroits abandonnées et couvertes d’eau une partie de l ’année.
C ’est surtout vers l’embouchure de la petite rivière qui traverse le
territoire de Latakie, et qui se jette dans la mer, à une demi-lieue
au sud de la ville, qu’est le foyer des maladies qui attaquent régulièrement
leahabitans de ce pays, depuis la lin de l’été jusqu’à l ’entière
cessation des chaleurs.
Nous descendîmes chez le commissaire de la République , le
cit. Bourville, qui nous reçut de la manière la plus honnête et la
plus affectueuse. Il voulut n o u s jo g e r chez lui et nous ikire partager
sa table jusqu’à notre départ pour Alep. Comment pouvoir
s’y refuser, et où aller? Les étrangers, en Orient, n ’ont que la resr
source de la tente ou d’un caravanserai, et nous n ’étions pas encore
disposés à user de l’une ou de l’autre.
Latakie n’est pas entourée de remparts comme les autres villes
de la côte, que nous avions visitées, et les maisons sont en général
plus solides et mieux bâties que celles de Seyde et de Barut :
elles ont des terrasses sur lesquelles on trouve, en é té , un lieu irais
pour reposer la nuit j dans toutes les saisons, une promenade agréable
pendant quelques heures du jour j un étendage pour sécher le
linge lessivé, un parterre orné de fleurs, un lieu propre à recevoir
l’eau de la pluie et la transmettre aux citernes. .
Ces terrasses ont une muraille élevée à la hauteur d’appui lorsque
la vue ne peut se porter sur une terrasse voisine ; c a r , dans ce
cas , le mur a sept ou huit pieds de haut, parce qu’il n’est jamais
permis, en Turquie , de. pouvoir regarder ce qui se passe chez les
autres. Quelquefois, au lieu de muraille, ce sont des tuiles creuses.,
renversées, disposées les unes sur les autres, de manière que les
femmes puissent voir à travers sans être vues.
Les rues ressemblent à celles de Barut et de Seyde, par l ’espèce
de trottoir élevé qu’il y a le long des maisons , formant au milieu
un canal pour l’écoulement des eaux pluviales. Toutes ne sont pas
pavées, et on a employé à celles qui le sont, des moëlons carrés,
retirés des anciennes bâtisses , qui durent suffisamment dans un
pays où l’on ne connaît pas l’usage des voitures, .et où tous les
transports se font à dos d’ânes, de mulets j de chevaux e ti de chameaux.
Ces rues sont irrégulières, ordinairement étroites, et les
maisons sont souvent interrompues par des décombres, par des
espaces vides , et quelquefois par des champs cultivés. Latakie conserve
, par ce moyen, plus d’étendue que ne le comporte le nombre
de ses habitans, qu’on peut évaluer au plus à six mille ; savoir : deux
mille Grecs scliismatiques , cent cinquante Maronites, autant de
Juifs, et près de quatre mille Arabes ou Turcs.
L ’ancienne Laodicée. occupait une surface deux ou troisfois plus
grande que celle de Latakie, si nous en jugeons par quelques restes
de murs et par les monumens qui sont encore existans ; elle ne
devait pas manquer non plus de magnificence, puisqu’on trouve,
dans deux quartiers de la ville, des rangées,de belles colonnes de
granit gris encore sur pied , mais tellement embarrassées dans la
maçonnerie des maisons qu’on y a adossées , qu’il est impossible de
juger à quelle sorte d’édifice elles peuvent avoir appartenu. Nous
en vîmes une autre ù moitié enfoncée en te rre, dans un cimetière
au sud-ouest de la ville ; et à deux cents pas de là nous apper-
çûmes un pilier octogone, de marbre g r is , de quatre ou cinq pieds
de hauteur, qui sert, maintenant de soutien à la charpente d’un